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Les DRH focalisés sur les compétences clés

Dossier | publié le : 01.11.2007 | Éric Béal

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Les DRH focalisés sur les compétences clés

Crédit photo Éric Béal

La gestion des talents et la nécessité d’attirer les meilleurs polarisent l’attention des DRH qui anticipent une pénurie de compétences. Et délaissent leurs missions classiques. Néanmoins, accompagner les réorganisations reste une tâche incontournable.

Les DRH ont de la suite dans les idées. Plus encore qu’en 2006, la cinquième édition du baromètre Liaisons sociales-CSC-Entreprise & Personnel révèle que les responsables des ressources humaines anticipent une pénurie de compétences. Sur les 121 DRH interrogés cette année, 55 % estiment qu’améliorer la gestion des compétences clés est un axe prioritaire de leur politique de gestion des ressources humaines en 2007. Et une moitié d’entre eux (49 %) jugent prioritaire d’améliorer l’attractivité de leur entreprise auprès des meilleurs éléments (voir page suivante). Ces résultats, en augmentation respective de 2 et 5 points par rapport à l’an dernier, témoignent d’une progression constante depuis la création du baromètre RH. Lors de la première édition, en 2003, les deux critères suivants, « améliorer la gestion des compétences clés » et « attirer et retenir les meilleurs éléments », n’arrivaient qu’en troisième et quatrième position dans les axes prioritaires cités par les responsables des ressources humaines, avec respectivement 40 % et 34 % des réponses. Cette montée en puissance étonne d’ailleurs certains observateurs de la fonction RH, tel Jean-Marie Peretti, professeur à l’Essec et grand spécialiste du management des ressources humaines. « Les DRH concentrent leur attention sur les étoiles. Au risque de délaisser la majorité des salariés qui constituent pourtant les piliers sur lesquels s’appuie l’entreprise. À la longue, une partie d’entre eux pourraient se sentir dévalorisés », estime-t-il. Un avis partagé par Patrice Papet, DG adjoint chargé du dialogue social et des ressources humaines à Radio France, qui se dit préoccupé par « le risque d’une gestion RH à deux vitesses entre les élites et les autres ».

Les pénuries de compétences ou l’apparition de nouveaux concurrents poussent dans ce sens, selon Jean-Jacques Cara, DRH de Dassault Falcon Service, qui précise : « Nous avons beaucoup de mal à retenir nos ingénieurs, techniciens et ouvriers spécialisés car ils sont chassés par nos concurrents. » Cette recherche frénétique de compétences clés est aussi une conséquence de l’allégement des structures RH dans nombre d’entreprises, estime Jean-Pierre Basilien, consultant à Entreprise & Personnel. « Les entreprises connaissent de plus en plus mal leurs richesses internes et ont tendance à chercher ailleurs les compétences qu’elles ont bien souvent en leur sein. » De son côté, Charles-Henri Besseyre des Horts, professeur associé au département management et ressources humaines du groupe HEC, s’inquiète de voir délaissées les missions traditionnelles de la direction des ressources humaines. L’amélioration du dialogue et la préservation de la paix sociale ne recueillent que 16 % des réponses. Quant à la création d’une politique et d’outils RH au niveau du groupe, elle ne rassemble que 13 % des suffrages (comme la maîtrise des coûts de la fonction RH). « Les compétences clés et les hauts potentiels sont de plus en plus couvés des yeux par les directions, note Charles-Henri Besseyre des Horts. Cette politique élitiste peut s’avérer dangereuse à terme, car elle segmente les salariés et les services RH et ne permet pas une intégration globale de tous les salariés. »

Les DRH proches de la direction. Mais les responsables des ressources humaines persistent et signent. Améliorer la gestion des compétences clés est l’objectif prioritaire que 67 % d’entre eux assignent à leur dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Moins de la moitié citent la mobilité professionnelle (45 %) et l’anticipation des nouvelles organisations du travail (44 %). L’exemple de Faurecia est parlant : Charles-Henry Duroyon, le responsable du SIRH de Faurecia, explique que l’équipementier automobile ne s’est pas lancé dans la construction d’un référentiel de l’ensemble de ses métiers et compétences. En revanche, il a été procédé à l’élaboration d’un référentiel des emplois clés, comme ceux de la fonction recherche et développement, ainsi que de toutes les fonctions détenant une partie du savoir-faire industriel de l’entreprise. Pour Jean-Marie Peretti, cette insistance sur la gestion des talents et des compétences clés s’explique aussi par la proximité entre DRH et direction générale. « Les responsables des ressources humaines répondent d’abord aux sollicitations de leur direction et ne sont pas assez en prise avec le corps social de leur entreprise. » Les chiffres lui donnent raison. 52 % des DRH interrogés estiment que leur direction mesure la création de valeur de la filière RH à sa capacité à attirer et à retenir les talents. Et 44 % d’entre eux qu’ils sont jugés sur l’amélioration de la gestion des compétences clés bien avant l’amélioration du climat social (36 %) ou même la maîtrise des coûts salariaux (19 %). Ces résultats sont à rapprocher de leur sentiment sur le positionnement de la filière RH dans l’entreprise : proche de la direction et de plus en plus éloigné des salariés. Près de neuf sur dix des responsables RH sondés sont satisfaits de l’importance accordée à la fonction RH par le comité de direction. Alors qu’ils sont moins de six sur dix à estimer que les salariés ont une bonne image de la fonction RH.

