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La refonte obligée des régimes chapeaux

Dossier | publié le : 01.12.2006 | Valérie Devillechabrolle

En vertu de la loi Fillon, les 80 entreprises ou branches qui disposent d'un régime de retraite chapeau ont jusqu'à fin 2008 pour réformer leur dispositif.

Les entreprises publiques ne sont pas les seules à devoir consolider les régimes de retraite de leurs salariés. Quatre-vingt-dix grandes sociétés privées (ou branches professionnelles) abritant une institution de retraite supplémentaire (IRS), autrement dit un régime paritaire assurant un complément de retraite à leur personnel, sont dans le même cas. Après ceux d'Arkema et d'Arcelor l'an passé, de Shell au printemps, c'est ainsi au tour des partenaires sociaux de Sanofi-Aventis de se pencher, cet automne, sur l'avenir de leur dispositif de retraite chapeau. « L'échéance se rapproche », résume Laurence Gille, responsable des systèmes de rémunération collective et de la protection sociale du chimiste Arkema, qui vient, avec l'aide de son ancienne maison mère Total de consolider son IRS avant son entrée en Bourse au printemps. En vertu de l'article 116 de la loi Fillon, ces institutions sont en effet priées de changer de statut d'ici au 31 décembre 2008 sous peine de dissolution. À charge pour les partenaires sociaux de choisir entre les statuts d'une institution de prévoyance agréée ou ceux d'une institution de gestion de retraite supplémentaire (IGRS), c'est-à-dire un organisme de gestion purement administratif des prestations, moyennant une externalisation de tout ou partie de leurs engagements.

20 milliards d'engagements. Du côté des organisations syndicales, on se félicite de cette transformation : « Cela constitue une sécurité pour les salariés en garantissant leurs droits, même en cas de disparition de l'entreprise », explique Bernard Devy, le Monsieur Retraites de FO. Sous réserve que « les négociateurs d'entreprise s'approprient les enjeux financiers de dispositifs jusque-là plutôt réservés aux initiés », précise Alain Petitjean, de la CFDT. Des enjeux qui ne sont pas minces. Car ces IRS, qui, selon l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, versent 1 milliard d'euros de prestations par an à quelque 400 000 bénéficiaires, ont déjà contraint les entreprises à provisionner plus de 20 milliards d'euros d'engagements dans leurs comptes en vertu des normes comptables IFRS. Mais la loi Fillon va encore plus loin en incitant les groupes à mobiliser les financements nécessaires pour couvrir la totalité de leurs engagements. « Jusque-là, si nous provisionnions bien nos régimes dans les comptes consolidés, nous ne disposions pas d'actifs financiers pour les couvrir. Ayant choisi d'externaliser ces dispositifs, nous avons dû nous doter d'une structure prudentielle plus solide », explique Laurence Gille, d'Arkema. Moyennant « une exonération totale des sommes nécessaires à la couverture de l'ensemble des engagements », précise Renan Muret, de la direction épargne retraite d'entreprise du groupe Axa. Or Arkema est loin d'être un cas isolé. Souvent créés dans les années 50, les IRS ont longtemps fonctionné comme des régimes par répartition. Si une loi d'août 1994 a obligé les entreprises à couvrir les engagements pris à partir de cette date, les droits antérieurs sont souvent restés financés « au fil de l'eau ». À l'instar du groupe Shell qui, en vertu d'un accord unanime conclu en mai 2005, s'apprête à fermer son régime et à le transformer en IGRS.

Externaliser le risque. Pour les entreprises, la note risque d'être salée. En particulier lorsqu'elles choisissent d'externaliser leurs engagements auprès d'un assureur. Le groupe Arcelor vient de débourser la bagatelle de 310 millions d'euros pour faire couvrir par Sogecap, filiale de la Société générale, les droits figés au 31 décembre 2005 de la génération des salariés nés après le 1er janvier 1946. Car, à la différence des normes IFRS qui évaluent les provisions à constituer en fonction de critères de marché, les estimations faites selon les normes en vigueur chez les assureurs sont beaucoup plus prudentes. « Elles prennent en compte l'allongement de la durée de la vie selon les tables de mortalité en vigueur, de même que le cas de réversion au conjoint survivant », explique Serge Babé, directeur retraite du groupe MV4 Parunion. Un risque qu'Arkema a externalisé auprès de CNP Assurances moyennant le paiement d'une prime. « Si la population salariée concernée est massivement masculine, la facture sera inférieure de 3 à 5 % par rapport au coût moyen, alors qu'elle sera majorée de 10 % si les bénéficiaires sont composés majoritairement de femmes », précise Renan Muret, du groupe Axa.

