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Idées

Faut-il à nouveau réformer la formation professionnelle ?

Idées | Débat | publié le : 01.10.2007 |

Dans son ardeur réformatrice, le président de la République n’a pas oublié la formation continue, qui sera, elle aussi, remise sur le métier. Que faut-il ajouter à l’accord national interprofessionnel signé à l’unanimité en 2003 et à la loi sur le dialogue social et la formation tout au long de la vie votée en 2004 ? Les réponses d’un consultant, d’un ancien négociateur Force ouvrière et du DRH du groupe Areva.

Jean-Marie Luttringer Consultant à Circé-Groupe Amnyos

La complexité, les cloisonnements et les corporatismes dénoncés dans un récent rapport sénatorial comme autant de maux qui entravent l’efficience de l’investissement dans la formation ne sauraient être combattus que par une refondation d’un système essoufflé, réputé non réformable. La commission sénatoriale a formulé cinq pistes : sécuriser l’accès à l’emploi par la qualification, élargir l’accès à la formation par l’individualisation et la responsabilisation, optimiser l’appareil de formation par l’innovation et l’évaluation, rationaliser et optimiser les circuits de financement en s’appuyant sur la négociation, enfin, construire la gouvernance par la territorialisation et la contractualisation.

Ces propositions d’une tonalité réformiste abritent en réalité plusieurs noyaux durs susceptibles de constituer l’œil d’un cyclone qui dévastera le système de formation. Il s’agit du compte épargne formation, ouvert à toute personne quel que soit son statut (salarié, demandeur d’emploi, retraité), et du principe de libre choix par l’entreprise de l’Opca susceptible de lui rendre le « meilleur service ». Le compte épargne formation poussé au bout de sa logique devrait avoir pour effet de cannibaliser tous les mécanismes de financement attachés aux statuts pour solvabiliser les personnes. La question de la transférabilité des droits serait réglée d’elle-même, du fait de leur rattachement à la personne et non au statut. La généralisation de ce concept entraînerait la disparition totale ou partielle des tiers payants, sur lesquels repose le financement de la formation : Opca, Fongecif, Assedic, État, conseils régionaux. Les entreprises accepteront-elles de renoncer à une partie de leur pouvoir au profit des salariés devenus acteurs solvabilisés ? Les individus sauront-ils acheter des prestations de formation pertinentes avec leur parcours professionnel ? Avec quel accompagnement ? L’objectif d’égalité d’accès sera-t-il atteint quelle que soit la capacité d’épargne ? Réforme ou reformulation ? Refondation assurément. Cette conclusion vaut pour la proposition visant à assurer à l’entreprise le libre choix de son Opca. Cela revient à dire que le rattachement des Opca à des branches conventionnelles définies par la négociation collective est caduc. L’entreprise choisit le prestataire de services qu’elle juge le meilleur au regard du rapport qualité-prix. Un pan entier de la réforme 2003-2004 fondée sur la négociation collective et paritaire s’effondre. Refondation assurément.

Jean-Claude Quentin Ancien secrétaire confédéral chargé de la formation à Force ouvrière

Plutôt que d’avancer des mots aussi définitifs et imprécis que réforme ou renégociation, il convient de mieux exploiter les potentialités de l’existant et surtout de stimuler les différents acteurs. Il ne faut pas se contenter de fixer des taux de contribution ou de mettre en place des dispositifs, mais chercher les dynamiques qui modifient les comportements. À cet égard, la réforme de 2003 est d’une grande importance, même si n’ont pas été trouvés les moyens d’articuler les spécificités de branche et les besoins du territoire. Dans les cinq ans à venir, l’objectif principal sera de faire comprendre aux salariés à quel point ils peuvent être acteurs de leur vie professionnelle. La création du DIF est emblématique de ce point de vue. De même, les observatoires prospectifs de branche vont obliger à travailler sur l’avenir. Certes, il subsiste des attitudes malthusiennes dans les Opca comme dans les entreprises. Mais, face aux enjeux, et notamment aux difficultés à recruter des personnels qualifiés, ces structures seront amenées à réviser leurs choix. Jusqu’ici, trop d’attention a été portée aux moyens et pas assez à la qualification et à l’emploi. Si ces objectifs sont privilégiés, il sera possible de traiter des évolutions du contrat de travail et de la transférabilité pour être crédible face au salarié confronté à l’évolution de sa vie professionnelle.

