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Vie des entreprises

L’Opca des PME et celui de la métallurgie rivalisent sur le service

Vie des entreprises | Match | publié le : 01.02.2008 | Anne-Cécile Geoffroy

Dans un contexte de défiance vis-à-vis des Opca, les deux collecteurs musclent le service rendu à leurs adhérents. Qu’ils renforcent les outils en ligne ou dopent le conseil de proximité, tous deux parient sur l’externalisation de la gestion de la formation.

Les Opca sont sur la sellette ! Tout au long de l’année 2007, les organismes paritaires collecteurs agréés ont été la cible de rapports quant à l’efficacité du système de formation professionnelle. Dernier en date, celui de l’Igas, remis fin janvier à la ministre de l’Économie, Christine Lagarde. Objectif ? Évaluer les services que les Opca peuvent apporter aux « usagers » (voir encadré page 48), autrement dit aux entreprises et aux salariés. Une interrogation qui peut paraître saugrenue, treize ans après leur création. En 2007, 98 Opca se sont partagé un pactole de 4,7 milliards d’euros, en augmentation de 6 % par rapport à 2006.

Ces collecteurs sont majoritairement attachés à une branche professionnelle, comme l’Opcaim pour la métallurgie. L’organisme paritaire, hébergé par l’UIMM, a ainsi collecté 495 millions d’euros en 2006. « L’Opcaim est avant tout un collecteur de fonds obligatoires et facultatifs, rappelle Dominique de Calan, président de la structure paritaire. Il édicte les règles de prise en charge financière des actions de formation, mais n’est pas en contact direct avec les entreprises. » L’Opca de la métallurgie a fait le choix de déléguer la gestion des fonds à 57 Adefim, des associations 100 % patronales créées au sein des chambres syndicales régionales de l’UIMM, en relation avec les entreprises.

Face aux Opca de branche, deux organismes interprofessionnels, Opcalia et Agefos PME, collectent également les fonds des entreprises. Dans ce paysage, l’Agefos PME fait figure de mastodonte. En 2006, sa collecte frisait les 745 millions d’euros. Plus d’une trentaine de petites branches lui ont, par ailleurs, confié la gestion de leur collecte. À la tête, une Agefos nationale construit le plan de route des Agefos régionales, des structures entièrement paritaires, très autonomes, qui collectent directement les fonds de la formation.

Une mission élargie à l’emploi. Depuis la loi de 2004 et la refonte du système de formation professionnelle, les Opca ont vu leurs métiers de collecteur et de financeur sérieusement chamboulés. « Notre objet social, jusqu’ici centré sur la formation, s’est élargi à l’emploi sous la pression de la réforme, analyse Joël Ruiz, directeur de l’Agefos PME au niveau national. Celle-ci a créé des outils comme l’entretien professionnel ou la VAE, qui n’ont pas de lien direct avec la formation. Nos équipes sont sollicitées sur ces sujets par les entreprises. Nous devons donc nous en préoccuper. »

Dans les textes, leurs missions n’ont, en revanche, pas évolué d’un iota. Les Opca ont toujours pour rôle de collecter et de redistribuer l’argent afin de financer les actions de formation des entreprises. Sur le terrain, ce hiatus commence à se faire sentir, et la légitimité des organismes se joue désormais sur leur offre de services et leur proximité avec leurs adhérents. Tout au long de l’année, au sein des Adefim et des Agefos PME, des conseillers formation arpentent le territoire à la rencontre des entreprises.

Véritables chevilles ouvrières, ceux-ci vont expliquer les détails des nouveaux dispositifs aux adhérents. Pour les épauler, les deux Opca disposent d’une armée de juristes. L’Agefos PME offre à ses conseillers une hot line juridique. À l’UIMM, un juriste répond également aux questions des conseillers. En Midi-Pyrénées, l’association s’est même constitué une foire aux questions, un outil de veille juridique. « Les entreprises nous demandent de les accompagner dans la construction de leur plan de formation, note Catherine Gauffre, conseillère formation à l’Adefim de Midi-Pyrénées. Ce que nous faisons via le plan compétences compétitivité, un outil développé par l’UIMM. » « Surtout, notre rôle est d’optimiser le financement des formations en articulant les différents dispositifs de façon idéale. Quand leurs cotisations sur le 0,9 % du plan de formation ne permettent pas de boucler un projet, nous allons chercher des financements dans d’autres dispositifs », ajoute Emmanuelle Blondel, déléguée départementale des Agefos PME de Savoie.

