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La capitalisation collective à petits pas

Dossier | publié le : 01.12.2007 |

Les dispositifs d’épargne retraite progressent. De façon modeste pour le Perco, le dernier-né, qui concerne potentiellement tous les salariés. Le contenu des accords reste très en deçà des enjeux et l’abondement limité. Quant aux salariés, ils n’en mesurent pas tous les risques.

Au regard des 200 milliards d’euros de cotisations retraite brassés par les régimes obligatoires (Cnav et Agirc-Arrco), les 7 milliards d’euros récoltés par les dispositifs d’épargne retraite collective s’apparentent encore à une goutte d’eau… Mais le mouvement prend de l’ampleur. Les sommes versées sur des contrats retraite d’entreprise traditionnels – à cotisation définie, de type article 83, pour les cadres supérieurs, ou à prestations définies, de type article 39, pour les dirigeants (voir encadré page 70) – augmentent, selon la FFSA, au rythme de 11 % par an. Par ailleurs, le plan d’épargne retraite collectif (Perco) rencontre un vrai succès d’estime. Deux ans après sa création, ce nouveau dispositif issu de l’épargne salariale a déjà séduit près de 37 500 entreprises couvrant près de 1,2 million de salariés. Et le marché devrait encore se développer, si l’on en croit les résultats du dernier baromètre du Club de l’épargne salariale présenté mi-octobre : si 23 % des sociétés interrogées disposent déjà d’un Perco, 44 % y songent.

La mentalité des représentants des salariés change également à l’égard de cette forme de capitalisation : « Compte tenu de l’évolution des régimes par répartition, ce serait une erreur stratégique de ne pas utiliser la manne financière que constitue l’épargne d’entreprise pour améliorer le niveau des retraites », explique Jacques Lemercier, secrétaire général de FO Communication, signataire des deux accords mettant en place un Perco à France Télécom et à La Poste. Que les négociations soient boostées par la recherche d’une optimisation sociale et fiscale ou par des obligations législatives, les partenaires sociaux sont donc de plus en plus souvent amenés à discuter d’épargne retraite. Toutefois, le contenu même des accords est encore loin d’être à la hauteur des enjeux en matière de complément de retraite. « Le Perco n’a pas révolutionné le marché de la retraite collective », affirme François Lusson, président du cabinet d’actuariat Winter & Associés.

Abondement minimal sur le Perco. Si tous les experts s’accordent à reconnaître, à l’instar de Patrick Azières, du cabinet Hewitt, qu’« un Perco non abondé par l’entreprise n’a aucun sens », force est de constater que l’effort des sociétés, estimé par Jean Canel, consultant senior de Towers Perrin, à 500 euros d’abondement par an et par personne en moyenne, reste limité. Surtout si on le compare à ce que les entreprises consacrent à la constitution d’un supplément de retraite de type article 83 : il n’est alors pas rare de les voir débourser jusqu’à 5 000 euros par an. « L’abondement au Perco est fonction des enveloppes globales dont les DRH disposent, à répartir entre les différents volets de la politique salariale : négociation annuelle obligatoire, épargne salariale, santé, prévoyance », confirme Jean-Marie Gallet, directeur commercial adjoint de la filiale BNP Paribas Épargne et Retraite Entreprises. À La Poste, par exemple, l’abondement a été limité à 900 euros pour un plafond légal maximal de 4 600 euros. La raison en est simple : « Si la moitié des postiers décidaient d’y adhérer en y plaçant le quart de leur revenu annuel comme la loi les y autorise, La Poste n’aurait plus les moyens d’abonder », relève Robert Cabeza, délégué Force ouvrière. Mais, avec seulement 3 500 adhésions enregistrées depuis la création du Perco en décembre 2006 pour 276 000 collaborateurs, La Poste est loin d’être acculée à la faillite…

La stratégie d’investissement au cœur du Perco, n’apparaît pas toujours adaptée au financement d’un complément de retraite. « Les entreprises sont avant tout soucieuses de ne pas exposer leurs salariés à des risques inconsidérés », indique Martine Rapoport, directrice des clientèles collectives de CNP Assurances. Conséquence, elles ont tendance, constate Jean-Jacques Guille, secrétaire confédéral chargé de l’épargne salariale à la CFDT, « à sécuriser de plus en plus les investissements au fur et à mesure que l’âge de départ à la retraite avance » : du profil « tout action » pour les plus jeunes au profil « tout monétaire » pour les plus âgés en passant par un mixte action-obligataire-monétaire-solidaire aux âges intermédiaires. Mais si cette stratégie a du sens pour les plus jeunes, elle en a beaucoup moins aux yeux des plus âgés. Car « le Perco ne leur permet pas de se constituer la rente viagère dont ils auront besoin pour pallier la dégradation de leur taux de remplacement », souligne Gilbert Gurcel, membre du directoire d’Arial Assurance.

