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Vie des entreprises

Jean-Pierre Clamadieu, l’alchimiste du redressement de Rhodia

Vie des entreprises | METHODE | publié le : 01.02.2007 | Anne Fairise

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Jean-Pierre Clamadieu, l’alchimiste du redressement de Rhodia

Crédit photo Anne Fairise

Pour sauver le groupe chimique de la quasi-faillite, Jean-Pierre Clamadieu a choisi la thérapie de choc. Recentré sur son métier, réorganisé, Rhodia s’est séparé d’un quart de ses salariés, avec l’aval des syndicats. Reste à insuffler une nouvelle culture.

Pari tenu ? En annonçant, dès le troisième trimestre 2006, un retour au vert des comptes de Rhodia, Jean-Pierre Clamadieu a commencé à se forger une image de redresseur d’entreprise. Aucun triomphalisme, pourtant, chez le directeur général du groupe chimique, qui « ne veut pas relâcher la pression » jusqu’à la présentation, en mars, des résultats, vraisemblablement conformes aux engagements pris en 2004. Le défi, pourtant, n’avait rien d’évident. Lorsque ce manager de terrain a pris, fin 2003, la succession du controversé Jean-Pierre Tirouflet, l’ex-branche chimie de Rhône-Poulenc avait tout du bateau ivre. Avec une dette de 3,2 milliards d’euros, elle se trouvait sous la quasi-tutelle des banques. Les actionnaires étaient au bord de la révolte. Et l’augmentation du prix des produits pétroliers augurait d’un chavirement rapide.

Le redressement s’est fait au prix d’un changement complet de stratégie. Fini la dispendieuse politique d’acquisitions et de diversification à tout-va. Les activités ont été recentrées sur les métiers où Rhodia est leader, tel le polyamide utilisé dans les pneus. Le programme massif de cessions s’est accompagné d’une révision drastique de l’organisation, des coûts et des effectifs. Une thérapie de choc pour les troupes de Rhodia, amputées d’un quart en trois ans, et enjointes de faire mieux avec moins. Reste à leur donner une visibilité dans un périmètre encore mouvant et à conférer une nouvelle identité au groupe.

1 Réorganiser à marche forcée

À lui seul, l’organigramme traduit l’ampleur de la mutation. En trois ans, la galaxie de 17 filiales autonomes et de 27 entités juridiques a laissé place à 7 entreprises regroupées en 3 sociétés. Pour conduire cette rationalisation, les administrateurs choisissent un homme de la maison qui, en moins de dix ans, s’est hissé jusqu’au comité exécutif. Ils optent, surtout, pour un partisan du recentrage. Une stratégie que Jean-Pierre Clamadieu n’a pas hésité à exposer, mi-2003, à Jean-Pierre Tirouflet, quitte à se retrouver placardisé et à devoir envisager son pot de départ. Avant un revirement du P-DG, qui le nomme directeur financier, sous la pression des banques, et l’envoie s’aguerrir à Genève et à Londres !

Cette formation sera précieuse au futur directeur général, dont la tâche première est de restaurer la confiance des investisseurs. Il y a urgence : Rhodia frôle la cessation de paiements. Pour se rassurer, les administrateurs l’épaulent d’un des leurs, Yves-René Nanot, 66 ans, patron des Ciments français, qui passe de la tête du comité des comptes à celle du conseil d’administration. Il assure les relations extérieures et contribue à la redéfinition de la stratégie, tandis que Clamadieu se consacre au financier.

Un comité exécutif restreint à six personnes en prise directe avec un comité exécutif élargi, qui intègre les patrons des entreprises au nombre réduit de moitié… l’organisation managériale reflète les priorités : simplicité, réactivité, efficacité. La garde rapprochée du comex compte un seul promu, Yves Boisdron, à la stratégie. Bernard Chambon conserve les RH, assisté par Max Matta, ex-Moulinex, aux relations sociales.

La course contre la montre est engagée. En trois mois, Jean-Pierre Clamadieu boucle un accord de refinancement de la dette bâti sur une sévère restructuration. Au total, 1,5 milliard d’euros d’activités seront cédés et les charges de fonctionnement allégées de 300 millions d’euros par le passage à une organisation matricielle. « La logique financière l’a emporté », déplore la CFE-CGC. « Pendant trois ans, le management a réalisé, les uns après les autres, ses objectifs : cessions, rationalisation des structures, refinancement de l’entreprise », note Jean-Pierre Clamadieu. Aux salariés de Saint-Fons (Rhône), il explique que leur site, déficitaire, n’est pas prioritaire. « Il leur a présenté deux options : soit ils réalisaient le plan de la direction, soit le site allait être fermé ou vendu », se souvient un cadre. Un électrochoc pour le personnel issu de Rhône-Poulenc, toujours perçu comme insubmersible. « Les effets de manches de l’époque Tirouflet, ce n’est pas son style, renchérit un autre. Jean-Pierre Clamadieu parle simple et attend les résultats. »

