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Idées

Et si un autre monde du travail était possible…

Idées | Culture | publié le : 01.03.2007 | A. F.

Du conflit Lip au refus du salariat, deux documents interrogent les formes de contestation

C'est possible : on fabrique, on vend, on se paie. » Plus que tout, la banderole accrochée, en juin 1973, par les Lip au fronton de leur usine horlogère à Besançon rappelle l'enthousiasme collectif de leur combat, le plus emblématique de l'après-1968. Un « tremblement de terre » pour le réalisateur Christian Rouaud. Parce qu'il a porté la démocratie directe à son paroxysme, quand les 1 200 salariés ont relancé l'usine, en dépôt de bilan, pour s'assurer « un salaire de survie ». Parce qu'il a mobilisé les foules, jusqu'au clergé même, et a été vécu comme un laboratoire social. « Il y avait toujours de l'animation. Des gens venaient passer avec nous huit jours de congé et participaient aux AG », rappelle un ancien. Ni les syndicats ni le comité d'action, regroupant des salariés sans étiquette, n'ont manqué d'idées pour sauver Lip et faire vivre leur mouvement, jamais violent. De la baisse des cadences jusqu'au vol d'un stock de montres. De l'organisation d'énormes manifestations (100 000 personnes) à l'ouverture du site au public… Pour comprendre « les modes de réflexion, d'intervention, d'organisation d'il y a trente ans » et les faire « résonner aux oreilles d'aujourd'hui », Christian Rouaud a retrouvé salariés et syndicalistes. Et nous propose un document magnifique, tant par la qualité des interviews réalisées que dans la forme. Les entretiens s'enchaînent si bien qu'ils forment un récit continu. Qu'en reste-t-il ? Plus de trente ans après, la véritable contestation a pris une tout autre forme, à en croire Pierre Carles, Christophe Coello et Stéphane Goxe : elle ne travaille plus le capitalisme de l'intérieur mais s'exprime dans son refus même. Dans Volem rien foutre al païs, ils donnent la parole à des RMIstes, des chômeurs, des collectifs qui renient le salariat, la société de consommation. Et recherchent des alternatives, seuls ou dans les pratiques solidaires. On y croise un constructeur de maisons en paille, un bricoleur de moteurs à eau, un collectif barcelonais, Dinero gratis (« argent gratuit »), qui réquisitionne des immeubles… Mêlant pub, images d'archives et témoignages, ce documentaire partial, qui met en scène Pierre Carles à la mode Michael Moore, ne fait pas dans la dentelle. S'il a le mérite de poser de bonnes questions, il ne présente aucune solution généralisable. Hormis le retour de tous à la campagne !

Les Lip, l'imagination au pouvoir de Christian Rouaud (1 h 58 min). Sortie le 21 mars.

Volem rien foutre al païs, de Pierre Carles, Christophe Coello et Stéphane Goxe (1 h 47 min). Sortie le 7 mars.

Auteur

  • A. F.