La confiance du top management en la DRH ne se dément pas. Sur trois ans, le pourcentage de DRH satisfaits de la prise en compte de leur fonction avoisine les 90 % (94 % en 2005, 90 % en 2006, 88 % cette année). « La tendance est au rapprochement avec la direction générale, confirme Christophe Laval, directeur général d’Entreprise & Personnel. Mais les DRH réalisent aussi que c’est une condition nécessaire mais pas suffisante pour leur permettre de faire évoluer l’entreprise. » De fait, 40 % d’entre eux (contre 24 % l’an dernier) s’estiment dans l’incapacité de faire évoluer l’organisation et la culture de leur entreprise. Ce sentiment de frustration fait place au dépit lorsqu’il s’agit de mesurer la cote de popularité de la DRH auprès des salariés. En 2005, près des trois quarts d’entre eux (73,2 %) estimaient que les salariés avaient une bonne image de la DRH. Un taux de satisfaction en baisse de 6 points l’année suivante et en chute de 10 points (57 %) cette année. « C’est peut-être un effet des enquêtes internes de satisfaction, estime Charles-Henri Besseyre des Horts. En tout état de cause, les DRH semblent avoir adopté un jugement plus réaliste sur le sentiment des salariés à leur égard. »

Réorganisations. Cette évolution peut, sans doute, être corrélée à la courbe des projets de restructurations. Alors que l’accompagnement des réorganisations était, peu à peu, passé au second plan des préoccupations des DRH au cours des quatre éditions précédentes du baromètre (de 60 % des réponses en 2003, à 56 %, 50 % puis 43 % des réponses l’an dernier), les responsables RH font, à nouveau, apparaître cet indicateur à la hausse. La moitié des personnes interrogées en font un axe prioritaire de leur politique. Ce retournement n’est pas fortuit puisque 51 % des responsables RH indiquent également que leur entreprise doit transformer son organisation en profondeur dans les deux ans à venir. Sous les coups de la concurrence internationale (53 %), des évolutions technologiques (49 %) ou pour permettre la conquête de nouveaux marchés à l’étranger (49 %).

Attention, cela ne signifie pas le retour des réductions de périmètre et des plans sociaux. J’y distinguerai plutôt un indice sur les efforts à produire pour accompagner les évolutions du marché », estime Jean-Pascal Arnaud, DRH du groupe Chantelle. Il en voit la preuve dans les réponses à la question suivante : « Comment comptez-vous transformer votre organisation ? » Près de la moitié (49 %) des répondants indiquent privilégier la formation. Pour 29 % qui ont l’intention de moderniser les outils de travail et 12 % qui comptent externaliser certaines activités. Moins d’un responsable RH sur dix (9 %) indique privilégier une réduction de la masse salariale en France. « Il est sans doute plus politiquement correct de répondre par la formation que d’avouer songer à procéder à une réduction de la masse salariale », relativise Charles-Henri Besseyre des Horts. Mais il y a matière à étonnement pour Jean-Marie Peretti : « Seulement un DRH sur deux mise sur la formation des salariés. Est-ce à dire que les autres estiment faire suffisamment dans ce domaine ? »

