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Idées

Doit-on sanctionner financièrement les inégalités salariales hommes-femmes ?

Idées | Débat | publié le : 01.01.2008 |

À partir de 2010, les entreprises qui n’auront pas mis en place de plan pour résorber les écarts de salaires entre hommes et femmes encourront des sanctions financières. Cette mesure sera-t-elle efficace ? Les réponses de la DRH de la banque HSBC, du président de l’Union professionnelle artisanale et de la directrice de la promotion de l’égalité à la Halde.

Sylvie François DRH de HSBC France

Chez HSBC France, plus de 1 million d’euros ont été consacrés durant les quatre dernières années à l’égalité salariale. Deux actions concrètes sur ce thème : tout d’abord une enveloppe financière annuelle réservée à des augmentations individuelles pour favoriser l’équité professionnelle entre les hommes et les femmes. Ensuite, pour chaque femme de retour de congé maternité ou d’adoption, une augmentation salariale minimale égale à la moyenne des augmentations salariales individuelles et sélectives dont elle a bénéficié au cours des trois dernières années (ou bien, la moyenne de celles de sa catégorie si ce calcul lui est plus favorable). De telles mesures ont eu un effet correctif d’ajustement non négligeable.

Les sanctions financières décidées lors de la conférence sur l’égalité professionnelle vont-elles inciter les entreprises à faire ou à faire plus ? La sanction n’a jamais été un moteur de changement chez HSBC France. Nous avons engagé ces actions ambitieuses parce qu’elles s’inscrivent dans la politique globale de responsabilité du groupe HSBC. En effet, pour un grand groupe comme le notre, l’enjeu du changement va bien au-delà. Plutôt que de s’attaquer aux seules rémunérations, l’impératif est d’œuvrer sur l’évolution professionnelle des femmes, leur responsabilité dans l’entreprise. Et cela depuis leur embauche initiale, en passant par tous les stades de leur promotion, jusqu’à leur participation au comité de direction générale. Chez HSBC, nous nous sommes attelés à ce chantier depuis 2003 en travaillant sur la promotion des femmes. Et aujourd’hui les résultats sont significatifs. En effet, 44 % des femmes sont des cadres contre 36 % dans les autres banques AFB, 32 % de nos directeurs d’agence et 25 % des membres de notre direction générale. Aujourd’hui, nous poursuivons notre effort dans la sélection des potentiels. Car il y a là aussi un levier évident de promotion des femmes. Et les freins à lever tiennent autant aux process qu’aux représentations et à l’évolution des mentalités. S’attaquer à l’équité salariale est donc nécessaire. Prévoir des sanctions financières peut constituer un aiguillon supplémentaire pour certaines entreprises, mais avec les limites que l’on connaît déjà à de telles mesures, par exemple en matière de handicap. C’est donc le travail sur la responsabilité des femmes qui permet d’inscrire les progrès dans la durée en traitant la cause plutôt que le seul symptôme.

Pierre Martin Président de l’UPA

Lors de la conférence consacrée à l’égalité professionnelle et salariale entre les hommes et les femmes, la représentante de l’UPA a clairement exprimé les spécificités de l’artisanat en ce qui concerne la mixité au travail et a rappelé notre engagement en faveur de l’égalité professionnelle. Il n’est pas inutile de souligner que l’artisanat comporte des métiers qui sont encore presque exclusivement exercés par des hommes, tels que la réparation automobile et le bâtiment, ou quasi exclusivement par des femmes, tels que l’esthétique. Autre caractéristique, un artisan sur cinq est une femme. C’est trop peu et pourtant bien au-delà de la moyenne des entreprises. En effet, 19 % des entreprises de moins de 10 salariés sont dirigées par des femmes, contre seulement 9 % des entreprises de plus de 250 salariés. De la même façon, les différences de salaires entre femmes et hommes sont nettement moindres dans les petites entreprises. Pour autant, un important travail reste à accomplir pour que l’égalité professionnelle et salariale entre totalement dans les faits. Nous considérons à l’UPA que cette question est d’abord du ressort des organisations de branche. Ce sont elles qui fixent par la négociation les grilles de salaires, sans différenciation entre les hommes et les femmes, bien sûr. Les organisations professionnelles membres de l’UPA agissent sur plusieurs plans pour favoriser la mixité. Certaines ont engagé des actions pour accélérer le changement des mentalités, d’autres pour conforter l’orientation des jeunes filles vers les métiers porteurs d’emploi. En outre, nous veillons à établir des critères de recrutement non discriminants.

Par ailleurs, la baisse du nombre d’actifs est venue renforcer les besoins en main-d’œuvre. Cette situation donne une raison supplémentaire à l’UPA de promouvoir la mixité, en montrant combien elle peut constituer une opportunité face aux difficultés de recrutement. Au-delà, il n’est pas souhaitable que les entreprises artisanales soient soumises à une réglementation trop stricte et encore moins à des sanctions financières. D’abord parce que les chefs d’entreprise n’ont pas vocation, surtout dans l’artisanat, à éplucher tous les matins les nouveaux articles du Code du travail qu’ils devront appliquer. Ensuite parce qu’en créant trop de contraintes et de sanctions, les pouvoirs publics risquent de dissuader les chefs d’entreprise d’embaucher, et ainsi d’aboutir finalement à l’effet inverse de celui escompté.

Alexandra Palt Directrice de la promotion de l’égalité à la Halde

Depuis plusieurs décennies, la classe politique française exprime son désir de lutter contre les inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes. De 1972 à 2006, quatre lois ont été votées sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Cependant, dans la pratique, le bilan de ces lois reste négatif. Faute de mesures coercitives spécifiques associées à la non-application de ces lois, ces textes sont concrètement très peu appliqués. Cette absence manifeste de volonté politique d’atteindre l’égalité professionnelle entre les sexes, notamment en matière de salaires, a permis aux entreprises de continuer à considérer l’infraction de discrimination envers les femmes comme une donnée négligeable. La mesure annoncée par le ministre Xavier Bertrand manifeste l’expression d’une réelle volonté politique pour en finir avec les discriminations salariales. Ainsi, dans l’avenir, des sanctions financières vont faire prendre conscience à l’entreprise que la discrimination des femmes n’est plus, ni socialement ni légalement, tolérée.

Toutefois, on peut déplorer qu’après plus de cinquante ans de combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes nous ne soyons qu’à l’étape du « à travail égal, salaire égal ». Or beaucoup de questions restent à traiter. À cause des discriminations systémiques et indirectes, les femmes sont souvent cantonnées dans des secteurs et des postes moins valorisés et donc moins bien payés. On trouve moins de femmes dans les directions opérationnelles qui mènent au sommet de l’entreprise, mais elles sont surreprésentées dans les fonctions supports, comme la communication ou les ressources humaines. Le moment est venu de viser l’objectif « à potentiel égal, travail égal » et de traiter davantage les facteurs structurels qui engendrent l’inégalité. Par ailleurs, adopter une loi ne suffit pas. Elle doit être suivie d’une vraie volonté politique d’application pour engendrer, à terme, un changement des pratiques. Une évolution des mentalités est également nécessaire pour ne plus, par exemple, faire peser la charge du travail familial uniquement sur les femmes. Cela dit, espérons que cette mesure n’en est pas une énième qui restera lettre morte, mais que cette volonté politique affichée provoquera du changement. Peut-être qu’un jour prochain la même ambition politique sera mise en œuvre pour lutter contre les discriminations dont sont victimes les minorités visibles dans notre pays. Il n’est pas interdit de rêver.