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C’est sur la Toile que ça se passe

Dossier | publié le : 01.01.2008 | Domitille Arrivet, Sarah Delattre, Sabine Germain

Outils maison ou sites de prestataires, les job boards sont devenus incontournables pour qui veut recruter efficacement. À condition de respecter certaines règles de communication. Les grands groupes ne s’y sont pas trompés. Même l’armée s’y est mise.

Les accros du CV papier et de la jolie lettre de motivation calligraphiée peuvent aller se rhabiller. Ce n’est plus un secret pour personne : c’est dorénavant par Internet que circulent les offres d’emploi et les candidatures. Et, faute de s’y plier, les entreprises qui ne maîtrisent pas encore cet outil désormais banalisé risquent fort de regarder passer les trains. Car, à mesure que les générations du baby-boom vont partir à la retraite et que les tensions sur le marché du travail vont s’accroître, les bonnes vieilles méthodes de recrutement n’auront plus cours.

Aujourd’hui, un poste est à pourvoir chez l’artisan menuisier du coin. Nul besoin de se tourner vers le journal local pour le faire savoir. Il suffit de contacter un job board, l’un de ces sites Internet qui recueillent les offres d’emploi disponibles, et de diffuser l’annonce, moyennant quelques centaines d’euros. Dès le lendemain, des dizaines de milliers de candidats potentiels, dans l’Hexagone ou ailleurs, en auront pris connaissance. Certains auront déjà fait parvenir leur candidature par mail. Il ne reste plus à l’artisan qu’à sélectionner la perle rare. Zéro papier et un délai réduit au minimum, pour un coût environ dix fois moindre qu’avec les médias traditionnels.

Séduites par la rapidité de la procédure, les grandes entreprises ont été les premières à se ruer vers les sites d’emploi. Chez L’Oréal, la Toile permet de pourvoir en moyenne 70 % des ostes disponibles chaque année : dans le monde, cela représente 2 500 cadres, et autant de stagiaires. « L’outil Internet nous sert dans trois domaines. C’est d’abord un moyen de construire notre image auprès des candidats potentiels. C’est aussi un outil de contact et de chasse. Enfin, il nous permet la sélection et la gestion des 650 000 candidatures que nous recevons par an. Et, dans chaque domaine, il prend une part de plus en plus importante », explique François de Wazières, le directeur international du recrutement.

Tout le monde y gagne. À l’image de L’Oréal, les grands groupes ont déployé leur propre site Internet, destiné à mieux les faire connaître des candidats et à annoncer les postes à pourvoir. Employeurs comme candidats, tous y gagnent. « Grâce à ces outils, les candidats postulent en étant mieux informés », remarque Markus Pflanz, directeur du recrutement de Hewlett-Packard en Europe du Sud. « Pour nous, leur candidature est beaucoup plus facile à exploiter. Par exemple, on peut aisément partager un CV électronique entre un site de Paris et un autre à Grenoble. Avec un CV papier, on ne le faisait pas. » Pour faciliter la sélection des candidatures reçues, le groupe d’informatique et d’électronique a mis en place avec le fournisseur de logiciels spécialisés Taleo un outil de tri des CV ultraperformant. « On peut affiner nos recherches parmi les CV à partir de mots-clés. Du coup, Internet nous permet de chercher mieux, parmi un plus grand nombre de CV », explique Markus Pflanz, qui doit recruter 250 personnes en France cette année. Pour cela, l’entreprise dégagera un budget d’environ 200 000 euros, qui comprend la mise à jour des outils électroniques de recrutement mais aussi les frais de diffusion d’annonces sur les job boards généralistes ou spécialisés.

En appui des sites Internet maison, les job boards sont devenus des prestataires de services incontournables. En tête du hit-parade de fréquentation, Monster, Cadremploi, ainsi que les sites de l’ANPE ou de l’Apec. Outre la diffusion d’annonces, les entreprises les utilisent aussi pour puiser – moyennant un tarif forfaitaire – dans leur abondante CVthèque (3,5 millions chez Monster, 1,1 million chez Cadremploi). Cependant, victimes de leur succès, les job boards généralistes n’ont plus la même efficacité qu’à leurs débuts : « Il y a trois ans, nous avions 20 000 offres d’emploi sur notre site. Aujourd’hui, nous en avons 40 000 », reconnaît Claude Monnier, DRH de Monster France. Du coup, les entreprises se tournent, en plus, vers des sites spécialisés qui offrent, eux aussi, des résultats très satisfaisants : efinancialcarieers pour les profils financiers, les jeudis pour les informaticiens… Moins saturés d’annonces, ils donnent aux recruteurs une meilleure visibilité.