« Notre job est de trouver des solutions pour financer les formations de nos entreprises qui accordent très peu de temps à ce sujet, explique Virginie Rigolle, conseillère formation à l’Agefos PME de Nord-Picardie. Pour être plus efficace et leur donner envie d’y aller, je ne les lâche pas. L’objectif est de visiter les entreprises de nos portefeuilles au moins une fois par an. Nous essayons de les voir plus régulièrement, surtout celles de plus de 10 salariés. »

Dématérialisation des tâches administratives Dans les faits, cette disponibilité relève souvent du vœu pieux. Pour assurer un service de proximité à ses adhérents, l’Agefos PME a beaucoup misé sur la dématérialisation des opérations de gestion. Du prébordereau, accessible en ligne, à la saisie des actions de formation et des demandes de financement sur le Web, l’organisme ne propose pas moins de cinq workflow différents. Cette dématérialisation permet aux conseillers de gagner un temps précieux, compte tenu du nombre d’entreprises à visiter chaque année. « Le portefeuille moyen d’un conseiller se compose de 200 entreprises de plus de 10 salariés dans notre secteur. Nous devons aussi accompagner 10 000 entreprises de moins de 10 salariés. Deux conseillers suivent ces entreprises », indique Jean-François Cousin, directeur de l’Agefos PME de Nord-Picardie. « La dématérialisation des actes administratifs nous permet de passer plus de temps sur le conseil, d’amener les entreprises à bien exprimer leurs besoins et de les traduire en actes de formation », ajoute Virginie Rigolle.

Dématérialiser les opérations de gestion permet à l’Agefos PME de libérer du temps de conseil

Sur les 38 000 entreprises de plus de 10 salariés adhérant actuellement à l’Agefos PME, 40 % ont opté pour une des applications que nous mettons à leur disposition gratuitement », note Laurence Carlinet, directrice déléguée au développement de l’Agefos PME nationale. Dernière application créée, Reshum DIF veut simplifier l’organisation du droit individuel à la formation dans les PME. « Une partie d’entre elles n’a pas de service RH. Cet outil leur permet de ne pas être piégées par ce dispositif et surtout de lisser son financement dans le temps », poursuit Laurence Carlinet.

L’Opcaim, quant à lui, n’a pas fait de la dématérialisation une offre de service supplémentaire. « Nous avons des outils qui permettent aux Adefim d’envoyer une requête de prise en charge en ligne directement à l’Opcaim, explique Jean-Marie François, directeur de l’Adefim rhodanienne. Mais, en demandant à l’entreprise de passer par le Net, on supprime le contact avec les conseillers. La dématérialisation, c’est l’argument de ceux qui ne peuvent pas assurer un service de proximité. La petite entreprise a besoin d’un interlocuteur unique. »

Certifiée ISO 9001 depuis dix ans, l’Adefim rhodanienne surveille de près le respect de ses indicateurs de qualité et cette fameuse proximité « clients ». « Nous recevons beaucoup d’appels des entreprises. Nous leur répondons toujours dans les vingt-quatre heures. Ce qui est important, c’est la réactivité », explique Myriam Lorcerie, conseillère formation pour l’Adefim rhodanienne. La jeune femme doit réaliser huit rendez-vous en entreprise par semaine et gère un portefeuille de 250 clients. « Nous aidons nos adhérents dans la gestion de leur plan de formation en réglant pour eux l’organisme de formation, en constituant les dossiers. Je vais souvent jusqu’à établir leur déclaration fiscale 24.83. Tout cet accompagnement administratif les rassure », poursuit Myriam Lorcerie. Sabine Belier, directrice financière de Kalori, une PME de 52 salariés spécialisée dans la climatisation et le chauffage pour véhicules industriels, abonde dans ce sens. « Nous travaillons en partenariat avec l’Adefim. Elle m’apporte une aide technique précieuse. Je fais systématiquement appel aux services de l’association avant de conclure un contrat de professionnalisation. »

Vers une externalisation de la formation. Mais les deux Opca ne se limitent pas à ce niveau d’intervention. Ils parient aussi sur la volonté des entreprises d’externaliser la gestion de leur formation. Dans le Rhône, la chambre syndicale et son Adefim ont été pionnières. En 2000, le DRH d’un site d’Areva a explicitement demandé à l’Adefim de prendre en charge l’administration du plan de formation. « 50 % du travail d’un responsable de formation, c’est de la gestion de back-office. Ça n’a pas de réelle valeur ajoutée. D’où l’intérêt de confier ce travail à un Opca, qui connaît parfaitement le sujet », souligne José Félix, ex-DRH du site d’Areva dans le Rhône. « L’Adefim est la porte d’entrée, mais elle ne gère pas ce service, précise son directeur Jean-Marie François. Notre convention de délégation avec l’Opcaim nous l’interdit. »

