logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Vie des entreprises

Les entreprises convertissent leurs salariés au vert

Vie des entreprises | Reportage | publié le : 01.09.2007 | Nadia Salem

Économies d’énergie, covoiturage, tri sélectif… Lentement mais sûrement, les pratiques écolos se développent dans les entreprises.

Ne pas laisser son PC en veille, utiliser une tasse pour prendre son café plutôt qu’un gobelet en plastique jetable, faire des photocopies recto verso… Autant d’« écogestes » appelés à se banaliser au boulot. Car, à côté des 700 sociétés cotées sensibilisées par la loi de 2001 sur les « nouvelles régulations économiques » à leur impact social et environnemental, de plus en plus d’entreprises impliquent leurs salariés dans des actions concrètes en faveur du développement durable.

À la clinique Champeau de Béziers, dans l’Hérault, tout le monde est mobilisé. Direction, personnel, patients, chacun est mis à contribution, car, selon le directeur de l’établissement, Olivier Toma, « le premier geste de santé consiste à protéger son environnement ». Premier des établissements de soins français à avoir obtenu la norme environnementale ISO 14001, en 2001, la clinique a également été accréditée en version 2 en 2005. Une certification délivrée chichement par la Haute Autorité de santé puisque seuls deux établissements en France en bénéficient. « Nous savons désormais qu’un nombre grandissant de cancers ont des causes environnementales, souligne Olivier Toma. Il est essentiel que les établissements de soins s’interrogent sur les risques et les nuisances qu’ils génèrent. »

3 640 kilos de verre recyclés. À Béziers, personnel de soins, médecins et administratifs trient leurs déchets et les jettent dans des conteneurs prévus à cet effet. Au sein de tous les services, des référents sont chargés de l’information sur ce tri sélectif à la source. Le circuit est mis gracieusement à la disposition des salariés pour leurs déchets privés. « Même les mamans qui accouchent dans notre maternité sont priées de jeter les biberons en verre dans la poubelle adéquate. » À la clinique Champeau sont ainsi recyclés chaque année 3 640 kilos de verre, 60 kilos de néons, 30 kilos de piles électriques, 500 kilos de papier…

« Les motivations des entreprises sont multiples, note Blaise Desbordes, de la Caisse des dépôts. Il y a, par exemple, la version radin de l’écoresponsabilité. » Sous couvert d’écologie, les entreprises se livrent en réalité à une simple chasse au gaspi. Elles décortiquent leur facture énergétique et n’hésitent pas à investir dans la gestion automatisée du chauffage ou de l’électricité pour en réduire le montant. Selon le bureau Veritas, une économie d’énergie de 10 à 20 % en moyenne peut être réalisée sur un site tertiaire (bureaux, centres commerciaux…). Dans l’industrie, elle est évaluée entre 5 et 10 %.

D’où l’engouement pour les green buildings, ces tours vertes qui rivalisent d’ingéniosité pour économiser l’énergie. Celle de l’assureur Generali, qui surplombera le quartier de la Défense du haut de ses 305 mètres en 2011, sera un modèle du genre. Son exceptionnelle isolation thermique, ses capteurs solaires et ses éoliennes en feront la tour la plus écolo de l’Hexagone : elle consommera trois fois moins d’énergie que ses voisines d’Axa et du GAN. « L’essentiel, c’est que l’écologie imprègne les cultures d’entreprise, souligne Blaise Desbordes. Plus que de la technique, c’est de l’éducation et de l’émulation que viendront les progrès. »

Les entreprises l’ont bien compris : elles mettent en place des équipes dédiées et des formations sur mesure. Renault a choisi le mode ludique pour faire prendre conscience des enjeux écologiques à ses salariés. Point de départ de la démarche : préparer l’usine de Sandouville à la certification ISO 14001. Un jeu de société, « Cap Éco 1 », a été conçu en interne. Les joueurs doivent se mettre dans la peau d’un constructeur automobile qui décide d’implanter des usines, de conquérir des marchés au niveau mondial et doit faire face à des situations inattendues en matière d’environnement (crise, nouvelle réglementation…). Depuis 1995, 45 000 salariés (sur 126 600 au total) ont été formés ainsi.

Démarche du même ordre au groupe Lyonnaise des eaux où 8 600 collaborateurs seront initiés d’ici à la fin de l’année. « La direction a choisi de ne pas introduire de clivages entre ceux qui savent et les autres, assure Hélène Valade, directrice du développement durable. Trop souvent, la sensibilisation s’arrête au cercle restreint des équipes de direction ou des spécialistes des questions environnementales. » Chaque session de formation est l’occasion d’ouvrir une boîte à idées, où toutes les suggestions (modes alternatifs de déplacement, stations de biocarburant, etc.) sont les bienvenues.

