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Un système efficace, pas une formule miracle

Dossier | publié le : 01.02.2008 | S. G.

Élément clé du process RH, l’entretien d’évaluation pâtit souvent d’un manque de rigueur. Son informatisation homogénéise ses modalités et optimise son exploitation, mais elle n’en change pas le fond. Points sensibles : le rôle des managers et la confidentialité des informations.

Les 1 300 salariés du fabricant et distributeur de matériel médical B. Braun Medical ont découvert l’e-évaluation il y a quelques semaines : « Notre système d’information RH a été finalisé début 2007, explique Pascal Guichard, DRH. La première campagne d’e-évaluation a lieu du 1er décembre 2007 au 15 février 2008. Les managers sont désormais suivis à la trace : nous pouvons les rappeler à l’ordre s’ils n’ont pas lancé les invitations ou transmis les comptes rendus d’entretien dans les délais. »

Évaluation sous contrôle. Pourtant considéré par la plupart des DRH comme un élément clé de leur stratégie managériale, « l’entretien d’évaluation n’a jamais été réellement mis sous contrôle, note Frédéric Radier, vice-président exécutif de Jobpartners, éditeur de logiciels RH. Les systèmes d’information leur confèrent davantage de rigueur : tous les managers sont invités à fixer leurs objectifs au même moment ; ils peuvent s’appuyer sur un cadre méthodologique homogène ; enfin, la DRH peut suivre en temps réel l’avancement des opérations ». Une forme d’assurance qualité qui a longtemps fait défaut à cet exercice trop souvent vécu comme une corvée par les salariés et, plus encore, par les managers. « Mettez-vous à leur place ! poursuit Frédéric Radier. On leur en demande de plus en plus sans forcément leur donner les outils nécessaires aux missions qui leur échoient. Avec une grille d’entretien, une méthodologie et un calendrier, l’évaluation devient un exercice beaucoup plus agréable. »

De fait, chez B. Braun Medical, la procédure est plus formalisée que par le passé : après avoir fixé les dates d’entretien, le manager envoie un questionnaire d’évaluation à ses collaborateurs. Chacun peut ainsi préparer l’entretien en amont : les objectifs de l’année N ont-ils été atteints ? Sinon, pour quelles raisons ? Quels moyens aurait-il fallu mettre en œuvre pour y parvenir ? Quels objectifs fixer pour l’année N + 1 ? Etc. « Nous avons toujours insisté sur l’importance de la préparation de l’entretien, poursuit Pascal Guichard. L’envoi du formulaire en amont rappelle à chacun – manager et collaborateurs – qu’il est temps de se pencher sur la question. »

Ce support peut aussi influer sur le déroulement de l’entretien. « Il lui donne du rythme et de la rigueur », estime Frédéric Radier. « L’outil informatique libère du temps pour la discussion, renchérit Doris Gautronneau, directeur du développement RH de Xerox France. Le temps passé à la rédaction ou au reporting – qui ont tendance à polluer l’entretien – est réduit au minimum. La conversation est plus libre, plus interactive. À condition, bien entendu, que l’entretien ait été bien préparé en amont : cette préparation représente à mon sens 80 % de la réussite de l’exercice ! »

Plus que sur le déroulement de l’entretien lui-même, la vraie révolution informatique se joue en réalité sur l’exploitation des comptes rendus. « Ils sont envoyés à la DRH, qui les utilise pour alimenter sa base de données statistiques (donc nourrir le bilan social) et construire ses plans de formation et de rémunération », explique Pascal Guichard, de B. Braun Medical. « Les résultats sont beaucoup plus faciles à exploiter, ajoute Doris Gautronneau. Ils sont archivables, compilables et comparables d’une année à l’autre. »