2 S’assurer le soutien des syndicats

Un appel européen à la grève peu suivi, quelques débrayages en région lyonnaise : la réorganisation des fonctions administratives, au cœur du plan d’économies, n’a suscité aucune action d’envergure, malgré le millier de postes supprimés dans le monde et le redéploiement de 42 % des effectifs. Il faut dire qu’en France, où le tribut a été le plus lourd, tout a été balisé par un accord de méthode. La signature à l’unanimité des cinq syndicats est une première en 2004. « Cela a été possible parce qu’il existait un dialogue social de qualité », estime Max Matta, qui en veut pour preuve les 21 accords « importants » conclus depuis la création de Rhodia et paraphés pour les deux tiers à l’unanimité.

Afin de pouvoir négocier dans l’urgence, la direction crée une « instance de dialogue stratégique », dérogatoire, ouverte aux cinq coordinateurs syndicaux du groupe et aux secrétaires du comité de groupe France et du comité d’entreprise européen. Et propose d’y parler stratégie en échange d’une stricte confidentialité. « Nous avons choisi, après discussions, de travailler à livre ouvert avec les syndicats. Ils ont été informés de cessions longtemps avant leur lancement. Cela a permis d’établir un dialogue franc », commente Bernard Chambon. Et de trouver un terrain d’entente. Même la CGT, majoritaire, et FO valident en février 2004 le texte, négocié en six semaines, après des discussions qualifiées de « dures » par tous.

Mais la pilule reste amère pour les syndicats. Car le texte détermine l’accompagnement social des restructurations à venir, dont l’ampleur n’est pas connue. De plus, ils renoncent aux actions contentieuses et acceptent de ne recourir aux experts qu’au comité d’entreprise européen. Ils ont, certes, décroché des contre-parties : indemnités de licenciement des opérateurs équivalentes à celles des Etam, cabinets de reclassement choisis paritairement, priorité de réembauche pour les licenciés, etc. Sur les 799 suppressions de postes dans l’Hexagone, 52 % donnent lieu à un licenciement, 40 % à un reclassement interne et 8 % à une mission dans le groupe.

Si Max Matta célèbre « une preuve de maturité du dialogue social », l’appréciation syndicale est autre. Tous ont été surpris par l’ampleur des cessions. « Il a fallu accepter beaucoup de règles qui n’ont pas été bien vécues a posteriori », souligne la CFE-CGC. « Nous avions les mains liées », résume FO. Mais la direction a pris goût aux accords globaux et au donnant-donnant. En mars 2006, un texte sur les salaires, la durée du travail et la prévoyance a été signé par tous, CGT exceptée. « Pris isolément, aucun de ces sujets n’aurait obtenu autant de signatures », se félicite Max Matta.

3 Se recentrer sur le cœur de métier

« Plate-formiser ». Personne, chez Rhodia, n’ignore le néologisme, entré dans le vocabulaire maison depuis la réorganisation des fonctions administratives. Désormais, le personnel des 14 sites français appelle Lyon pour joindre le « correspondant paie ». Huit fonctions, des achats à la logistique et aux RH, sont assurées par des plates-formes de services, certaines tâches étant externalisées au passage, afin de réaliser des économies d’échelle de 25 à 40 % par fonction. Le projet n’a pas toujours été bien reçu par les directeurs de site. « Ces décisions ont été une rupture. Leurs responsabilités ont évolué et ils ont dû apprendre à travailler autrement », reconnaît Bernard Chambon.

La suite sera plus concertée : un ex-directeur de site est chargé de recenser les dysfonctionnements et un cabinet-conseil d’assurer leur résolution. « Certaines fonctions étaient tellement concentrées sur leur plan d’économies qu’elles en avaient oublié leurs clients internes », commente Bernard Maindron, du cabinet IECI. L’urgence dans laquelle les processus ont été remis à plat et les missions redéfinies explique le flottement. Particulièrement touchée, la chaîne des achats : « Plusieurs fournisseurs se sont refusés à décharger leurs marchandises tant qu’ils n’avaient pas été payés », déplore Bernard Ughetto, de la CGT, qui met en cause « l’externalisation manquée de la comptabilité à Prague ». « Les utilisateurs des fonctions doivent mettre la main à la pâte pour régler les difficultés. On est loin de l’objectif de recentrage de chacun sur son cœur de métier », renchérit la CFDT.

