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Des initiatives encourageantes dans l’entreprise

Dossier | publié le : 01.02.2007 | S. D.

Si certaines sociétés continuent de fermer leurs portes aux travailleurs handicapés, d’autres redoublent d’efforts. Elles cartographient les emplois, aménagent les postes, mais aussi développent l’apprentissage et le soutien aux étudiants. Avec l’appui de multiples partenaires.

La première étape consiste à briser les tabous et à faire prendre conscience à nos responsables du recrutement que le handicap ne se limite pas au fauteuil roulant », souligne Laetitia Moncolin, coordinatrice chez Carrard Services. Depuis 2003, elle exhorte les 28 agences de ce spécialiste de nettoyage industriel à embaucher des agents d’entretien handicapés. Avec succès, puisque Carrard Services en emploie aujourd’hui 250, soit environ 5 % de ses effectifs. Pour faciliter leur intégration, l’entreprise a créé une fiche handicap qui fait le parallèle entre le type de poste (matériel utilisé, cadences, postures), les contre-indications médicales et les handicaps compatibles. « Les agences spécialisées comme Cap Emploi ciblent les candidats potentiels et nous avons une idée plus précise des aménagements de postes éventuels », précise Laetitia Moncolin. En mars 2005, l’agence de Nantes a recruté une téléprospectrice aveugle après avoir équipé son poste d’un clavier en braille et d’un système de reconnaissance vocale. Un bilan est réalisé dans les six mois qui suivent l’embauche ou le changement de poste et 25 tuteurs ont été formés à l’accueil des travailleurs handicapés.

La loi en guise d’électrochoc.

À l’inverse, 23 000 entreprises de plus de 20 salariés continuent de fermer leurs portes aux personnes handicapées. La loi du 11 février 2005 qui renforce les obligations légales devrait pourtant faire office d’électrochoc. Au cours des derniers mois, de nombreuses entreprises ont redoublé d’efforts pour recruter et maintenir dans l’emploi les travailleurs handicapés : Thales, Dassault Aviation, Onet ou la Lyonnaise des eaux… Conforama, qui emploie actuellement 260 salariés handicapés, a réalisé en partenariat avec l’Agefiph, Cap Emploi et l’Opcareg une cartographie des emplois pour identifier les incompatibilités et les aménagements de postes nécessaires. Reste que les employeurs à la recherche de candidats diplômés se heurtent souvent au manque de qualification initiale. Pour pallier ces difficultés, SFR Cegetel, qui emploie actuellement 149 personnes handicapées, cherche à développer l’apprentissage et le soutien en amont aux étudiants. Dans un accord signé en 2006, l’opérateur s’engage à recruter des personnes handicapées à hauteur de 7 % de son flux d’embauche sur trois ans, environ 21 par an. « Un objectif ambitieux, car nos métiers demandent des formations de niveaux bac + 2 à bac + 5, des niveaux où les candidatures font cruellement défaut », souligne Benjamin Blavier, directeur de la responsabilité et de l’innovation sociale chez SFR.

En partenariat avec une école spécialisée à Lyon, SFR forme sept étudiants malvoyants inscrits en BTS commercial et soutient financièrement deux étudiants inscrits en école de commerce et d’ingénieurs. « Nous cherchons aussi à inciter les bacheliers handicapés à poursuivre leurs études en prenant exemple sur notre passeport ingénieurs télécoms qui vise les jeunes issus des quartiers sensibles », témoigne Benjamin Blavier. Dans le même esprit, Thales parraine des étudiants inscrits en bac + 5 à l’École nationale supérieure d’électronique, informatique et radiocommunications de Bordeaux.

Consciente de ces obstacles, l’Agefiph a consacré 60 millions d’euros sur deux ans aux actions de formation en 2005. Plus de 6 500 personnes handicapées ont notamment bénéficié d’actions favorisant l’apprentissage et la professionnalisation. « Nous avons le plus grand mal à dénicher des candidats qualifiés », regrette Didier Rabiti, chargé de mission handicap depuis 2005 chez ETDE, filiale électricité de Bouygues Construction qui souhaite recruter 60 salariés handicapés d’ici à 2008. Traditionnellement ouverte à l’apprentissage, l’entreprise de travaux publics s’apprête à développer les contrats de professionnalisation avec des centres de reclassement professionnel. Pour elle, l’évolution législative se traduit par un durcissement de l’obligation d’emploi. « Le quota des 6 % reste inchangé, mais intègre désormais les emplois de chantier, qui représentent 34 % de l’effectif, explique Didier Rabiti. Mécaniquement, le taux d’emploi baisse, passant de 5,6 % à 3,1 %. »

