Comme en 2002, rien ne se passe comme prévu dans la campagne du PS. Sa procédure de désignation a fait émerger une candidate inattendue, Ségolène Royal, qui, après avoir semblé vouloir s'émanciper des vieux thèmes du socialisme français, a dû revenir sur une ligne plus « orthodoxe », sans en tirer des gains évidents. À l'inverse, la progression de François Bayrou menace le PS d'une élimination dès le premier tour. Tous ces soubresauts confirment que le parti de François Mitterrand traverse une crise profonde. C'est le grand intérêt du livre de Gérard Grunberg et de Zaki Laïdi de tenter d'expliquer pourquoi la gauche française donne ainsi l'impression d'être en déphasage avec son époque. Selon les deux auteurs, l'accusé s'appelle « le pessimisme social ». Une vision de la société qui est en passe de devenir le seul ressort identitaire du socialisme en France. « Il n'est offert aux salariés aucune interprétation globale et cohérente du monde de demain, sinon qu'il est lourd de menaces et de difficultés pour eux », regrettent les deux sociologues.

Conception unilatéraliste du changement social, alors que ce dernier est de plus en plus ambivalent, renoncement à la critique de l'État, réductionnisme de la pensée économique ramenée à la critique du capitalisme américain, promotion simpliste de nouveaux modèles sociaux, tels les système scandinaves de protection sociale, approche caricaturale du rôle du marché et de la mondialisation…

Le procès est sévère et frappe souvent juste. Quand ils ont rédigé ce brillant réquisitoire, les deux auteurs ne cachaient pas leur attente de voir Ségolène Royal incarner la mutation du Parti socialiste vers un certain « optimisme social ». Réponse dans quelques semaines.