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Tableau de bord

Faut-il instaurer la retenue à la source ?

Tableau de bord | publié le : 01.02.2007 |

Jean-Luc Biacabe Directeur de la prospective à la chambre de commerce et d’industrie de Paris (CCIP)

Adopter le prélèvement à la source serait un signal fort à double titre : la preuve que la complexité du système fiscal français n’interdit pas des avancées majeures ; la démonstration que la constance dans l’effort du décideur politique peut avoir raison des blocages syndicaux. Il faut saluer cette perspective qui ferait rentrer la France dans le rang des pays développés, mais ne pas en exagérer la portée. Le coût de la collecte de l’impôt tient davantage à la complexité de la fiscalité qu’à l’inefficacité des services fiscaux. Faute d’une simplification concomitante, c’est plus un « acompte à la source » qui se profile qu’un vrai prélèvement à la source, puisqu’il faudra, in fine, régulariser la situation de chacun. Autre limite : comment réagiront les salariés à la baisse de leur salaire net lors de la mise en œuvre de la réforme ? Le coin fiscal (écart entre le coût d’un salarié pour l’entreprise et ce que celui-ci perçoit effectivement) s’en trouvera augmenté, ce qui ne va pas dans un sens souhaitable. Enfin, cette « modernisation » de l’administration fiscale française se fera surtout par un transfert du coût de la collecte de l’impôt vers les entreprises, ce qui devra nécessiter des compensations financières pour éviter de les pénaliser.

Michel Taly Avocat associé chez Arsène. Ancien directeur de la législation fiscale au ministère des Finances

Le bilan inconvénients-avantages de la retenue à la source n’est pas très favorable. Cette réforme aurait en effet des inconvénients certains. Le premier d’entre eux serait une perte de recettes pour l’État au travers de deux phénomènes. D’abord, il sera très tentant de concentrer sur l’année blanche un maximum de revenus. Les solutions techniques pour éviter ces optimisations sont complexes et ne seront pas efficaces à 100 %. Ensuite, les déductions fiscales de cette année-là seront-elles définitivement perdues ou déduira-t-on deux années à la fois ? Autre inconvénient : la fourniture de données confidentielles. Comme notre impôt est très personnalisé et très progressif, il faudra fournir à chaque employeur le taux moyen d’imposition de l’année précédente, ce qui revient à l’informer du revenu imposable global du couple. Par ailleurs, les avantages de la retenue à la source restent mal assurés. En matière de simplification, la retenue à la source ne dispensera pas de faire une déclaration. Quant à ses effets supposés favorables sur le coût de la collecte d’impôt, ils restent hypothétiques. L’administration devra en effet faire payer le solde ou rembourser l’excédent, et gérer les relations avec les employeurs.

Frédéric Douet Maître de conférences à la faculté de droit de Caen

Le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu (IR) est un véritable serpent de mer. Sa mise en place aurait pourtant un avantage pratique pour le contribuable : celui d’éviter le décalage d’un an entre la perception du revenu et le prélèvement de l’impôt correspondant. En cas de perte de revenus d’une année à l’autre, le système actuel rend la situation financière des ménages plus délicate. La retenue à la source comporte toutefois des obstacles techniques, certes surmontables, mais qu’il ne faut pas sous-estimer. Le premier d’entre eux est la confidentialité des informations fournies par le salarié à son employeur. Le montant de l’IR versé étant fonction de la situation familiale de l’individu, les entreprises seraient amenées à connaître la situation personnelle de leurs collaborateurs. Il n’est pas sûr non plus que la retenue à la source simplifie la collecte de l’impôt, les revenus autres que ceux tirés de l’activité continuant de faire l’objet d’une déclaration à l’administration fiscale. Quant à l’année de transition entre les deux systèmes, pour éviter à la fois une double imposition ou une évasion fiscale, on pourrait imaginer que l’année fiscale blanche en matière d’IR ne concerne que les traitements et salaires.

Pour en savoir plus

Minefi, le Point sur la retenue à la source de l’impôt sur le revenu, rapport de février 2002. www.finances.gouv.fr

Institut de l’entreprise, blog www.debat2007.fr, cliquez dans « Thèmes » puis sur « Fiscalité ».

OCDE, Étude fiscale n° 13 sur la « refonte de l’imposition des personnes physiques », 2006. www.oecd.org

Conseil des impôts, rapport sur « l’imposition des revenus », 2000. www.ccomptes.fr

Rapport Lépine, Analyse comparative de neuf administrations fiscales, mars 1999. www.finances.gouv.fr