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Le bloc-notes

En matière de retraite, mieux vaut être fourmi que cigale

Le bloc-notes | publié le : 01.02.2000 | Raymond Soubie

Finances syndicales. Une affaire récente montre que l'exigence de transparence et de légalité qui a touché les partis politiques atteint désormais les syndicats. Les emplois dits de complaisance ou les aides occultes, banalisés depuis des années, deviennent aujourd'hui condamnables. Rien de réellement étonnant dans l'air du temps.

En revanche, il faut s'enquérir des conséquences de cette évolution sur la manière d'assurer aux syndicats les moyens nécessaires pour remplir leur rôle et notamment pour participer à la négociation collective et au bon fonctionnement des régimes paritaires. Les syndicats en France sont démunis. Ils disposent de deux types de ressources. La première, la plus naturelle, est constituée par les cotisations des adhérents. Ceux-ci sont malheureusement de moins en moins nombreux. Le taux de syndicalisation ne dépasse pas 5 % dans le secteur privé et les cotisants sont de plus en plus infidèles. La deuxième ressource réside dans les aides accordées par l'État, par exemple au titre de la formation : rien non plus de très élevé. Il n'est donc pas surprenant que le recours à une troisième source de financement, plus occulte, par la mise à la disposition d'emplois pour les permanents syndicaux ou par des crédits d'étude ou des commissions, se soit développé depuis la Seconde Guerre mondiale. Demain, il va être plus difficile d'avoir recours à ces pratiques, certes quelque peu obscures mais communes et admises sinon de l'opinion et des juges, du moins de l'État et des partenaires sociaux. Comme pour les partis, le rouleau compresseur de la légalité va passer.

Alors, pour les syndicats, que faire ? Deux voies doivent être explorées de manière complémentaire. La première repose sur le vieux principe « aide-toi, le ciel t'aidera ». Autrement dit, les syndicats, trop soutenus par les aides institutionnelles, officielles ou non, ne se sont peut-être pas assez préoccupés d'élargir le cercle de leurs cotisants. N'oublions pas que les enquêtes menées dans les entreprises montrent que les salariés sont très attachés au syndicalisme mais moins aux syndicats tels qu'ils sont. Il peut y avoir là, sous l'effet de la contrainte, une opportunité d'amélioration d'image et d'implantation sur le terrain.

La seconde voie est plus facile. Comme pour les partis, il faudrait qu'une loi mette à plat les financements syndicaux, qu'elle les rende transparents et les affecte à chaque organisation représentative selon des règles qui tiennent compte, parmi d'autres critères, de la représentativité constatée aux élections professionnelles.

La crise du paritarisme existe-t-elle ? Il est de bon ton de parler de la crise du paritarisme. Mais le concept de paritarisme est ambigu. Il existe de vrais régimes paritaires de plein exercice comme l'Unedic et les régimes complémentaires de retraite. Les partenaires sociaux en sont les maîtres. Ils décident du montant des prestations et des cotisations. En revanche, les conseils d'administration des caisses de sécurité sociale ont un simple rôle de gestion, l'État étant seul compétent pour les décisions les plus importantes. Les régimes réellement paritaires ont plutôt bien tenu le coup ces dernières années et les partenaires sociaux y ont prouvé leur sens des responsabilités. En revanche, l'ambiguïté demeure dans les relations entre l'État et les régimes de base. Veut-on aller vers plus de paritarisme ou plus d'État ? Une réponse franche de la part de chacun des acteurs politiques et sociaux les honorerait, car le pire serait de rester dans le clair-obscur actuel.

Retraites : coup de théâtre. René Teulade vient de jouer à contre-emploi. C'est un homme responsable qui fut un bon ministre et toujours un analyste perspicace. Autrefois, par ses rapports, il a contribué à l'élaboration d'un constat que la quasi-totalité des experts aujourd'hui partage : les finances des régimes de répartition vont se dégrader profondément au cours de la première moitié de ce nouveau siècle. Coup de théâtre : dans un projet d'avis qu'il a élaboré et qui a été d'ailleurs adopté par le Conseil économique et social, il parie sur un maintien de la croissance actuelle et juge que celle-ci, terrassant définitivement le chômage, rendra toute réforme des régimes de répartition inutile. Les politiques admirent la tactique : un rapport Charpin prônant la rigueur, un avis Teulade incitant à ne rien faire. Donc, le Premier ministre aurait les mains libres. Certes, dans l'instant, mais les faits sont têtus. En matière de retraite, pour préparer l'avenir, il vaut mieux être fourmi que cigale.

Auteur

  • Raymond Soubie