SKF, numéro un mondial du roulement à billes, montre le même souci de diffuser la bonne parole écologique. En 2006, le groupe suédois a lancé un programme en faveur du développement durable, BeyondZero, par lequel il s’engage à ce que les économies d’énergie générées par l’utilisation des produits SKF compensent plus que l’énergie nécessaire pour les produire. Lors de journées de sensibilisation, chaque salarié est appelé à exprimer ses idées sur les mesures que l’entreprise pourrait prendre en faveur du développement durable et repart avec un livret sur les écogestes. « Nous nous sommes engagés à réduire de 5 % par an nos émissions de CO2 quel que soit le volume à produire », indique Georges Laubry, directeur du site SKF de Saint-Cyr, dans la banlieue de Tours. En 2006, le groupe a même fait mieux, 6 %, ce qui lui vaut de figurer parmi les 15 premiers groupes (sur 3 000) de l’indice Dow Jones Sustainability Indexes. Pour Jean Thiébault, DRH groupe de SKF, la démarche environnementale est « un levier formidable dans l’entreprise qui permet de mobiliser toutes les énergies ».

SKF organise des journées de sensibilisation pour ses salariés et leur remet un livret sur les “écogestes”

Parce que l’entreprise “verte” doit également se pencher sur les déplacements de ses salariés, quelques-unes d’entre elles organisent les trajets domicile-bureau ou favorisent l’utilisation des transports en commun. C’est le cas de Millet Industrie, à Bressuire (Deux-Sèvres). La pratique du covoiturage relève ici du bon sens. L’usine de ce fabricant de portes et fenêtres est en effet installée en rase campagne, ce qui oblige les salariés habitant à 15 ou 20 kilomètres à utiliser leur voiture. Début 2006, la société a organisé des réunions auprès de ses salariés (600 dont 300 à Bressuire) afin de les sensibiliser aux émissions de CO2. Un quart d’entre eux pratiquaient déjà le covoiturage « par nécessité financière », selon Thierry Pin, le DRH. En fin d’année, le taux est monté à 36 %. « Le rôle de la direction a consisté à faciliter l’accès à l’information et à organiser les équipes qui fonctionnent en trois huit », précise le DRH. Désormais, les ouvriers qui font du covoiturage sont dans la même équipe. Les déplacements entre sites ont également été rationalisés, et les salariés s’organisent via l’intranet. « Je covoiture désormais avec le directeur des achats car nous sommes voisins », explique Thierry Pin.

Une démarche permanente. La direction a engagé un plan de développement durable pour les six sites de production et a ouvert, depuis, plusieurs chantiers : nouveaux bureaux écolos, tri sélectif, écoconception, passage au Diester pour la flotte de camions… « C’est devenu une démarche permanente, assure Thierry Pin. Pour chacune de nos actions, on se demande si c’est compatible avec le développement durable ou pas. » Le groupe, qui a fêté récemment ses 60 ans, souhaite désormais adopter une approche plus globale. « Nous sommes prêts à en assumer le coût », précise le DRH, qui reconnaît qu’il faudra, à terme, « prendre des engagements chiffrés ».

Reste que ce type de démarche écolo répond aussi à d’autres motivations. Selon une récente étude du cabinet Motivaction auprès de 200 responsables du développement durable, 97 % des répondants en attendent surtout un bénéfice d’image. Et les clients figurent, pour 61 % des personnes interrogées, en tête des cibles extérieures visées par des actions de communication sur le développement durable.

20 %

Selon le cabinet Veritas, n’importe quel immeuble de bureaux ou centre commercial peut réaliser en moyenne 10 à 20 % d’économie d’énergie, un site industriel, de 5 à 10 %.

Des PME conscientes mais en manque d’informations

Des PME seraient responsables, pour 40 à 45 % de la consommation d’énergie, des rejets gazeux, et pour 60 à 70 % de la production de déchets des entreprises françaises. Malgré ces données, 75 % des responsables de PME ont le sentiment que leur entreprise a peu d’impact sur ces questions, selon un sondage (« L’environnement et la maîtrise de l’énergie dans les PME ») réalisé par TNS Sofres pour l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.

Les chefs d’entreprise sont toutefois sensibles aux enjeux : 86 % d’entre eux pensent que ces sujets seront importants à moyen terme pour leur entreprise. Mais 35 % se disent mal informés sur les risques environnementaux liés à leur activité et 50 % d’entre eux sur la réglementation environnementale ou les actions à mettre en œuvre. Parallèlement, les entreprises prennent ou prendront des mesures pour améliorer leur impact environnemental. Les actions réalisées ou envisagées relèvent à 83 % de la valorisation des déchets ou de la prévention, à 75 % de la réduction de la consommation d’énergie, à 73 % de la sensibilisation des salariés. En revanche, les actions sur les déplacements des salariés, l’installation de l’activité dans un bâtiment de haute qualité énergétique ou la création d’une fonction dédiée aux questions énergétiques et environnementales sont plus rarement évoquées, sans doute parce que ce sont des préoccupations nouvelles.

Pour mettre en place une démarche environnementale, les responsables de PME souhaitent autant des conseils et des informations que des soutiens financiers. Ils sont favorables à 60 % au crédit d’impôt ou à la déduction fiscale plutôt qu’aux subventions (moins de 30 %).

Auteur

  • Nadia Salem