Aujourd’hui, c’est l’externalisation dans la fonction RH qui suscite le mécontentement. Rhodia, qui a confié à IBM et à ADP le recrutement, la rémunération et la paie, dans le cadre de plates-formes de services par continent, conservera uniquement l’appréciation des besoins de formation, la gestion des cadres et des relations sociales. Une nécessité pour tenir les objectifs de réduction des coûts et d’effectifs, qui passeront de 520 à 120 entre 2003 et 2008. « L’enjeu sera de garder le contact de proximité et de qualité avec les salariés, même s’ils gèrent leurs congés par informatique ou en appelant une plate-forme externe », précise le directeur général.

4 Impulser une culture de responsabilité

Difficile, à Saint-Fons, d’échapper aux affiches placardées dans les salles pour rappeler au personnel les missions du site, parmi lesquelles figure en très bonne place l’« excellence opérationnelle ». Un mot-clé dans la stratégie du patron de Rhodia, qui s’est engagé à doubler en trois ans la marge d’exploitation du groupe. « Depuis trois ans, nous accordons plus d’attention à l’excellence opérationnelle. C’est mettre en avant notre culture industrielle, la maîtrise des coûts fixes, la fiabilité des opérations et la qualité des produits », note Olivier Caix, patron d’Organics, une des entreprises Rhodia. Enjoints d’améliorer leurs résultats, « tous les sites ont engagé des plans d’optimisation industrielle pour atteindre l’objectif cible de fin 2006. Chaque directeur d’usine a été chargé de faire des propositions et d’initier des actions », explique Laurent Schmitt, président de Polyamide, la plus grosse société de Rhodia. Un mouvement favorisé par l’urgence de la situation, la simplification des processus de décision et la réduction des effectifs. « Plus qu’une culture du résultat, Jean-Pierre Clamadieu a impulsé une culture de responsabilité, c’est-à-dire des engagements tenus au regard des résultats », analyse un cadre.

Les politiques salariales traduisent ces engagements réciproques. Rhodia n’a jamais gelé les salaires, même en 2004. Sur la période 2006-2007, le groupe a signé un accord atypique. Pluriannuel, il conditionne l’augmentation 2007 à l’atteinte de l’objectif opérationnel pour 2006. Et accorde une augmentation de 1 % supplémentaire si le résultat est dépassé. Une carotte destinée à faire comprendre, selon la direction, que « l’effort de redressement doit se poursuivre ». « Le conditionnement rend caduque la notion d’augmentation collective », tempête la CGT, non signataire. Reste que, pour Bernard Chambon, « conditionner l’évolution des salaires aux performances de l’entreprise est devenu une pratique ». Les bonus 2007 des cadres supérieurs ne seront attribués que si les objectifs personnels sont tenus.

5 Affirmer sa citoyenneté

Intégrer le développement durable aux objectifs de management et à la pratique quotidienne, au même titre que les résultats financiers… Voilà, pour 2007, l’ambitieux objectif de Rhodia, qui n’a pas passé ses engagements par pertes et profits. « C’est dans les moments difficiles qu’on mesure l’ancrage des pratiques et la sincérité des convictions d’une entreprise », souligne Jacques Kheliff, directeur du développement durable, entré au comex au plus fort de la crise. Le groupe, dont 50 % des sites sont classés Seveso, a une longueur d’avance, liée à la tradition hygiène-sécurité-environnement de Rhône-Poulenc.

Depuis 2005, les réalisations se multiplient. Premier chimiste à signer un accord-cadre avec la fédération internationale des syndicats de travailleurs du secteur, Rhodia garantit le respect d’un socle de droits minimal dans chaque pays. Des visites d’usines en Chine, au Brésil et aux États-Unis sont prévues, en 2007, pour vérifier le respect de normes de l’OIT et d’engagements de Rhodia. Du déploiement d’un référentiel de responsabilités sur tous les sites, il attend, d’ici à 2009, une cartographie de l’état d’avancement des engagements à l’égard des parties prenantes.

À l’heure de la montée en puissance de la « chimie verte », le groupe a décidé de faire du développement durable un étendard. Il soigne son image et multiplie les pratiques vertueuses, notamment en matière de gouvernance. De quoi jeter les bases d’une nouvelle culture pour des salariés « très bousculés » selon les syndicats ? Pour tourner la page du redressement, la direction a, en tout cas, engagé un gros travail sur les valeurs qui va irriguer le management par objectifs.

Repères

Depuis 2004, Rhodia a rompu avec sa politique de croissance externe et s’est recentré sur ses activités leaders sur leur marché. Il est devenu premier producteur mondial de produits à base de terres rares (destinés à la catalyse automobile), de diphénols et dérivés (arômes et parfums) ou de salicylates (aspirine). Il occupe la deuxième position pour le polyamide 6.6 (automobile, électronique) et la troisième pour le câble acétate (filtres à cigarettes).

2004 Cession de l’activité ingrédients alimentaires.

2006 Cession de la filiale ChiRex, de l’activité silicones.

2007 Cession de l’activité fibres industrielles.

Les effectifs mondiaux ont diminué d’un quart en trois ans. En France, ils sont passés, entre 2003 et 2006, de 8 400 à 6 200 salariés (au terme de la cession des activités silicone, en cours en janvier).

