Au moment où quelques pompiers pyromanes et autres apprentis sorciers célébraient avec gourmandise le « premier anniversaire » de la crise des banlieues sur les ondes ou dans les colonnes des tabloïds – peut-être serait-il temps que notre confrérie (celle des journalistes) s'interroge sur sa part de responsabilité dans le déclenchement des violences urbaines –, les partenaires sociaux bouclaient un projet d'accord au sommet sur la diversité en entreprise. Cela dans une discrétion médiatique un peu assourdissante, la plupart des journaux se contentant d'un traitement a minima ou choisissant de passer l'événement sous silence.

C'est pourtant bien sur ce terrain, celui de l'emploi, de l'ouverture de l'entreprise aux jeunes d'origine africaine et maghrébine, que se joue l'apaisement dans les banlieues, certainement plus que sur celui d'une politique sécuritaire qui ne résout rien sur le fond. Conformisme ou préjugés aidant, nos entreprises hexagonales ont en effet pris – en matière de diversité de leur main-d'œuvre – un retard abyssal par rapport à leurs homologues britanniques ou du nord de l'Europe. Il est ainsi particulièrement choquant de voir des jeunes diplômés français issus de l'immigration contraints de s'expatrier à Londres ou à Stockholm pour trouver des employeurs plus accueillants.

Mais, depuis deux ans, ainsi qu'en témoigne ce projet d'accord dont il faut espérer qu'il fasse le plein des signatures syndicales, les choses sont peut-être en train de changer dans notre pays. Les résultats accablants des testings à l'embauche effectués par l'Observatoire des discriminations de Paris I et la révolte des jeunes des banlieues ont servi de révélateurs.

Le principe de réalité – comment développer une économie prospère dans un environnement instable et violent ? – semble s'imposer. Et ce n'est sans doute pas un hasard si l'impulsion n'est pas venue des forces « progressistes » (les partis de gauche et les syndicats, paradoxalement très silencieux sur cette question) mais d'un grand patron libéral, Claude Bébéar, à l'origine de la Charte de la diversité, signée par plus de 1 800 entreprises, et de la présidente du Medef, Laurence Parisot, à l'initiative de la négociation entre les partenaires sociaux.

Beaucoup de commentateurs critiquent le caractère insuffisamment contraignant du projet d'accord. À tort. La solution n'est pas là – l'arsenal juridique et répressif s'est singulièrement étoffé au cours de ces dernières années, notamment avec la création de la Halde – mais dans l'implication personnelle des dirigeants d'entreprise et dans le pouvoir d'aiguillon de leurs interlocuteurs syndicaux. Les organisations syndicales, qui ont à se faire pardonner un sacré retard à l'allumage sur la question de la diversité, ont un rôle majeur à jouer sur le terrain pour que le soufflé ne retombe pas.