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“Il faut maintenir les peu qualifiés dans l’assistanat”

Actu | Entretien | publié le : 01.11.2007 | Jean-Paul Coulange, Sandrine Foulon

Pour le lauréat de la European Economic Association, notre État providence est trop généreux et trop rigide. Il faut davantage compter sur le marché et abaisser le coût du travail. Quitte à ne pas s’acharner à réinsérer les moins qualifiés.

Le manque de flexibilité a-t-il une incidence sur le niveau du chômage ?

La France manque très certainement de souplesse. L’État providence se montre trop généreux. Les allocations chômage sont trop élevées, les charges sociales excessives et le coût du licenciement pour les entreprises trop important. L’ensemble de ces rigidités crée un chômage élevé. Néanmoins, pris isolément, il est plus difficile de mesurer l’impact de chaque paramètre sur le niveau du chômage.

Faut-il assouplir le contrat de travail, sur le mode d’un contrat unique ?

Ce type de contrat ne verra jamais le jour dans la mesure où le compromis entre les insiders – les travailleurs stables, les syndicats – et les employeurs serait rompu. Les entreprises ont besoin de marges de manœvre et ont recours aux outsiders, aux CDD autrement dit. Si on fragilise le CDI, un conflit d’intérêt naît entre les insiders et les employeurs. Au fond, le recours aux outsiders arrange pas mal de monde. Prenez le conflit sur le CPE. Ce ne sont pas les étudiants mais les insiders qui ont poussé et se sont fortement mobilisés contre cet assouplissement du contrat. Car il crée de la concurrence.

Le Medef propose une séparation à l’amiable. Est-ce une bonne solution ?

Le système est trop coûteux pour la collectivité. Dans ce cadre, toute personne qui quitte volontairement son travail, sans que ce soit assimilé à une démission, a droit aux Assedic. Il en va de même pour les préretraites. Elles ont beau être financées par les entreprises, à terme, c’est toujours le contribuable qui paie. Car, lorsque le taux d’emploi est faible, la pression fiscale est élevée puisqu’elle est répartie sur un moins grand nombre d’actifs.

Pensez-vous qu’il faille sécuriser les parcours professionnels ?

Tout ce qui va dans le sens de la protection de l’individu en tant que participant à son emploi et non pas propriétaire de celui-ci est une bonne chose. Néanmoins, transférer l’ancienneté d’un salarié d’une entreprise à une autre est préjudiciable dans la mesure où cela augmente les charges de cette dernière. Du coup, cela peut freiner les recrutements.

Dès lors, sur quel levier faut-il agir ?

Il n’existe pas de solution miracle. En France, on a tendance à multiplier les dispositifs coûteux et inefficaces et on sous-estime toujours le rôle du marché. La vraie question de fond est : quel genre d’emploi vais-je retrouver ? Plutôt que d’assurer les individus contre le chômage, il faudrait les assurer contre une chute de salaire. Si on commence à penser de cette manière-là, on change réellement la donne. Cela pourrait prendre la forme d’un système d’assurance qui ne soit pas indexé sur la durée du chômage mais sur l’évolution du secteur.

Et comment doper le retour à l’emploi ?

Les incitations ne sont pas suffisamment fortes. Et les trappes à inactivité trop nombreuses. Elles concernent les gens peu qualifiés, les travailleurs âgés, car leurs allocations sont indexées sur leur salaire précédent… C’est un éternel dilemme. Chaque fois qu’on cible on crée une trappe à inactivité, mais chaque fois qu’on élargit ça coûte plus cher au budget. Prenez la prime pour l’emploi, on la maintient à un niveau faible et on la saupoudre. Si elle était ciblée sur les bas revenus, ce serait incitatif. Il n’existe pas de solution qui contenterait tout le monde. Mais, à partir du moment où on a un État assez redistributif, on s’interdit de redistribuer moins.

Mais que proposez-vous pour les salariés peu qualifiés ?

Je pense qu’il faut maintenir les peu qualifiés dans l’assistanat. Le coût financier pour les remettre sur le marché du travail reviendrait à payer encore plus cher. Il faut en revanche baisser le coût du travail et les charges sociales sur les bas salaires.

Comment jugez-vous les orientations du nouveau gouvernement ?

Il y a une volonté d’aller dans le bon sens. Mais au travers d’un foisonnement de mesures hétéroclites. Elles sont parfois coûteuses et peu inspirées, comme la défiscalisation des heures supplémentaires ou le revenu de solidarité active (RSA). Le CAE a publié plus de 100 rapports et autres métarapports en dix ans… Il y a un consensus sur les mesures à prendre. Maintenant il faut foncer.

GILLES SAINT-PAUL

Professeur à la Toulouse School of Economics, lauréat du prix récompensant le meilleur économiste européen de moins de 45 ans.

TRAVAUX

Polytechnicien et docteur en économie du MIT, ce chercheur a consacré nombre de ses travaux à la relation entre organisation du marché du travail et niveau de chômage. Il a étudié en particulier l’impact des contrats flexibles et les stratégies de réforme du marché du travail.

Auteur

  • Jean-Paul Coulange, Sandrine Foulon