C'est le thème vedette de la campagne présidentielle : la valeur travail. Tant Nicolas Sarkozy que Ségolène Royal veulent la réhabiliter. Mais, pour autant, sait-on vraiment ce que c'est que travailler ? Tel est le point de départ du livre de Michel Lallement. L'auteur s'étend sur les multiples transformations qui ont affecté le travail au cours des siècles, surtout dans la seconde moitié du XX^e siècle. Mais, dans la multitude de définitions dont peut faire l'objet cette notion, le sociologue choisit de privilégier celle qui le considère comme un rapport social.

Son livre remet à leur juste place les trois notions dont nous bombarde l'actualité : travail, emploi, chômage. On y apprend que le terme chômage vient du grec kauma, référence aux brûlures du soleil qui obligeaient les travailleurs agricoles à cesser leur activité. L'irrésistible allongement de la durée du chômage a provoqué un éclatement des frontières entre définitions, source de confusion. Le codage des professions et des catégories socioprofessionnelles s'est lui-même complexifié, ce qui traduit la sophistication à laquelle est parvenue aujourd'hui la division du travail.

Le travail est un excellent fil rouge pour analyser certaines des grandes tendances sociétales de l'après-guerre. Ainsi, le chemin est évident entre ce que Michel Lallement appelle l'« individuation » du travail et l'individualisation qui affecte l'ensemble de la société. Chaînon décisif de ce glissement de terrain social, le taylorisme est magnifiquement remis en perspective. L'articulation entre l'individu et la société s'est réalisée au travers des organisations, entreprises, mais aussi administrations et associations, qui traversent une période de forte mutation. Qui dit travail dit régulation : là encore, le chantier de la refondation est ouvert, notamment au niveau des organisations professionnelles. Quelle que soit l'importance des défis auxquels celles-ci sont confrontées, à travers le mouvement de mondialisation, Michel Lallement est convaincu du rôle essentiel « des pratiques de transaction et de négociation ».

Cette synthèse magistrale se termine sur l'emploi, qui mobilise le plus les spécialistes actuels du social. Théories de la segmentation du marché du travail, modes d'intervention de l'État par le biais des politiques publiques pour l'emploi, le thème a envahi le terrain sociologique. Peut-être trop, pour l'auteur, qui semble persuadé, comme le sont nos présidentiables, que les clés du problème se trouvent du côté des changements affectant le travail.