Il faut faire évoluer les Opca : fixer un seuil minimal de collecte à 50 millions d’euros et jauger leur capacité à rendre un service de proximité efficace. Il faut qu’ils entrent dans une logique d’accompagnement, d’information, de collaboration et de contractualisation avec les autres intervenants du domaine de l’emploi. Il n’est pas normal que l’assurance chômage finance les formations des salariés venant du travail précaire alors qu’ils ont des droits ouverts au titre du CIF-CDD. Les interlocuteurs sociaux auront-ils la sagesse de mettre en synergie les différents lieux de gestion paritaire ? L’État et les régions observent, avec une certaine envie, les capacités financières ainsi mobilisées. Trouvons les moyens d’une collaboration qui respecte l’autonomie de chacun. Au-delà, il convient de mettre en œuvre, et ce tout au long de la vie, une démarche d’alternance, davantage personnalisée, qui ferait que travailler soit réellement formateur. Cela concerne toutes les catégories de salariés. Cette démarche permettrait en outre de mieux mesurer l’efficacité de la formation et de convaincre enfin de son utilité les éternels sceptiques.

Philippe Vivien DRH groupe d’Areva

Quatre ans après la signature de l’accord national interprofessionnel, la question de la réforme de la formation est à nouveau posée. Quelles que soient ses imperfections, ce dispositif a contribué au renouvellement des pratiques des entreprises. Mais une nouvelle étape peut sans doute être franchie car, à l’évidence, la complexité du nouveau dispositif comme sa difficulté de mise en œuvre ont nui à la qualité des intuitions fondatrices. Quelques suggestions.

Simplifier et responsabiliser : n’y a-t-il pas un paradoxe à segmenter excessivement les champs de la formation professionnelle et à entretenir le cadre suranné du contrôle administratif ? Ne pourrait-on considérer qu’au-delà de l’obligation d’adaptation, qui relève de l’initiative exclusive de l’entreprise, « évolution de l’emploi » et « développement des compétences » ressortent d’un objet unique : celui de la professionnalisation susceptible d’être alimentée indifféremment par le DIF et par le plan de formation classique ? L’entreprise négocie désormais la GPEC, où le champ de la professionnalisation accessible dans le cadre du DIF pourrait avoir toute sa place. Pourquoi ne pas substituer au contrôle administratif un véritable suivi des accords d’entreprise, dotés d’indicateurs concrets, par les commissions emploi formation ?

Sécuriser les parcours professionnels : pourquoi ne pas regrouper contrats d’apprentissage et de professionnalisation, dont les modes de financement inégaux et les modalités peu différentes rendent difficilement lisibles les modèles respectifs ? En ce qui concerne la VAE, une plus grande présence de l’entreprise et des représentants des salariés dans les jurys de validation et un recours moins exclusif par ces jurys à des référentiels de connaissances semblent nécessaires. Dans la perspective d’un allégement ou d’une suppression de l’obligation de moyens, la portabilité du DIF pourrait enfin contribuer à la « sécurisation des parcours professionnels », pour un usage potentiel des droits après rupture du contrat de travail.

Mieux prendre en compte la dimension territoriale : créer au niveau local un comité opérationnel de formation impliquant réellement les industriels, les organisations syndicales, le service public de l’emploi, l’Éducation nationale et les politiques avec mission d’orienter l’offre de formation vers les besoins des entreprises accélérerait le mouvement.