Dans un secteur où le nombre d’accidents du travail reste élevé, ETDE, qui compte actuellement 130 travailleurs handicapés, accentue les efforts pour maintenir les ouvriers dans l’emploi. « Notre objectif est d’anticiper les inaptitudes et d’identifier les arrêts de plus de trois mois afin de préparer leur réintégration avant la visite de reprise chez le médecin du travail, trop tardive », note Didier Rabiti, qui a recensé une cinquantaine de salariés dans ce cas. Une quinzaine de comités handicap regroupant le responsable RH, le médecin du travail, un membre du CHSCT se réuniront une fois par trimestre pour réfléchir aux mesures d’accompagnement : bilan de compétences, formation de reconversion, aménagements de postes, etc. La contribution due à l’Agefiph de 400 000 euros par an pourra financer de telles actions. Globalement, en 2005, l’Agefiph enregistrait 10 000 salariés maintenus dans leur emploi. Deux fois plus qu’en 2000.

Stef-TFE met le turbo

Surprise chez Stef-TFE, spécialiste de la logistique du froid. En réintégrant certaines catégories d’emploi dans l’effectif de référence, la loi du 11 février 2005 a accru mécaniquement le quota de travailleurs handicapés. « Nous ne pouvons plus exclure de l’assiette de calcul 3 500 postes de conducteurs », note Robert Isabella, DRH adjoint du pôle transport TFE-Tradimar, chargé de l’emploi des travailleurs handicapés. Si le transporteur veut respecter ses obligations, il doit employer environ 600 personnes handicapées au lieu de 390, sous peine de voir sa contribution à l’Agefiph passer de 300 000 à 600 000 euros. Avec l’aide du cabinet JLO Conseil, Stef-TFE s’est rendu compte qu’avec quelques aménagements tous les postes étaient a priori compatibles avec un handicap. « Un de nos manutentionnaires amputé d’une main compensait son handicap en faisant de la musculation et tenait même des cadences incroyables », raconte le DRH adjoint.

Mais pour des métiers en tension, comme agent de quai conducteur, les candidats sont rares. Stef-TFE prévoit d’embaucher 90 handicapés sur trois ans, dont 20 en alternance, et mise sur l’apprentissage. « Nous voulons anticiper les inaptitudes et identifier les arrêts de plus de trente jours afin de mieux préparer les reconversions ou aménagements de postes », indique Robert Isabella.

Le Crédit agricole Sud crée un diplôme

Afin de pourvoir des postes de chargés de clientèle, le Crédit agricole Sud-Méditerrannée a créé en 2006 un diplôme universitaire en partenariat avec le Creufop, service de formation continue de l’université de Montpellier II, Cap Emploi Pyrénées-Orientales et l’Agefiph. « Dix demandeurs d’emploi recrutés en contrat de professionnalisation suivent cette formation d’assistant de clientèle de niveau bac + 1, témoigne Christophe Ferré, technicien RH au Crédit agricole Sud-Méditerrannée. Âgés de 28 à 43 ans, la plupart sont en reconversion professionnelle. »

Présélectionnés par Cap Emploi, les candidats ont d’abord décroché leur diplôme d’accès aux études universitaires. La caisse régionale, qui s’est dotée d’une cellule handicap, espère ainsi tirer vers le haut la qualification des travailleurs handicapés et susciter des candidatures spontanées.

Un diagnostic réalisé en 2005 par l’Association départementale pour la réinsertion des handicapés en Pyrénées-Orientales (ADRH) avait mis en exergue l’inadéquation entre les besoins de la banque et les qualifications des chômeurs handicapés. « Sur des postes de base de chargés de clientèle, le Crédit agricole recrute plutôt des jeunes, diplômés de niveau bac + 2 au minimum, analyse Philippe Rolland, directeur de l’ADRH et par ailleurs à la tête de Cap Emploi en Pyrénées-Orientales. Or 78 % de notre public possède une qualification inférieure ou égale au CAP-BEP et 54 % sont âgés de plus de 40 ans. D’où la nécessité de rechercher avant tout des profils commerciaux. »

Auteur

  • S. D.