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Enquête

Dépenses de santé, un poids inégalement réparti

Enquête | publié le : 01.01.2007 |

Face à une facture de plus en plus lourde, les jeunes seront-ils encore solidaires des retraités ?

En tablant sur un déficit du régime d'assurance maladie de 5,1 milliards d'euros en 2007, le gouvernement a continué de charger la barque des générations futures. Ces dernières ont déjà hérité de 110 milliards d'euros à rembourser d'ici à 2024. Cela signifie, selon le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, que, « pendant vingt ans, les jeunes qui démarrent dans la vie active verront leurs revenus amputés pour financer des consommations médicales passées ». Une pilule difficile à avaler quand on sait que le régime général rembourse en moyenne 870 euros par an aux actifs de moins de 40 ans pour se soigner, soit moitié moins que la moyenne annuelle (1 670 euros) des prestations remboursées, et presque sept fois moins que celles versées aux plus de 80 ans (5 797 euros).

Dans ces conditions, les jeunes voudront-ils et pourront-ils continuer à se montrer solidaires des dépenses de santé… des autres, et en particulier de celles des retraités qui devraient, d'ici à 2050, représenter 30 % de la population ? Pas sûr, estime Philippe Burger, directeur associé chargé du département avantages sociaux de Towers Perrin : « Autant les jeunes célibataires se montrent volontiers solidaires des familles et des actifs les plus âgés, autant les salariés ne souhaitent plus payer pour les dérives des retraités. » Un discours insupportable aux yeux de Jean Catherine, le président de l'Union française des retraités, qui rappelle que « si les retraités ont payé, étant jeunes, des cotisations sans être malades, ils subissent aussi le désengagement de la Sécurité sociale, via le renchérissement du coût de leur complémentaire ».

En moyenne, le régime d'assurance maladie rembourse 870 euros de soins par an aux actifs de moins de 40 ans, contre 1 670 euros pour l'ensemble de la population et près de 5 800 euros pour les plus de 80 ans

La consommation accrue des plus anciens : un rattrapage. Reste que, d'après les études conduites par Brigitte Dormont, professeur en économie de la santé à Paris-Dauphine, « seuls 20 % de la croissance des dépenses de santé de ces dix dernières années proviennent du vieillissement de la population, alors que le progrès technique et les changements de pratiques médicales qui profitent à tous sont à l'origine de 80 % des dépenses ». Quant à la consommation accrue des plus anciens, « il s'agit moins d'un excès que d'un rattrapage, dans la mesure où ils ont souvent pâti, dans le passé, d'un rationnement des soins ». Pour dégager des économies supplémentaires, le système devrait, selon Brigitte Dormont, non pas « réduire les soins prodigués aux plus âgés, mais plutôt adapter le panier de soins remboursés aux exigences du progrès technique… ».

MONTANT MOYEN DES REMBOURSEMENTS DU RÉGIME GÉNÉRAL

Actifs de moins de 40 ans : 870 euros

Assurés de plus de 80 ans : 5 797 euros

Source : Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés.

PHILIPPE BONNEFOUS, 57 ANS, RETRAITE D'AIR FRANCE
“Un abandon de la solidarité au profit d'une logique assurancielle”

C'est dur à entendre ! » Avoir cotisé quarante-deux ans à la mutuelle maison d'Air France pour apprendre, lors de son départ en retraite, qu'un système de garanties différent pour les actifs et les retraités pourrait être institué dès le 1er juillet prochain pour cause de déficit, Philippe Bonnefous ne l'accepte pas ! « C'est un abandon de la solidarité au profit d'une logique assurancielle pure et dure ! » dénonce cet ancien responsable du syndicat CGT d'Air France. Et ce projet lui semble d'autant plus injuste que les actifs seraient exonérés du douzième de leur cotisation du fait des excédents de leur régime, alors que celle des retraités a déjà doublé. « Si bien que mon épouse, qui est fonctionnaire territoriale, commence à regarder s'il existe moins cher ailleurs », se désole cet ancien technicien. Mais le syndicaliste ne s'est toutefois pas résigné : il vient de lancer une pétition qui a déjà obtenu 3 500 signatures en quinze jours pour mobiliser les retraités, mais aussi les jeunes, en faveur d'un « système unique à option pour tous ». Avec un premier point de gagné puisque l'assemblée générale de la mutuelle qui devait avaliser le projet fin novembre a été repoussée au mois de janvier…

JENNIFER PIZZICARA, 23 ANS, RESPONSABLE DE COMMUNICATION
“Il faut arrêter de tout rembourser pour que le système reste viable”

Une mutuelle ? Je ne m'en suis pas encore souciée ! » Depuis son embauche en juillet en tant que responsable de la communication d'une association de lobbying politique, Jennifer Pizzicara n'a pas pris le temps de souscrire une assurance complémentaire santé. Durant ses années d'études, l'adhésion à une mutuelle étudiante a, certes, fait partie de ses formalités d'inscription universitaire. Mais, maintenant qu'elle est entrée dans la vie active et que son employeur ne lui a proposé aucune couverture d'emblée, elle n'a pas encore éprouvé le besoin d'en prendre une à titre individuel : « Si je devais porter des lunettes ou aller chez le dentiste, je réagirais sans doute différemment, mais, pour l'heure, je vais rarement chez le médecin. » Et quand bien même elle devrait consulter, cela ne la dérangerait en aucune façon de payer 30 euros de sa poche… Du moins tant qu'« il y a la Sécurité sociale pour les gros risques », reconnaît-elle. Quant aux mesures de responsabilisation financière des patients prises pour résorber le déficit du régime général, Jennifer Pizzicara y est plutôt favorable : « Il faut arrêter de tout rembourser pour que le système reste viable. »