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Tableau de bord

Faut-il encadrer la rémunération des dirigeants ?

Tableau de bord | publié le : 01.06.2007 |

Nicolas Véron Économiste à Bruegel, think tank européen basé à Bruxelles

Il faut distinguer deux éléments. D'une part, la hausse moyenne des niveaux de rémunération des dirigeants est très frappante mais peut avoir des fondements économiques, avec l'accroissement continu de la taille des grandes entreprises. D'autre part, les situations individuelles, avec des écarts parfois choquants entre le niveau des montants versés et les performances de l'entreprise. Le lien essentiel entre rémunération et performance s'apprécie de manière différente pour chaque entreprise, et si le cours boursier est souvent appelé à jouer un rôle, il ne peut être qu'un élément parmi d'autres à prendre en compte. Pour limiter les abus, ni les rapports du type Viénot et Bouton, dont l'impact est resté limité en raison de l'absence de mécanismes crédibles de sanction, ni l'intervention de l'État, dont la lourdeur n'est plus en phase avec des pratiques aux évolutions rapides, n'apparaissent réellement efficaces. Si la gouvernance des entreprises s'est améliorée ces dernières années, c'est pour l'essentiel sous la pression des investisseurs. Pour parfaire les pratiques, il faut donc avant tout leur accorder une plus grande place dans la gouvernance et garantir une transparence réelle sur la rémunération des dirigeants.

Daniel Lebègue Président de l'Institut français des administrateurs (IFA)

Depuis dix ans, la rémunération des dirigeants des grandes sociétés a progressé en France de 15 % par an, contre 2 à 3 % en moyenne pour les salariés. Elle est par ailleurs dans certains cas déconnectée de la performance de l'entreprise, ce qui est source d'excès et de dérives. Il paraît toutefois légitime que la rémunération du mandataire social soit liée à son efficacité, évaluée au moyen d'un ensemble de critères (résultats économiques et financiers, qualité du management, responsabilité sociétale…). Déterminer ces critères et en contrôler l'application revient au conseil d'administration et à son comité des rémunérations, qui doit en rendre compte à l'assemblée générale des actionnaires. Une intervention législative ne semble pas adaptée tant il paraît difficile d'édicter en ce domaine des règles uniformes. Un contrôle accru de l'assemblée générale paraît en revanche souhaitable. Celle-ci doit bénéficier d'une information complète et individualisée sur les rémunérations des mandataires sociaux et doit pouvoir émettre un vote indicatif sur ces dernières. Il faut, en outre, revoir le statut des mandataires sociaux qui ont, au fil du temps, accumulé des droits auparavant accordés aux seuls salariés.

Augustin Landier Docteur en économie au MIT et maître de conférences à New York University

Il y a, sur ce sujet, des malentendus à lever. La hausse spectaculaire des salaires des patrons ces dernières décennies est liée essentiellement à la taille accrue des enjeux financiers : nos grandes entreprises sont 6 fois plus grosses qu'il y a vingt ans et les conseils d'administration sont donc prêts, à juste titre, à payer beaucoup plus pour embaucher les meilleurs talents. En ce qui concerne les parachutes dorés, on a l'impression qu'ils récompensent l'échec. En réalité, ils permettent d'accélérer les successions dans des situations où un dirigeant réalise que sa stratégie fonctionne mal. Indication convaincante que les packages observés dans les entreprises cotées ne sont pas préjudiciables aux actionnaires, les entreprises non cotées, gérées par des fonds de private equity, offrent des rémunérations plutôt supérieures et utilisent aussi stock-options et parachutes dorés : il n'y a donc pas lieu de réguler. Mais il faut avancer sur la voie de la transparence. Les comptes des entreprises françaises pourraient par exemple agréger en un chiffre les différents éléments de rémunération de leurs dirigeants (parties fixe et variable, mais aussi valeur des stock-options et des actions), à l'instar de ce qui se fait aux États-Unis.

Pour en savoir plus

IFA, rapport sur « les comités de rémunérations et nominations », 2007. www.ifa-asso.com.

Nicolas Véron, http://veron.typepad.com/main/2007/01/bob_nardellis_l.html et www.bruegel.org.

Augustin Landier et David Thesmar, le Grand Méchant Marché, 2007.

Éd. Flammarion.

Afep-Medef, rapport sur la rémunération des mandataires sociaux de sociétés cotées, janvier 2007.

IFGE, Cahier pour la réforme : spécial élections 2007, avril 2007, www.ifge-online.org.