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Idées

La course au surprofit

Idées | Lecteurs | publié le : 01.05.2007 | Hervé Gourio

La publication dans Liaisons sociales magazine, n° 79, de l'enquête intitulée « Les dégâts de la course au surprofit » a suscité la réaction suivante du délégué général d'Entreprise et Progrès

La France est vraiment la championne dans la fabrication des épouvantails ou l'élevage des boucs émissaires ! On a connu le plombier polonais, la BCE, les bureaucrates de Bruxelles, l'euro, et maintenant c'est la « finance » incarnée dans les fonds de pension, nouvel avatar de la retraitée de Floride.

L'ennui, c'est que tous ces facteurs s'appliquent aussi à nos concurrents européens et ne suscitent pas hors de France les mêmes cris d'orfraie. Dans votre article, j'ai relevé au moins vingt-cinq tournures ou adjectifs dignes d'un film d'horreur. Ne pourrait-on pas mettre un peu moins d'émotion pour analyser les vraies causes d'un malaise qui semble, à vous lire, s'acharner sur les salariés français ?

Car, tout d'abord, on peut aussi ne pas souscrire à cette diabolisation des fonds de pension et de la « financiarisation globale » rampante. Par les temps qui courent, ce n'est pas si difficile d'obtenir un retour sur investissement financier de 15 %. D'abord, il y a bon nombre d'entreprises dont la rentabilité progresse « à deux chiffres » depuis beaucoup d'années. L'Oréal, par exemple, le fait depuis vingt ans et n'a pas la réputation de torturer ses collaborateurs. Beaucoup de multinationales françaises font aussi bonne figure. Il faut, bien sûr, un marché en croissance : c'est le cas dans de nombreux pays aujourd'hui. Et une capacité à gagner des parts de marché. De plus, avec une solide croissance, pas forcément à deux chiffres, et un effet de levier aux taux d'intérêt actuels, l'investisseur a beaucoup de choix pour dépasser les 15 % de rentabilité par an à moyen terme. Ajoutons, pour faire bonne mesure, que la croissance des investisseurs en private equity permet d'espérer revendre la société achetée à un bon prix au bout de quelques années. On pourrait aussi parler de la confusion entre retour des investissements financiers et des projets industriels.

Tout cela pour dire que la pression incontestable exercée sur les salariés français ne trouve pas son origine dans la rapacité des investisseurs (à quelques excès près que votre article n'évoquait pas). À nos yeux, elle provient de trois facteurs bien différents : la concurrence mondiale croissante, la tendance générale à externaliser des fonctions que d'autres peuvent mieux remplir, enfin, la transparence des performances des entreprises lorsqu'elles deviennent des pure players en abandonnant les diversifications et que, dès lors, leurs chiffres se prêtent a une comparaison sans fard avec leurs concurrents directs.

Autrement dit, rien de bien nouveau. Depuis vingt ans ou presque, tous les acteurs mondiaux ou seulement internationaux s'efforcent pour survivre d'être dans le trio de tête sur leur marché pertinent. Peter Drucker avait annoncé il y a quinze ans les trois phénomènes que j'ai cités. Que cette transformation ne soit pas toujours une promenade de santé, c'est sûr. Et qu'il faille maintenir dans des conditions devenues plus difficiles la motivation des équipes, facteur essentiel du succès, c'est plus que jamais indispensable.

Convenons qu'il faudra certainement dans notre pays beaucoup d'efforts collectifs, y compris entre gouvernement et entreprises, pour résoudre les problèmes posés, ceux de la faible compétitivité du site France, ou bien la menace croissante pesant sur le travail peu qualifié. Mais, de grâce, ne jouons pas les victimes. Les solutions existent et sont entre nos mains, et c'est dans le succès que les efforts trouvent leur récompense.

Auteur

  • Hervé Gourio