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Enquête

Retraites, une vraie pomme de discorde

Enquête | publié le : 01.01.2007 |

Augmenter les cotisations, diminuer le rendement du système ? Un équilibre complexe

Nous ne paierons pas deux fois ! Non seulement notre génération va devoir épargner pour ses propres retraites, mais il lui faudrait aussi payer pour les engagements exorbitants pris par le passé. Ce n'est pas possible ! » Alors que Clément Pitton, le jeune président d'Impulsion Concorde, le cercle de réflexion des étudiants créé en 2006 par la Fondation Concorde, ne décolère pas, Jean Catherine, le président de l'Union française des retraités, défend bec et ongles ses adhérents : « Nous tenons à ce que les engagements pris à l'égard des retraités soient respectés et nous n'accepterons pas de mesures rétroactives. » Manifestement, le financement des retraites risque d'enfoncer un coin dans le pacte conclu entre les générations en 1945. « À cette époque, le repas gratuit – autrement dit la pension versée aux retraités sans qu'ils aient cotisé – était justifié du fait de la mise en faillite des systèmes par capitalisation d'avant-guerre. Ces pensions étaient, de plus, d'un faible montant et versées sur une durée très courte », rappelle Didier Blanchet, chef du département des études économiques de l'Insee. Le contexte a radicalement changé. Non seulement la croissance durablement ralentie autour de 2 % ne permet plus de distribuer autant de richesse aux actifs et aux inactifs, mais, surtout, la baisse de la natalité combinée à l'augmentation de l'espérance de vie va fortement dégrader le rapport démographique, avec 1 retraité pour 1,4 actif à l'horizon 2050 contre 3 en 1975. Quant aux réformes de 1993 et de 2003, elles n'ont permis de couvrir que la moitié des besoins de financement nécessaires en 2020 et le tiers de ceux de 2040. Avec un déficit attendu de 2,4 milliards d'euros dès 2006 pour le régime général, la situation financière des systèmes de retraite par répartition paraît enfin encore plus dégradée que prévu à court terme du fait de la ruée sur le dispositif de liquidation anticipée de retraite pour carrières longues qui a déjà séduit pas moins de 335 000 salariés.

Difficile de réduire encore le rendement des retraites par répartition. En raison des réformes de 1993 et de 2003 et des changements d'indexation, il pourrait se traduire par un transfert net négatif pour les jeunes générations.

Un rendement déjà réduit. Dans un tel contexte, « augmenter encore les cotisations des actifs ne paraît pas très réaliste », balaie Philippe Burger, directeur associé du département avantages sociaux du cabinet Towers Perrin. « Cela induirait une augmentation de la dette implicite à l'égard de ces cotisants que les générations suivantes devraient financer », abonde Antoine Bozio, économiste, qui vient de soutenir une thèse consacrée au rendement des retraites à l'École des hautes études en sciences sociales. Diminuer encore le rendement du système par répartition ? En réalité, il a déjà été considérablement réduit du fait des réformes (et notamment sous l'effet de l'indexation sur les prix et du calcul sur les vingt-cinq meilleures années), mais aussi du fait de la montée en charge du système par répartition, au point qu'il pourrait « se traduire par un transfert net négatif pour les générations les plus jeunes », précise Antoine Bozio.

Pour la sociologue Anne-Marie Guillemard, professeur à l'université Paris V, « la principale iniquité du système des retraites provient de l'accumulation des temps d'inactivité indemnisée en fin de carrière », avec une probabilité de sortie d'emploi qui, selon le COR, dépasse les 10 % par an entre 55 et 59 ans. Si bien que, poursuit Anne-Marie Guillemard, la seule façon de faire accepter aux jeunes un système de retraite moins généreux et plus tardif serait de leur donner des gages en leur garantissant le droit à une sécurisation de leur parcours professionnel. Non pas seulement en fin de carrière, mais tout au long de leur cycle de vie ».

7 % c'était le taux de rendement du régime de retraite par répartition pour les cotisants nés en 1900. Contre environ 1 % pour ceux qui partent aujourd'hui à la retraite

Source : thèse d'Antoine Bozio, Réforme des retraites, estimations sur données françaises, décembre 2006.

JEANNE PAVOT, 27 ANS, ÉCONOMISTE
“Il faut répartir les efforts sur le plus grand nombre”

Quand Jeanne Pavot est entrée dans le secteur public en 2002, elle n'y croyait pas : « Une retraite calculée sur la base des six derniers mois de salaire et sur une durée de cotisation de trente-sept ans et demi : c'était un véritable jackpot ! » Depuis, la réforme Fillon alignant les pensions des fonctionnaires sur celles du privé a été adoptée, sans lever tous les doutes de cette jeune économiste. « Je ne suis pas sûre que la réforme ait pris en compte les intérêts de ma génération », souligne-t-elle, en se demandant quelle sera la retraite des jeunes qui commencent leur carrière « avec des trous ». « Cela n'était pas le cas de la génération précédente. Alors, quand cette dernière se plaint qu'on lui a réduit un peu ses droits, il ne faut pas exagérer. » Selon elle, « il vaut mieux que les efforts soient répartis sur le plus grand nombre ». En attendant, Jeanne Pavot s'est déjà renseignée sur le coût du rachat de ses années d'étude s : « Cela me permettrait certes d'engranger des trimestres en plus, mais donner cet argent suppose que je croie encore dans la pérennité du système. » Ne vaut-il pas mieux, dès lors, épargner pour s'acheter un logement : « Après tout, être propriétaire, c'est la première assurance vieillesse, n'est-ce pas ? »

DIDIER DHAL, 61 ANS, RETRAITÉ DE BANQUE
“Je savais que j'aurais une retraite confortable”

J'aurais pu rester… mais on a qu'une vie ! » Ancien apprenti guichetier devenu directeur d'exploitation de la Banque populaire du Sud, Didier Dhal a préféré profiter, en 2004, du dispositif de cessation anticipée maison pour mettre un terme à quarante-six ans d'une carrière bien remplie. Avant de raccrocher les gants à 59 ans, ce retraité, aujourd'hui installé à Perpignan, avait bien sûr fait ses calculs. « Compte tenu de ma carrière, je savais que je partirais avec un niveau de retraite confortable », explique-t-il. Sa pension est ainsi équivalente à 75 % de son ancien salaire, mais à seulement 66 % de son ancienne rémunération globale en y incluant la participation et l'intéressement qui pouvaient représenter plusieurs mois de salaire par an. Cette diminution est toutefois « largement compensée », selon lui, par l'arrivée à échéance de ses remboursements d'emprunt pour l'acquisition de sa maison. Elle lui laisse en tout cas les moyens de partir en voyage trois fois par an, d'aider ses trois filles en tant que de besoin, voire de jouer les promoteurs immobiliers amateurs à ses moments perdus…