Les limites de l’entretien annuel. Outre la formation, une politique de gestion de l’emploi et des compétences nécessite l’utilisation de nombreux autres outils : référentiel des emplois et des compétences, comité d’évolution de carrière, plan de succession ou encore bilan de compétences. Pour autant, huit DRH sur dix privilégient la simplicité en s’appuyant d’abord sur l’entretien annuel d’évaluation (EAE). Avec 37 % des réponses, le référentiel des emplois et des compétences, pourtant indispensable à tout responsable RH souhaitant bénéficier d’un tableau complet des ressources humaines de son entreprise, arrive loin derrière. Tandis que le plan individuel de formation et de développement est revendiqué par 35 % des sondés. Des résultats qui interpellent l’expert qu’est Jean-Marie Peretti. « L’entretien annuel est l’outil le plus utilisé, mais les DRH sont souvent insatisfaits de son déroulement. D’ailleurs, la création d’un entretien professionnel dans nombre d’entreprises prouve que l’entretien d’évaluation n’est pas suffisant pour déterminer les besoins en formation et clarifier les objectifs du salarié. » Selon Christophe Laval, directeur général d’Entreprises & Personnel, ce plébiscite pourrait bien correspondre à une évolution des pratiques. « Un nombre croissant de DRH remettent en question la fonction initiale d’évaluation de la performance assignée à l’entretien annuel pour lui réserver un objectif plus informel d’évaluation des compétences. » Une évolution assumée par Frédéric Agenet, directeur des relations sociales du groupe EADS. « Nous sommes en train de passer d’un entretien annuel d’évaluation à un entretien annuel au service d’une logique de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. » 85 % des responsables RH interrogés pour ce baromètre 2007 exploitent cet outil pour bâtir leur plan de formation et 80 % s’en servent pour établir des propositions d’évolution de carrière.

Mais force est de constater, aussi, que l’entretien annuel continue à être massivement utilisé comme outil d’évaluation des performances du salarié (94 % des sondés). Reste aux DRH à déterminer l’utilisation la plus adéquate pour améliorer ce qui demeure leur objectif principal : la gestion des compétences clés.

CHRISTOPHE LAVAL Directeur général d’Entreprise & Personnel
40 % des DRH sont insatisfaits de leur capacité à faire évoluer l’organisation et la culture de leur entreprise

« La fonction ressources humaines perd parfois sa capacité de conviction vis-à-vis des managers, lesquels sont de plus en plus saturés par les tâches qui leur incombent. La situation est très contrastée dans les entreprises, mais la tendance va clairement dans le sens d’une difficulté croissante pour les DRH. »

Quelles sont les priorités de votre politique RH ?

55 %

Améliorer la gestion des compétences clés

50 %

Accompagner les réorganisations

49 %

Attirer et retenir les meilleurs éléments

31 %

Améliorer l’engagement des salariés

26 %

Accompagner le développement international de l’entreprise

17 %

Impliquer la hiérarchie et les collaborateurs dans la gestion RH

16 %

Améliorer le dialogue et préserver la paix sociale

13 %

Maîtriser les coûts de la fonction RH

9 %

Apporter de nouveaux services aux managers et aux collaborateurs

BAROMÈTRE, MODE D’EMPLOI

Cette cinquième édition du baromètre de la fonction RH Liaisons sociales-CSC-Entreprise & Personnel s’appuie sur un questionnaire auquel ont répondu 121 responsables de ressources humaines : 37 % dans l’industrie et 30 % dans les services ; 43 % exercent dans des entreprises internationales ; 29 % comptent 1 000 à 5 000 salariés et 51 % ont plus de 5 000 collaborateurs.

Parmi les entreprises ayant répondu figurent Adidas France, Arcelor, Areva, Bic Services, BNP Paribas France, Bongrain, Bouygues Immobilier et Bouygues Telecom, Castorama, Dalkia, Darty, Dassault Falcon Service, Electrabel France, Eramet, Euro Disney, Faurecia, Fnac, France Télévisions, GAN Assurances, Gaz de France, Giat Industries, Groupe Danone, Groupe SEB, Johnson & Johnson, Kraft Foods, Lilly France, MMA, LVMH, Michelin, Panzani SA, Plastic Omnium, la RATP, Rexel, Rhodia, Saint-Gobain pôle distribution, Schneider Electric, SFR, Société générale, Technip France, Thales, Veolia Environnement, Whirlpool France, Yves Rocher. Et, dans le secteur public : Établissement français du sang, ADP, EDF, La Poste, la mairie de Nantes, la mairie de Paris, le ministère de l’Économie, de l’Industrie et des Finances.

Quels outils de gestion RH utilisez-vous le plus ?

80 %

Entretien annuel d’évaluation

37 %

Référentiel des emplois et des compétences

35 %

Plan individuel de formation et de développement

27 %

Comité d’évolution de carrière

CHARLES-HENRY DUROYON Responsable du système informatique RH de Faurecia
80 % des DRH utilisent l’entretien annuel d’évaluation

« L’entretien annuel d’évaluation est le préalable à tout le reste. Il est plus important que le référentiel des emplois et des compétences. Chez Faurecia, nous nous sommes bien gardés de nous lancer dans un référentiel. Nous utilisons un système subjectif fondé sur l’entretien annuel. »

Auteur

  • Éric Béal