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Tableau de bord

Peut-on se fier aux chiffrages des programmes électoraux ?

Tableau de bord | publié le : 01.04.2007 |

Michel Didier Directeur général de COE-Rexecode

Les chiffrages sont nécessaires et utiles. Il faut toutefois bien distinguer l'estimation du coût budgétaire des mesures proposées par les différents candidats et l'évaluation de leur impact économique. De nombreux chiffrages se sont focalisés sur l'aspect budgétaire, mais ils ne disent rien de l'impact économique des mesures. Quels effets sur la croissance, sur l'emploi ? À COE-Rexecode, nous avons, dans notre étude, évalué l'impact économique des projets des candidats concernant le travail et l'emploi (smic, charges sociales, heures supplémentaires). Les résultats ne constituent que des ordres de grandeur, mais ils indiquent avec fiabilité si l'impact d'une mesure est positif ou négatif pour l'emploi, faible ou important. Pour effectuer ce travail, il faut faire des hypothèses sur la manière dont les acteurs économiques se saisiront ou non des propositions qui leur sont faites et sur l'interaction entre les différentes variables. Le comportement des individus n'est évidemment pas prédéterminé. La modélisation retenue dépend aussi de la vision que l'on a du fonctionnement de l'économie. Ce sont sur ces points que le débat entre économistes devrait se nouer, même si l'on observe aujourd'hui une plus grande convergence entre eux qu'auparavant.

Jean-Paul Fitoussi Président de l'OCFE

Chiffrer ex ante le coût des programmes électoraux nous paraît déontologiquement contestable et ne correspond en rien à une réelle évaluation. L'OFCE vient d'ailleurs de publier un manifeste en ce sens. Les chiffrages qui circulent aujourd'hui laissent penser à l'opinion publique que toute mesure n'est qu'un coût pour les finances publiques, sans tenir compte des bénéfices qu'elle est susceptible de générer après sa mise en œuvre. Ils donnent ainsi l'illusion que le meilleur programme est celui qui coûte le moins cher. Par exemple, si un candidat décide d'augmenter les dépenses de R et D, il apparaîtra comme prodigue alors que la rentabilité de cet investissement permettra de verser à terme des dividendes aux Français. Le chiffrage donne une prime à l'immobilisme plutôt qu'à l'action et conduit à déprécier l'avenir par rapport au présent. Même les économistes libéraux ne sont pas tombés dans ce piège puisqu'ils suggèrent qu'une baisse des impôts induirait à terme une baisse de la dette publique. Ce n'est donc pas le coût des mesures qu'il faut analyser mais leurs effets économiques, car ce sont eux qui détermineront le nombre de créations d'emplois de demain, le pouvoir d'achat et le niveau d'endettement.

Vincent Champain Économiste

Du fait de l'imprécision des projets, les chiffrages ne sont que des estimations à 20 % près. Cela est toutefois bien plus précis que toutes les prévisions et analyses économiques. Le premier objectif d'un chiffrage est de permettre de clarifier et d'éclairer le débat sur le contenu des projets. Ainsi, dans les promesses de 2002, le Civis devait remplacer les emplois jeunes – en réalité, le premier concerne très peu de monde, ce qu'aurait immédiatement montré un chiffrage. Le deuxième apport du chiffrage est de forcer à la cohérence. Ainsi, on ne peut pas multiplier les baisses d'impôts, réduire la dette et réaliser une flexicurité à la danoise – ce qui signifie dépenser 50 % de plus pour l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Le débat sera d'autant plus productif que seront nombreux ceux qui débattront sur les chiffres ou sur l'impact économique des projets : c'est l'absence ou l'unicité des sources d'information qui est néfaste, pas le contraire. Cela bousculera peut-être ceux qui pensaient avoir le monopole de la parole, mais ne regrettons pas d'entrer dans une époque où les engagements doivent être chiffrés et dans laquelle se multiplient les contre-pouvoirs qui imposent un débat sur le fond des projets.

Pour en savoir plus

Institut de l'entreprise, www.debat2007.fr, rubrique Le coût des programmes.

OFCE, Manifeste contre une déontologie en rase campagne, clair & net@ofce, www.ofce.sciences-po.fr.

COE-Rexecode, Comparatif de l'impact économique des mesures concernant le travail, mars 2007.

Institut de l'entreprise, www.debat2007.fr, rubrique Cyberbudget présidentiel.

OFCE, France 2012, e-book de campagne à l'usage des citoyens, mars 2007 www.ofce.sciences-po.fr.