Depuis quelques années, la démocratisation scolaire est accusée de tous les maux : maintien de la ségrégation sociale, dévalorisation des diplômes, impuissance à juguler le chômage des jeunes, etc. Face à ce bilan désastreux, l’idée fait son chemin qu’il est nécessaire de suspendre le mouvement. Pour l’économiste Éric Maurin, ce serait un grave contre-sens.

À partir d’un échantillon de 18 pays occidentaux, il montre que ceux où les inégalités s’accroissent le plus à l’adolescence sont ceux dont l’enseignement secondaire est le plus sélectif. En revanche, l’étude des pays scandinaves, qui ont le plus joué la carte du collège unique, fait ressortir un effet indiscutablement positif sur la réduction des inégalités de destin entre enfants de milieux sociaux différents. Achevée à la fin des années 80, une réforme de même type en France a permis de resserrer les écarts de salaires entre les surdiplômés et les autres. Éric Maurin prouve ensuite que la démocratisation du lycée et des premiers cycles universitaires n’est pour rien dans les difficultés d’insertion des jeunes. Selon lui, « le surcroît de formation initiale reçu par les générations du début des années 70 par rapport à celles du milieu des années 60 se traduit au total par une diminution du taux de chômage d’environ 5 % ». De sorte qu’une augmentation de plus de 35 % des diplômés du supérieur entraînerait la réduction totale du chômage des jeunes en début de vie active.

Autre idée reçue à laquelle cet essai tord le cou : le lien entre multiplication et dévalorisation des diplômes. Pour le chercheur, ceux des jeunes que les politiques publiques obligent à rester plus longtemps à l’école y gagnent « tout au long de leur vie ». Un salutaire rappel.