Autre source d'alourdissement de la facture : les taux d'actualisation des sommes versées. Chez Shell, le mode de revalorisation des droits a constitué, selon Jean-Luc Bildstein, délégué CFDT du groupe, « l'un des points durs de la négociation ». Idem chez Arcelor où, au terme d'un bras de fer, les syndicats ont obtenu un taux d'actualisation de 4 %, plus prudent que celui proposé par la direction (5 %). Ces provisions n'exonèrent pas pour autant les entreprises de toute responsabilité. Si l'entreprise a indexé sa garantie de revalorisation sur l'évolution des salaires ou la valeur du point Agirc-Arrco, « ces modes d'indexation ne seront pas repris par les assureurs, prévient Renan Muret. À charge pour elle de négocier un mode d'indexation alternatif, sur l'inflation par exemple, ou de se préparer à verser un complément en cas de maintien de cette garantie ».

Une négociation délicate en perspective pour les organisations syndicales, soucieuses de ne pas entériner le principe d'une baisse d'année en année du complément de retraite versé. Comme c'est le cas de celui perçu par les 105 000 bénéficiaires de l'IRS agricole, gérée par Agrica, dont les droits ont été figés fin 1996. Ce qui peut être très perturbant pour les retraités concernés. La transformation d'une IRS est d'autant plus complexe qu'elle nécessite l'aval des partenaires sociaux. « Les entreprises ont tout intérêt à ne pas attendre 2008 si elles veulent éviter les embouteillages et bénéficier de conditions plus favorables », prévient Philippe Merdy, de la direction épargne retraite d'Axa.

Des appels d'offres très disputés

En tant qu'institutions paritaires, les IRS ont plutôt vocation à se fondre dans une institution de prévoyance, comme le prévoit d'ailleurs la loi Fillon. « C'est la solution que nous préférons car cela nous permet de conserver un mode paritaire de pilotage du régime, confirme Alain Petitjean, de la CFDT. Sauf que les IP n'ont financièrement pas toujours les reins assez solides pour endosser de tels engagements. » D'où l'idée de s'associer avec un assureur pour pouvoir répondre aux appels d'offres, à l'instar du groupe MV4 Parunion qui vient de se porter officiellement candidat à la reprise de l'IRS de Shell qu'il gérait déjà jusqu'à présent du point de vue administratif. De la même façon, les groupes Médéric et Malakoff seraient sur les rangs pour reprendre l'IRS de Sanofi-Aventis, avec l'aide de CNP Assurances, en coassureur du risque financier.

Sur ce marché, les IP doivent affronter la concurrence des banques (BNP, Sogecap, Interépargne, la filiale du groupe Natexis Banques populaires) et, bien sûr, des assureurs (tels qu'Axa ou les AGF). À moins que les entreprises ne décident de conserver en interne la gestion de leurs provisions. À l'instar du groupe Arcelor « qui a créé une structure ad hoc en Hollande destinée aux engagements non externalisés chez Sogecap », explique Dominique Plumion, le délégué CFDT.

Mais cette mise en concurrence s'étend aussi à la gestion administrative de ces IRS. Les IP se retrouvent alors face aux poids lourds de la gestion de l'épargne salariale. À commencer par la plate-forme commune créée, en février dernier, par Axa, BNP Paribas, la Société générale et HSBC pour réduire les coûts de gestion et mutualiser les coûts informatiques, forte de 4 millions de comptes tenus ; ou encore de Fongepar-Interexpansion, le dernier-né, créé un mois plus tard, par CNP Assurances, les Caisses d'épargne et le groupe de protection sociale Ionis, qui compte 1 million de dossiers traités.

Auteur

  • Valérie Devillechabrolle