Au début, mademoiselle Viak se précipite pour signaler à sa hiérarchie les personnes en danger. Cette fratrie vivant dans un appartement investi par les rats, ce nourrisson maltraité, autant de « noyades annoncées ». Au début, elle suffoque d'indignation lorsque son supérieur relativise : « Vous allez vous endurcir. » Et puis l'assistante sociale baisse les bras. Prise en étau entre ce trop-plein de douleurs et l'inertie de la machine administrative, elle se laisse gagner par l'indifférence. Pour se sauver, devenir inspectrice et quitter, enfin, ce terrain si douloureux…

Pendant plus d'une heure, Hélène Cohen sert à merveille le personnage de mademoiselle Viak et des multiples accidentés de la vie qui peuplent son discours. Mais, plus qu'un monologue, Même pas mal ! est construit à trois voix, les notes des musiciens live, Luc Altadill et Arnaud Laurens, venant soutenir, relancer, interpeller la comédienne dans une étonnante mise en scène musicale. Mieux, le texte, très dense, à la fois intime et universel dans la dénonciation de l'indifférence, reste simple d'écoute. Si l'on vous dit, en outre, qu'il s'inspire des ateliers d'écriture organisés auprès de personnes en difficulté par l'auteur, Lise Martin, vous comprendrez que les dernières représentations valent le détour.

Même pas mal ! ou l'Inspecteur La Guerre, de Lise Martin. Jusqu'au 9 décembre au théâtre Lucernaire, Paris 75006.