Attention à la sémantique. Mais gare au mirage Internet. Sa simplicité est trompeuse. Et il n’est pas toujours facile de l’utiliser. D’abord, on y communique différemment. « La première tâche d’un recruteur est d’attirer l’attention du candidat. C’est du marketing on line destiné à envoyer un message, adapté au profil recherché, au bon moment, au bon endroit. Une attention particulière doit être portée, lors de la rédaction du message, à la sémantique », avertit Claude Monnier, de Monster France. Selon lui, les entreprises ont encore des progrès à faire en la matière. Ensuite, il faut savoir gérer l’afflux des CV. « Les recruteurs ont cru qu’ils pouvaient réduire les ressources grâce à l’utilisation de la technologie Internet. C’est faux : Internet apporte un flux croissant de candidatures, il faut encore des gens pour les gérer », ajoute-t-il. D’autant que les jeunes générations de candidats, elles, n’ont pas tardé à s’approprier l’outil. « Les candidats ne se satisfont plus d’une réponse qui leur parvient un mois après. Ils maîtrisent mieux la technologie que les entreprises et sont plus exigeants », prévient David Herz, directeur commercial de l’agence de communication de ressources humaines TMPNeo.

Même au top, un bon site de recrutement ou une annonce bien ciblée ne suffisent plus. Concurrence oblige. « Aujourd’hui, les jeunes sont méfiants envers les entreprises. Ils décodent la publicité, les discours langue de bois », poursuit David Herz. « L’entreprise leader sur son marché, le candidat s’en moque. Ce qui l’intéresse, c’est me, myself, and I. Comprenez : sa mission dans l’entreprise, son environnement immédiat et son évolution de carrière. » En la matière, les informaticiens – qui ont en moyenne chacun huit offres d’emploi à leur disposition – font figure d’enfants gâtés. Carole Bereby, responsable du recrutement et de la mobilité chez l’éditeur de logiciels GL Trade, en sait quelque chose : elle doit recruter 150 ingénieurs par an. « Maintenant, ils ne répondent même plus aux annonces. Ils savent qu’en déposant leur CV sur une base de données ils seront contactés. Cela nous demande de redoubler d’efforts pour aller les chercher », déplore-t-elle. Ses pistes d’exploration : les blogs, les réseaux, les forums de discussion autour de sujets fédérateurs pour ces profils.

Une compétition on line. Même combat chez L’Oréal, qui bataille afin d’attirer les talents. En Europe de l’Ouest, pour remplacer les générations qui partent à la retraite, et dans les pays émergents, comme le Brésil, la Russie, le Mexique ou l’Inde, où l’offre de candidats ne suffit pas à pourvoir les postes. Alors le géant des cosmétiques mobilise même ses salariés pour partir – discrètement – en chasse de nouvelles recrues. « Des collaborateurs de la DRH fournissent des contenus pour les sites de réseaux sociaux comme Facebook, Viadeo ou LinkedIn. Ils contribuent à la constitution de groupes d’intérêt. Nous avons aussi créé – c’est un test – des vidéos que nous diffusons sur YouTube ou Dailymotion. On y voit par exemple un chef de produit en situation. Nous recherchons tout ce qui permet de toucher de nouvelles recrues, mais c’est compliqué », reconnaît François de Wazières. Depuis 2000, la maison a aussi inventé le « L’Oréal e-Strat Challenge ». Une compétition on line au cours de laquelle s’affrontent dans le monde entier 20 équipes d’étudiants mis en situation de diriger une entreprise de cosmétiques durant quelques semaines. « Cette opération, très coûteuse car elle mobilise aussi les équipes locales, est un outil pédagogique et un vecteur d’image. Sa vocation finale de recrutement cherche à rester discrète », explique François de Wazières.

