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Politique sociale

Les investissements étrangers créent-ils des emplois en France ?

Politique sociale | publié le : 01.05.2007 |

Fabrice Hatem Conseiller à l'Agence française pour le investissements internationaux (Afii)

A l'Afii, nous évaluons à 40 000 les emplois créés en France en 2006 par les investissements étrangers. Ce chiffre traduit une tendance positive : sur les dix-huit derniers mois, les investissements internationaux créateurs d'emplois ont nettement progressé en Europe de l'Ouest, et notamment en France. Cela tient à la fois à une conjoncture internationale porteuse et au pouvoir d'achat élevé des consommateurs européens, facteur d'attractivité. Mais une tendance structurelle moins favorable se dessine. Sous l'influence des multinationales attirées par les bas salaires et des marchés en forte croissance, les créations d'emplois de production s'orientent massivement vers les pays asiatiques et d'Europe de l'Est. Pour un emploi créé par une multinationale en Europe de l'Ouest, trois le sont en Asie. Mais, si les pays à bas coûts salariaux drainent surtout des emplois peu qualifiés, l'Europe de l'Ouest et la France attirent des emplois qualifiés dans le tertiaire et l'industrie à forte valeur ajoutée. Dans ce nouvel ordre mondial, l'attractivité des pays avancés repose sur la croissance de leur marché, la qualité de l'environnement des affaires et la maîtrise d'activités à forte valeur ajoutée.

Olivier Bouba-Olga Maître de conférences à l'université de Poitiers

Oui. La France est l'une des premières terres d'accueil des investissements directs étrangers (IDE) à l'échelle mondiale. Cela se traduit par un poids croissant des groupes étrangers en France : entre 1993 et 2003, le nombre de salariés qu'ils ont employés a été multiplié par 1,8 et a atteint 9 million. Plus d'un salarié sur sept travaille aujourd'hui pour une filiale d'un groupe étranger. Autre élément important, le bilan des créations de filiale entre 1994 et 2003 est positif : il correspond à 100 000 salariés et 4 800 filiales supplémentaires. L'attractivité de la France se comprend bien : un grand marché, une main-d'œuvre aux compétences pointues, un environnement institutionnel (formation, recherche, infrastructures) de qualité et des fournisseurs spécialisés. Ces éléments ne signifient pas que les IDE ne détruisent pas d'emplois, mais que le solde est globalement positif. Le vrai problème relève plutôt du fait que les emplois détruits et ceux créés ne sont pas de même nature, si bien que certaines personnes, principalement les moins qualifiées, sont en difficulté. Ce problème n'est pas lié uniquement à la mondialisation : il tient aussi largement à l'évolution technologique, biaisée en faveur des personnes qualifiées.

Gilles Le Blanc Professeur d'économie à l'École des mines de Paris, directeur du Cerna

Pour discuter des effets des investissements étrangers en France, il faut considérer un aspect peu connu de l'évolution récente de notre industrie : son ouverture croissante aux capitaux étrangers. Les filiales de groupes étrangers représentent près de 40 % de la valeur ajoutée et des emplois industriels, et leurs exportations dépassent celles des grands groupes français ! Majoritairement européens, ces investissements sont ciblés : entreprises moyennes, secteurs intensifs en technologie (pharmacie, chimie, électronique), régions les plus industrialisées et intégrées à l'Europe. L'internationalisation du capital a été la forme française de l'internationalisation requise par la globalisation et la financiarisation croissantes des économies. Elle s'oppose à la stratégie allemande d'exportation par les grands groupes nationaux rendus plus compétitifs par le recours massif à l'outsourcing et des salaires contraints. Sur le plan régional, l'expansion des filiales étrangères a permis de ralentir la baisse des emplois industriels, car elle développe de réelles spécialisations et ne se limite pas aux « usines tournevis ». En revanche, le bilan en termes d'exportation est, comparé à l'Allemagne, beaucoup moins convaincant.

Pour en savoir plus

Afii, Rapport 2006 sur les investissements étrangers en France, février 2007.

www.investinfrance.org.

O. Bouba-Olga, les Nouvelles Géographies du capitalisme, 2006.

http ://obouba.over-blog.com.

Cnuced, Rapport sur les investissements dans le monde en 2006, octobre 2006.

www.unctad.org.

Insee, Tableaux de l'économie française, édition 2006.

www.insee.fr.

OCDE, Perspectives économiques, n° 73, juin 2003. www.oecd. org/dataoecd/24/36/ 2956451.pdf.