ENTRETIEN AVEC JEAN-PIERRE CLAMADIEU, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE RHODIA
“Il faut revenir à des pratiques raisonnables sur les rémunérations des dirigeants”

Comment avez-vous pu procéder, depuis trois ans, à une restructuration de grande ampleur sans crise sociale majeure ?

Nous avons tenu aux salariés un discours de vérité : la survie du groupe était en jeu. Pour nous redresser, nous ne pouvions compter ni sur l’État ni sur un actionnaire puissant. Il fallait se retrousser les manches et se mettre au travail. Toutes les décisions qui ont été prises ont été clairement annoncées et expliquées. Pour leur part, les syndicats ont fait preuve de responsabilité et signé à l’unanimité un accord de méthode qui a permis de construire rapidement un plan social de qualité et d’assurer son suivi. Enfin, nous avons mis les moyens financiers et humains nécessaires pour accompagner les départs.

Dans quel état d’esprit se trouvent les salariés ?

Ces trois dernières années nous ont rendus plus forts. Nos équipes sont engagées dans un marathon qu’elles ont couru à la vitesse d’un sprint. J’ai mis beaucoup de pression pour que nous réalisions tous nos objectifs. Aujourd’hui, la restructuration est presque achevée, et nos priorités ont évolué. Nous devons nous développer dans les métiers où le groupe dispose de positions solides. Il faut redonner des perspectives et faire évoluer les comportements. Les équipes doivent se mobiliser autour de projets de croissance tout en conservant les réflexes de rigueur acquis ces trois dernières années.

L’essentiel des investissements et des recrutements se fait en Asie. Quel avenir pour les sites hexagonaux ?

Nous développons des capacités de production en Chine parce que nos marchés ont une croissance de 10 à 20 % par an. Nous ne le faisons pas pour des raisons de moindre coût de la main-d’œuvre. La part de nos effectifs en Asie et en Amérique latine représente aujourd’hui 40 % de l’effectif total du groupe, contre 30 % fin 2003. Cette tendance va se poursuivre. Pour autant, nos positions en France restent essentielles, tant en ce qui concerne la recherche et le développement que pour certaines plates-formes industrielles.

Pourquoi Rhodia mise-t-il autant sur le développement durable ?

Un chimiste ne peut opérer efficacement, à moyen et à long terme, sans maîtriser l’impact de ses produits et de ses procédés sur ses salariés, son environnement et ses clients. Le développement durable est au cœur de notre métier ! Les personnes habitant près de nos sites veulent savoir ce qui s’y passe, nos clients veulent comprendre l’impact éventuel de nos produits sur la santé. Ce sont des demandes légitimes. Je suis fier que Rhodia ait réalisé, au plus fort de la crise, la meilleure performance de son histoire en matière de sécurité au travail avec, depuis 2005, moins d’un accident par million d’heures travaillées. Cela nous place parmi les meilleurs chimistes mondiaux. En 2007, nous allons intégrer davantage le développement durable au management en déployant sur nos sites un référentiel de bonnes pratiques.

Que pensez-vous de la polémique sur les rémunérations des dirigeants ?

Des débordements récents aux États-Unis et en France montrent que les mécanismes de bonne gouvernance des entreprises n’ont pas fonctionné. Il faut revenir à des pratiques raisonnables. Mais elles doivent être réalistes, au risque, sinon, de se priver des talents. Le code de conduite du Medef et de l’Afep va dans ce sens. Chez Rhodia, le conseil d’administration a créé un comité des rémunérations entièrement constitué d’administrateurs indépendants qui veille au respect de ces principes : depuis trois ans, les attributions de stock-options ou d’actions gratuites sont conditionnées à la réalisation de nos objectifs économiques.

Que pensez-vous du projet de loi donnant plus de place aux partenaires sociaux dans l’élaboration des réformes ?

Légiférer n’est certainement pas la solution à tous les problèmes, contrairement à une idée trop largement reçue en France. C’est au travers du dialogue social dans l’entreprise, au niveau de la branche ou national, que devrait s’élaborer un certain nombre de normes et bonnes pratiques. Il faut pour cela des partenaires responsables et forts.

Propos recueillis par Denis Boissard et Anne Fairise

JEAN-PIERRE CLAMADIEU

48 ans.

1984

Ingénieur des Mines.

1991

Rejoint l’équipe de Martine Aubry, ministre du Travail. Chargé des restructurations industrielles, il gère le FNE.

1993

Intègre la branche chimie de Rhône-Poulenc.

1998

Après la création de Rhodia, il devient DG de Rhodia Éco Services.

2003

Nommé directeur général.

Auteur

  • Anne Fairise