Ce qui pose inévitablement la question de la confidentialité des informations recueillies et versées au dossier du salarié. Tout système d’information RH doit faire l’objet d’une déclaration à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) : « A priori, quand on achète un système d’information clés en main, on ne court aucun risque, explique Pascal Guichard. Les éditeurs s’assurent, avant de commercialiser leurs solutions, qu’elles sont conformes à la législation. Nous avons néanmoins pris la précaution de nommer un référent Cnil. De plus, avant de transmettre le compte rendu d’entretien à la direction des ressources humaines, le manager doit impérativement le soumettre à son collaborateur, qui le contresigne : il confirme ainsi que ce document traduit bien ce qui s’est dit durant l’entretien. Y compris – et surtout – si le collaborateur a contesté ou apporté des éléments d’explication à l’appréciation portée par son manager. »

Critères objectifs. Soyons clairs : l’informatisation optimise le déroulement et le traitement des entretiens d’évaluation, mais elle n’en change guère le fond. Si le système de notation pratiqué par IBM, par exemple, est aussi contesté, c’est parce que ses salariés et le CHSCT, qui a réclamé une expertise, considèrent qu’il génère du stress, voire de la souffrance mentale chez des collaborateurs terrifiés à l’idée d’être classés dans la catégorie « mauvais contributeur ». Le support n’y change rien : ce sont les méthodes d’évaluation, avec un recours presque systématique au 360° et le système de notation (qui classe les salariés en différentes catégories selon un critère déterminant : le temps « réellement productif ») qui sont sur la sellette. « L’e-évaluation a toutes les chances de bien fonctionner dans les entreprises où les entretiens de gestion des carrières étaient déjà bien vécus par les salariés, commente Michel Margerit, manager au sein du cabinet de conseil Eurogroup. Quand le système d’évaluation est critiqué, son informatisation ne résout pas le problème. »

La qualité de l’e-évaluation repose avant tout sur la pertinence de la grille d’entretien. Des questions floues ou des critères subjectifs ne sont, hélas !, pas plus efficaces sur l’intranet que sur le papier : « Parler de satisfaction client ne veut rien dire, commente Doris Gautronneau. L’évaluation doit reposer sur des critères objectifs, factuels et mesurables : des indicateurs tels que le nombre de plaintes de clients ou, mieux, les commentaires des mécontents après le traitement de leurs griefs, me semblent plus pertinents. » Une évidence ? « Il me paraît important de rappeler que les systèmes d’information RH ne sont que des outils d’aide à la décision », souligne Gérard Duval, responsable du pôle excellence de la fonction RH au sein du cabinet Hewitt.

Ces outils permettent certes d’avoir une vision plus globale et partagée des informations disponibles : « Notamment dans des entreprises très internationales ou dans des groupes nés de fusions successives entre des entités dont les cultures sont très différentes. Le système d’information est alors un élément fédérateur qui homogénéise les pratiques », précise Bertrand Mercier, consultant chez Towers Perrin. Mais ces outils ne changent pas fondamentalement la culture de l’évaluation et ils ne prennent tout leur sens que si les salariés parviennent à se les approprier : « Il faut que chacun y trouve son compte, poursuit Gérard Duval : la DRH, parce qu’elle collecte ainsi une masse d’informations considérable ; les managers, parce qu’ils peuvent s’abriter derrière un outil objectif pour gérer l’évaluation de leurs collaborateurs ; les salariés, parce que les systèmes d’information facilitent la gestion personnalisée des carrières qu’ils appellent de leurs vœux. » « Pour un salarié, il est toujours très gratifiant de voir que ses remarques ou souhaits émis lors de l’entretien d’évaluation ont été pris en compte par son manager et la DRH », ajoute Bertrand Mercier. Ce qui montre à quel point les attentes à l’égard de l’évaluation sont importantes.

Pour éviter de les décevoir, il faut réfléchir au sens que l’on entend donner à l’évaluation, mais aussi à l’impact qu’aura la mise en place d’un système d’information sur les organisations : « Le rôle des managers, notamment leur degré d’autonomie dans la fixation des objectifs de leurs collaborateurs, et le degré de confidentialité des informations échangées (et leur mode de validation avant diffusion) doivent être mûrement pensés », prévient Bertrand Mercier. Sinon, le manager se trouve en porte-à-faux : décrédibilisé par un système qui, au contraire, est censé lui simplifier la tâche. Un comble !

Auteur

  • S. G.