45 euros par mois de rente. Selon les simulations réalisées par le cabinet Altedia pour La Poste, un salarié âgé de 50 ans qui investirait 70 euros par mois pendant dix ans dans un profil monétaire ne parviendrait ainsi à n’amasser qu’un capital de 13 600 euros lors de son départ à la retraite. Ce qui ne lui procurerait que 544 euros de rente annuelle. Soit à peine 45 euros par mois de revenu supplémentaire… « Les montants de rente viagère annoncés n’ont pas toujours été mis à jour pour tenir compte de l’allongement de l’espérance de vie », tient à préciser Catherine Millet-Ursin, spécialiste de la protection sociale au cabinet Fromont, Briens & Associés. Conscients de ces limites, les partenaires sociaux préfèrent laisser le choix de la sortie au personnel : en rente ou en capital. « C’est l’un des points forts du Perco, car les deux options présentent un intérêt en fonction de la situation patrimoniale des salariés », confirme Frédéric Vavasseur, directeur rémunérations et épargne salariale de Hewlett-Packard, détenteur d’un Perco dès 2004.

De leur côté, les organisations syndicales réclament à la fois le droit de participer à la gestion financière de l’épargne, la promesse d’un rendement précis tout en ayant le loisir de conserver cette forme d’épargne liquide via des possibilités de déblocage anticipé. C’est oublier que plus on augmente les contraintes sur ce type d’épargne, plus les rendements baissent. Quant aux salariés, ils sont loin d’avoir mesuré tous les risques inhérents à un Perco. Si deux souscripteurs de Perco sur trois acceptent le pilotage de leurs fonds par l’organisme gestionnaire, un sur trois préfère les administrer lui-même. Exemple chez Hewlett-Packard où, de l’avis de Frédéric Vavasseur, « les salariés ont une appétence pour un certain niveau de risque et sont demandeurs de fonds dynamiques investis en actions internationales ».

Chez France Télécom, « même les plus proches de la retraite choisissent le Perco en actions dans l’espoir d’un meilleur rendement », constate Jean-Luc Burgain, délégué syndical Force ouvrière. « En matière d’assurance vie, la loi a obligé les assureurs à mettre un encart pour attirer l’attention des consommateurs sur les risques potentiels des placements. Il faudrait peut-être en faire autant avec l’épargne retraite », estime Catherine Millet-Ursin, du cabinet Fromont, Briens & Associés. Le Perco est resté calé sur les règles de gestion de l’épargne salariale, « il faut le doter d’un réel cadre de gestion à long terme », précise Patrick Azières, de Hewitt. Signe que, dans un contexte où les régimes obligatoires assurent toujours un taux de remplacement confortable, le marché français de l’épargne retraite n’est pas encore mature…

Êtes-vous article 39, article 83 ou Perco ?

Au gré des modifications législatives successives, la panoplie des différents dispositifs d’épargne retraite collective s’est singulièrement enrichie. Revue de détail.

Contrats à prestations définies (de type article 39 du Code général des impôts). Véritable Rolls de l’épargne retraite collective, ces dispositifs permettent de verser une rente viagère, fixée à la signature du contrat et calculée en proportion du dernier salaire d’activité, dès lors que le salarié est présent dans l’entreprise au moment de son départ à la retraite. Apanage des dirigeants de société et gérés par les assureurs, ces contrats pèsent plus de 20 milliards d’euros d’engagements, soit près du tiers des provisions constituées au titre des contrats de retraite d’entreprise, selon une étude interne de la FFSA datée de juillet. En 2006, les entreprises ont versé 2,8 milliards d’euros de cotisations au titre de ces contrats (en augmentation de 4 % en un an).

Contrat à cotisation définie (de type article 83 du Code général des impôts). Si ces contrats permettent eux aussi de garantir le versement d’une rente viagère, l’entreprise ne s’engage, elle, que sur un niveau de cotisation. Le montant de la rente est alors fonction des cotisations versées, des produits financiers et de la table de mortalité en vigueur. Ces contrats sont aujourd’hui réservés aux populations représentant un enjeu important pour les entreprises, les cadres dont la rémunération est supérieure à la tranche C de la Sécurité sociale, par exemple. Ces contrats représentent, selon l’étude de la FFSA, plus de 30 milliards d’engagements en 2006 (pour un nombre de bénéficiaires compris entre 2,3 et 2,5 millions de personnes) tandis que les cotisations versées se sont élevées à 1,9 milliard d’euros, en hausse de 25 % en un an. En 2003, la loi Fillon a donné aux bénéficiaires de ces contrats la possibilité de faire des versements complémentaires facultatifs assortis de déductions fiscales complémentaires, sur un plan d’épargne retraite d’entreprise (Pere), auquel l’employeur peut contribuer.

Plan d’épargne retraite collectif (Perco). Créé par la loi Fillon de 2003, obligatoirement mis en place par accord collectif, le Perco permet aux salariés de se constituer une épargne accessible au moment de la retraite sous forme de rente ou, si les signataires de l’accord les y ont autorisé, en capital. Le salarié a la possibilité d’opérer des versements volontaires sur son Perco dans la limite de 25 % de sa rémunération (hors participation). Sommes que l’employeur peut abonder s’il le désire. En 2006, plus de 200 000 salariés ont effectué des versements sur leur Perco tandis que les encours ont atteint 761 millions d’euros, soit + 230 % en un an, selon l’étude publiée en mars par l’Association française de la gestion financière. Avec la loi du 30 décembre 2006 sur la participation et l’actionnariat salarié, le Perco devrait continuer à se diffuser puisque toutes les entreprises disposant d’un PEE depuis plus de cinq ans sont tenues d’ouvrir des négociations visant à mettre en place un mécanisme d’épargne retraite.