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“Le burn out est le signe d’une entreprise malade”

Actu | Entretien | publié le : 01.05.2007 | Éric Béal, Jean-Paul Coulange

Face à l’envolée des cas d’épuisement professionnel, cette consultante, elle-même ancienne victime d’un burn out, presse les entreprises de repenser les organisations, devenues trop stressantes pour les salariés.

Vous tirez le signal d’alarme sur la montée du burn out. Quelle est l’importance du phénomène ?

Selon les Nations unies, le stress lié à des causes professionnelles va passer de la quatrième place parmi les maladies à la deuxième, derrière le sida. Au cours des dix dernières années, on a constaté un accroissement exponentiel du nombre de cas d’épuisement professionnel. Parce que la concurrence économique s’est durcie et que l’organisation du travail a changé. Restructurations, fusions, aujourd’hui, le changement est permanent. Et la pression sur les managers et les salariés s’est accrue. Le travail ne rend pas malade, mais encore faut-il que le deal avec le salarié reste gagnant-gagnant.

Comment définit-on l’épuisement professionnel par rapport au stress ?

On peut le décrire comme la maladie du surinvestissement. C’est une forme de surstress. De la même manière qu’il y a du bon et du mauvais cholestérol, il existe du bon stress, qui fait avancer, et du mauvais stress, qui génère de l’angoisse. À un certain moment, les résistances s’amoindrissent et le corps dit stop. Ce qui permet de le détecter, ce sont les symptômes d’un changement de comportement. L’absentéisme en est un. Mais le présentéisme aussi. C’est-à-dire le fait de rester au travail jusqu’à 9 ou 10 heures du soir, d’envoyer des mails le week-end, etc. C’est révélateur d’un déséquilibre. Autre signe, un salarié qui avait une relation satisfaisante avec ses collègues va devenir agressif. Dans la vie personnelle, les symptômes du burn out sont des troubles du sommeil, des modifications du comportement alimentaire, une grande irritabilité dans les relations avec son conjoint ou ses enfants.

Qui sont les plus touchés ?

Toutes les professions qui sont dans la relation à l’autre, comme les professions médicales, les travailleurs sociaux, les enseignants, les policiers… Dans l’entreprise, ça explose. À tous les niveaux. Même chez les dirigeants, qui sont en première ligne, face à toutes sortes de pressions. Celle de l’actionnariat, de la concurrence, de l’environnement économique. Autre population concernée, celle des DRH, contraints de mener le énième plan de licenciement. Il arrive un moment où ce que l’entreprise leur demande de faire est en décalage total avec le sens de leur métier.

Comment expliquez-vous la recrudescence de suicides au travail ?

Le suicide est la forme ultime de l’épuisement professionnel. Au Japon, c’est le phénomène bien connu du karoshi. En France, on commence à en parler depuis que le président de la section du travail du Conseil économique et social a estimé le nombre de suicides liés à une cause professionnelle à un par jour, ce qui est colossal. L’explication n’est jamais binaire. Quand on va travailler, on emporte dans la sphère professionnelle ce qui relève de la vie privée. Et vice versa. Mais le fait de se suicider sur son lieu de travail ou de laisser sur son bureau un message imputant son acte à un motif professionnel est un symbole fort.

Que vous inspire l’exemple de Renault, qui, malgré son observatoire du stress, a enregistré plusieurs suicides ?

Renault fait partie des entreprises qui se sont dotées d’un instrument de mesure et d’observation. Mais le résultat de ces études reste souvent confidentiel. On ne va pas jusqu’au bout de la démarche. S’il faut bien entendu soigner un salarié victime de burn out, il vaut mieux traiter l’ensemble de l’organisation. Car le burn out est le signe d’une entreprise malade.

Certaines entreprises ont-elles modifié leur organisation ?

En Suède, Nokia, Telia ou Sandvik, qui ne sont pas des sociétés philanthropiques, ont fait le calcul que mettre des moyens pour lutter contre le stress revient moins cher que des arrêts maladie à répétition, du turnover et une baisse globale de performance. Elles ont compris que l’entreprise doit communiquer et sensibiliser ses managers au burn out afin qu’ils modifient leur comportement.

En tant que coach, que préconisez-vous ?

De la transparence, de la formation et des groupes de parole. La solution est collective. Mais l’entreprise ne doit pas être stigmatisée, car elle ne détient pas toutes les réponses. Elle n’a pas à se substituer à l’individu. En Suède, les firmes qui tentent de remédier au burn out le font à la demande du collaborateur.

Photo : Jérôme Brézillon

SUZANNE PETERS

48 ans.

PARCOURS

Cette coach a cofondé en 1987 une agence de communication, absorbée en 1997 par une filiale de SR Teleperformance, dont elle a assuré la direction. En 2001, elle a créé Brain Booster, un cabinet spécialisé dans l’accompagnement individuel et collectif. Elle a publié avec le docteur Patrick Mesters Vaincre l’épuisement professionnel (éd. Robert Laffont, 2007).

Auteur

  • Éric Béal, Jean-Paul Coulange