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Idées

Préférence française, bis

Idées | Livres | publié le : 01.09.2007 |

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Préférence française, bis

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La gratuité, c’est le vol, Denis Olivennes. Éditions Grasset. 134 pages, 9 euros.

La notoriété de Denis Olivennes doit beaucoup à la note qu’il rédigea pour la défunte Fondation Saint-Simon, en 1994, sur la « préférence française pour le chômage ». Titre provocant, destiné à souligner l’incohérence des politiques publiques de lutte contre le chômage et le fait qu’elles trouvaient leurs racines dans un tenace fonds culturel français. Devenu patron de la Fnac, et à la pointe de la lutte contre le téléchargement gratuit des œuvres musicales ou cinématographiques vendues dans ses magasins, cet intellectuel proche de la gauche « moderne » a rédigé une charge contre l’idéologie de la gratuité qui s’est développée avec Internet, en procédant un peu de la même façon que pour sa célèbre note. C’est ce qui donne à son livre une portée excédant largement celle d’un pamphlet de circonstance.

Son regard sur l’exception culturelle française et sur la manière dont elle subit le choc de l’ère numérique constitue une sorte de suite à son texte sur le chômage. Comment la patrie de l’exception culturelle est-elle devenue le paradis du piratage ? s’interroge-t-il. La question n’est pas loin de celle qu’il posait il y a vingt ans : comment le pays consacrant une part de sa richesse presque sans équivalent dans les grandes démocraties occidentales à sa protection sociale est-il devenu celui du chômage de masse et du sous-emploi généralisé ? Le propos, dans chacun des cas, vise à mettre au jour les paradoxes nés de la rencontre d’une exception nationale avec les vagues de la mondialisation économique.

Et, dans le débat sur le téléchargement, les paradoxes abondent. Le symptôme qui paraît le plus révélateur à l’auteur, c’est « cette association paradoxale des antimodernes et des hyperlibéraux autour de l’idéal de gratuité ». D’ordinaire, les clivages qui structurent les grandes confrontations sociétales en France établissent une ligne de partage plus familière. D’un côté, ceux qui prétendent vouloir conserver à toute force le système étatique et administré d’avant. De l’autre, la France qui entre de plain-pied dans la mondialisation et la révolution technologique, celle qui « pense flexibilité, stock-options, délocalisations ou génie génétique ». La surprise, s’agissant du cyberpiratage, est que ces deux courants traditionnellement antagonistes ont joint leurs forces et leur ardeur pour la même cause. L’auteur y voit une nouvelle illustration d’un refus beaucoup plus profond : l’hostilité d’une large frange de notre société à l’économie de marché.