Dans l’armée de terre aussi, pour attirer, on se doit d’être créatif. Depuis six ans, le plus gros recruteur de l’Hexagone – qui intègre pas moins de 13 000 militaires du rang et officiers par an – mise sur le « chat » pour séduire. Il est un précurseur en la matière. Chaque mois, l’armée de terre organise des opérations de rencontres virtuelles, dans des régiments différents. « Nous revenons du 40e Régiment des transmissions, à Thionville. Le mois dernier, nous étions chez les Tirailleurs, à Épinal », raconte le capitaine Gauthier, chef de la cellule multimédia au sein du bureau de recrutement national. Le principe : une équipe de civils et de militaires pourvue d’une caméra répond en direct à toutes les questions posées par écrit par les candidats potentiels. Avec 180 000 e-mails « d’invitation » envoyés, le ministère de la Défense obtient un score d’environ 6 000 contacts… qu’il lui reste à convaincre. Coût de l’opération : 90 000 euros pour la réalisation des chats, mais aussi 500 000 euros d’achat d’espace on line pour faire connaître ses actions.

Dernière tentative de séduction en date chez les militaires : en pensant aux 50 % de Français qui n’ont pas accès à Internet, l’armée de terre vient de lancer un accès à son site Web par l’intermédiaire du téléphone mobile. Voilà les soldats en herbe habilement cernés. Une stratégie d’encerclement dont bien des entreprises privées devront s’inspirer, à mesure que la pénurie de talents se fera sentir. Avec, en son centre, le Web.

D. A.

ENGAGEZ-VOUS !

Premier recruteur de France, l’armée de terre a développé un site de recrutement très complet, de navigation très facile, qui permet aux candidats de trouver leur voie par de multiples accès – région, niveau de formation, métier… Ils peuvent ensuite contacter par mail ou par téléphone un recruteur de l’un des 104 centres de recrutement de France, ou encore s’y rendre sans rendez-vous. Tout est fait pour ne pas laisser échapper une recrue potentielle !

98 % des offres d’emploi sont diffusées par Internet en 2007

Source : Monster France.

TÉMOIGNAGES VIDÉO

« En étant dans mon char, je sens que je fais mon métier. Je commande mon tireur et mon pilote… » Avec 16 témoignages de « vrais militaires » filmés, l’armée de terre veut convaincre les candidats de la richesse de ses 400 métiers et se défaire de nombreuses idées reçues. Interactif, le site permet, en plus, de « chatter » une fois par mois en direct avec des représentants d’un régiment. Le candidat pose ses questions par écrit, les militaires répondent par vidéo interposée.

LE PARCOURS DU RECRUTÉ

Toutes les étapes du processus de recrutement sont expliquées. L’institution va même jusqu’à prodiguer ses conseils pour réussir l’entretien : « Soyez à l’heure, soyez naturel… » Mais attention : si l’armée de terre se met en quatre pour séduire les candidats, elle ne leur épargne pas un parcours de sélection très formaté. Armée oblige !

Des services diversifiés

On dirait qu’ils sont à peine nés, et voilà que les sites d’offres d’emploi en ligne sont déjà en pleine réflexion sur leur avenir. La raison ? Leur modèle économique, fondé sur la commercialisation de la mise en ligne d’offres d’emploi, pourrait bientôt être concurrencé par certains géants d’Internet qui viendraient proposer le même service… gratuitement.

« C’est déjà le cas aux États-Unis, où de grands groupes de presse proposent la mise en ligne gratuite des offres d’emploi et tablent sur l’audience pour vendre plus cher leurs espaces publicitaires », explique Claude Monnier, porte-parole de Monster en France. Du coup, chez le numéro un français du recrutement en ligne, on pense développer de nouveaux services dès 2008.

« Nous allons faire évoluer notre site d’emploi vers une offre de services beaucoup plus large », révèle Claude Monnier.

S’inspirant de l’expérience de son grand frère américain, qui réalise déjà près de la moitié de son chiffre d’affaires de la sorte, le site proposera aux candidats des services tous azimuts : assurance, logement, automobile, colocation…

« Aujourd’hui, le job est la colonne vertébrale de l’individu. On en change, et tout doit parfois être reconstruit : nouveau logement, nouvelle voiture, nouveaux amis, nouveaux loisirs… Nous voudrions donc proposer aux nouveaux recrutés de les aider dans toutes ces recherches. Un peu comme un concierge personnel », souligne Claude Monnier. Pour cela, la maison mise sur les 3,5 millions de CV qu’elle annonce détenir dans sa CVthèque : une mine de prospection prometteuse pour les partenaires qui voudront s’associer à monster.fr dans cette aventure.

Auteur

  • Domitille Arrivet, Sarah Delattre, Sabine Germain