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Tableau de bord

Le RSA peut-il faire reculer la pauvreté ?

Tableau de bord | publié le : 01.11.2007 |

Bernard Salanié Professeur à l’université Columbia (New York).

Il est maintenant clair que l’empilement mal maîtrisé de transferts sous conditions de ressources rend la reprise d’un emploi peu ou pas rémunératrice pour bon nombre d’allocataires. Le revenu de solidarité active (RSA) vise notamment à y remédier. On peut discuter de l’opportunité d’allouer des fonds publics à cet objectif, plutôt qu’à stimuler l’offre d’emplois, mais une expérimentation, par nature peu coûteuse, semble a priori un excellent moyen d’en juger. Il est bon que l’on cherche à évaluer les effets des mesures de politique économique, avant comme après leur mise en œuvre. Malheureusement, la hâte qui semble souvent pousser nos dirigeants s’accommode mal des exigences d’une évaluation sérieuse. L’expérimentation dont le terme est fixé à la fin 2008 ne permettra d’évaluer que les effets du RSA à très court terme. Les expériences étrangères montrent qu’il s’agit d’une grave erreur de méthode, particulièrement pour ce type de mesure. Pour mieux faire passer la pilule, on autorise par ailleurs chaque département volontaire à sélectionner les bénéficiaires, selon ses propres critères, parmi les allocataires de l’API ou du RMI. Je doute que l’on puisse tirer grand enseignement de cet exercice confus.

Guillaume Allègre Économiste à l’OFCE.

Le premier effet du RSA serait d’améliorer le sort de ses bénéficiaires, les travailleurs pauvres. En leur donnant un coup de pouce financier, on permet aux foyers les plus proches du seuil de pauvreté de le franchir. A court terme, une prestation généreuse aurait donc pour effet une réduction du taux de pauvreté. En cela, le RSA est plus efficace que la prime pour l’emploi (PPE) car mieux ciblé sur les foyers pauvres. L’objectif d’incitation à l’emploi, que veut mesurer l’expérimentation, est plus contestable. Il part du principe qu’il existe des trappes à inactivité, c’est-à-dire que certaines personnes refusent de travailler faute d’incitations financières suffisantes. Or, depuis la réforme des allocations logement et la mise en place de la PPE, il existe des gains financiers importants à la reprise d’emploi à plein temps. Seules les reprises d’emploi à temps partiel, voire très partiel, ne sont pas rémunératrices. Mais veut-on pérenniser ces situations de sous-emploi en les rendant acceptables de façon durable et inciter les entreprises à les proposer ? Au contraire, un programme ambitieux de lutte contre la pauvreté s’attaquerait à ses causes dont, justement, le développement du temps partiel et des contrats précaires fait partie.

Pierre Concialdi Chercheur à l’Ires.

Les objectifs de l’expérimentation du RSA restent vagues. Mais une chose paraît certaine : on imagine difficilement le gouvernement renoncer à mettre en place le RSA après cette expérimentation. On est donc dans le registre de la gestion technique d’un dispositif dont le principe est implicitement admis. Pourtant, on reste encore dans le flou en ce qui concerne plusieurs questions clés, notamment celle du seuil de ressources qui devrait être « garanti » par le RSA. L’expérimentation ne permettra pas d’apporter de réponse à cette question qui est de nature politique et devrait être débattue publiquement. Le RSA repose sur l’idée que les pauvres ne peuvent sortir de la pauvreté car ils n’ont pas d’intérêt financier à la reprise d’emploi. Or les études empiriques montrent que ce diagnostic est erroné : les fameuses « trappes à inactivité » ne fonctionnent guère. Généraliser le RSA, c’est entériner cette idée fausse et, surtout, laisser de côté les personnes les plus éloignées de l’emploi, ce que relèvent les associations de lutte contre la pauvreté. Martin Hirsch leur conseille de « changer de disque » et répète inlassablement qu’on peut gagner plus en travaillant plus. Il serait temps d’arrêter de ressasser ce slogan de campagne électorale.

Pour en savoir plus

Rapport Hirsch, Au possible nous sommes tenus, 2005. www.documentation francaise.fr

OFCE, Le RSA peut-il faire reculer la pauvreté ?, G. Allègre, juillet 2007. www.ofce.sciences-po.fr

Assemblée nationale, projet de loi Tepa, avis de la commission des Affaires sociales.

La Lettre de l’insertion par l’activité économique, n° 136, mai 2007. www.lettre-insertion.fr

Bernard Salanié, l’Économie sans tabou, Éd. Le Pommier, 2003. http ://bsalanie.blogs.com