Pour gérer la formation de sites d’Areva, l’Adefim du Rhône a créé une structure ad hoc

L’habileté de la chambre syndicale est d’avoir confié la prestation à l’une de ses structures, Ressources et Performances, un cabinet de conseil en ressources humaines. Concrètement, celui-ci recueille les besoins de formation auprès des salariés, établit le plan de formation, gère les convocations aux stages et la logistique des salles de formation. Depuis, Ressources et Performances prend en charge le plan de formation de la quasi-totalité des sites d’Areva en France.

D’autres entreprises de la région ont été séduites. « Nous couvrons 15 000 salariés aujourd’hui. On peut encore développer ce service, mais je tiens à y aller doucement, car cela suppose de former des collaborateurs capables de prendre en main ces externalisations », indique le directeur de l’Adefim rhodanienne. Pour le moment, peu d’Adefim proposent indirectement ce type de service. La chambre syndicale de Midi-Pyrénées a ouvert fin décembre une filiale, baptisée Alliage. « Nos entreprises nous demandent cette prestation depuis deux ans. L’Adefim reste l’interlocuteur des entreprises sur l’ingénierie financière, mais nous savons que désormais les demandes de prise en charge remplies par Alliage seront conformes », explique Nadine Hernandez, la directrice de l’Adefim.

Pas de publicité. L’Agefos PME propose aussi ce service d’externalisation, sans en faire la publicité. Deux grandes entreprises publiques lui confient d’ailleurs depuis quelques mois une partie de l’administration de leur formation, dont celle du DIF. Une plate-forme téléphonique est en place pour recueillir les souhaits des salariés. « Les entreprises hésitent encore à en parler ouvertement car l’externalisation inquiète, mais c’est bien dans l’air du temps, admet Joël Ruiz, le directeur national. Nous considérons que notre valeur ajoutée va au-delà du simple financement des actions de formation. » Si les Opca veulent continuer à assurer ces nouvelles prestations, les 9 % prélevés sur la collecte et autorisés par le législateur pour les financer ne suffiront bientôt plus. À côté de l’Agefos PME et de l’Opcaim, de nombreux petits Opca de branche n’ont pas les moyens humains d’assurer ce service de proximité. Au cours des mois à venir, dans le cadre de la nouvelle réforme de la formation professionnelle annoncée pour 2008, on pourrait donc assister à une vague de fusions au sein des Opca. Au risque de voir disparaître les plus fragiles.

Agefos PME

Sommes collectées :

745 millions d’euros (2006)

Entreprises adhérentes :

288 000

Salariés couverts :

4,15 millions

Opcaim

Sommes collectées :

495 millions d’euros (2006)

Entreprises cotisantes :

44 798

Salariés couverts :

1,84 million

Les voies de réforme

Au cœur de la récente mission de l’Igas, l’évaluation des services des Opca et de leur proximité avec leurs « clients ». Les inspecteurs ont ausculté les pratiques de cinq organismes paritaires (l’Aref BTP, le FAF « commerce, services et bâtiment » des artisans, le Fafih pour l’hôtellerie, les Fongecif et l’Agefos PME) dans trois régions (Pays de la Loire, Languedoc-Roussillon et Alsace). Parallèlement, un questionnaire a été envoyé à l’ensemble des organismes collecteurs.

Des préconisations « techniques » de l’Igas l’État tirera des solutions forcément politiques. Deux voies sont possibles : soit l’État remet en cause l’existence des Opca et leur confisque la collecte pour la confier à un organisme comme l’Urssaf, soit il réaffirme leur rôle tout en imposant aux petits Opca de fusionner pour accroître leur efficacité. La première voie est risquée, car l’État romprait avec la tradition selon laquelle le droit à la formation, d’essence conventionnelle, se construit dans un cadre consensuel. Par ailleurs, il reste à l’État à prouver que ses agents ont une réelle proximité avec les entreprises. Dans la seconde hypothèse, les Opca ne pourront faire l’économie d’une réflexion sur leur gouvernance territoriale pour répondre au mieux à leurs clients.

Auteur

  • Anne-Cécile Geoffroy