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Vie des entreprises

La vieille fac de Paris I coiffe Dauphine en matière de GRH

Vie des entreprises | Match | publié le : 01.10.2006 | Cédric Morin

Très tournée vers le monde de l'entreprise, riche en ressources propres, l'université de Dauphine est imbattable sur l'insertion professionnelle de ses étudiants. Ce n'est pas le point fort de Panthéon-Sorbonne qui, en revanche, a une longueur d'avance sur la gestion de ses personnels.

A Paris I comme à Paris IX, la crise du CPE semble bien loin. Six mois après la révolte étudiante qui avait provoqué la fermeture de Paris I (le site de Tolbiac) et laissé indifférente l'institution de la porte Dauphine, les deux universités se préparent à une rentrée chargée. Motif, la montée en régime de la réforme dite LMD – le redécoupage des études autour des trois diplômes licence, master et doctorat – et de la Lolf, la loi organique relative aux lois de finances, qui constitue une vraie révolution pour les établissements d'enseignement supérieur. « Ces deux chantiers, entamés à la rentrée 2005, sont menés dans un contexte de rigueur budgétaire qui les rend particulièrement complexes », souligne Pierre-Yves Hénin, le président de Paris I Panthéon-Sorbonne. Mais si les deux universités présentent des campus vieillissants et surpeuplés – 43 000 étudiants et 1 900 enseignants pour Paris I, 8 800 étudiants et 1 180 enseignants à Dauphine –, elles ne disposent pas des mêmes marges de manœuvre financière.

Forte d'une réputation d'université d'élite, Dauphine tire les trois quarts de son budget de fonctionnement (29 millions d'euros sur 38 millions) de ressources propres : collecte des taxes professionnelle et d'apprentissage, formation continue, organisation de colloques et séminaires… En 2007, l'université lancera sa fondation, qui regroupera une dizaine d'entreprises, dont Axa, et qui financera cinq chaires d'enseignement. « Nous anticipons l'autonomie financière des universités, qui sera inéluctable », explique Gérard Broussois, le secrétaire général de Dauphine. Pour Panthéon-Sorbonne, en revanche, dont 70 % des crédits (sur un budget total de 152 millions d'euros) proviennent de dotations publiques, l'autonomie financière serait une sacrée gageure. Comme d'ailleurs pour la majorité des universités françaises, peu préparées à lever des fonds.

Épousant une vraie logique libérale, Dauphine souhaite passer à la vitesse supérieure : « Nous bénéficions depuis deux ans du statut de grand établissement, qui nous permet principalement de sélectionner à l'entrée nos étudiants. Nous voudrions maintenant augmenter nos frais d'inscription », explique Bernard de Montmorillon, le président de Dauphine. Une vieille pomme de discorde entre syndicats et direction. « Nous voulons rester sur les bases universitaires pour le calcul des droits d'entrée, souligne ainsi Alain Cazade, professeur d'université, membre du conseil d'administration de Dauphine et adhérent au Snesup, le syndicat majoritaire dans l'enseignement supérieur. C'est le système le plus démocratique. Et ce n'est pas aux étudiants de répondre à nos besoins financiers. »

À mille lieues de ce type de débat, l'urgence pour les syndicats de Paris I est de sortir d'une logique de sélection par l'échec. « Nous devons absolument réduire le taux de sorties sans diplôme. En Deug, le taux d'échecs concerne 40 % des titulaires d'un bac technique », relève Marie Cottrell, membre du bureau national du Snesup et responsable du master pro des techniques d'information et de décision des entreprises. Faute de moyens, Paris I dispose de peu d'informations précises sur l'insertion professionnelle de ses étudiants. Et mettre en œuvre des initiatives simples, comme un atelier CV, suppose d'aller puiser dans ses précieux fonds propres.

Les réseaux d'anciens élèves, hormis quelques filières comme le DESS de transport international, qui compte 1 000 adhérents, sont moins efficaces que ceux de Dauphine. Et la « mission université entreprise », chargée d'établir des liens avec le secteur privé, peine à attirer les grands groupes dans son forum. Quelques cursus, en master, prévoient un stage en entreprise, des modules sur la recherche d'emploi et des interventions sur les stratégies d'insertion professionnelle d'anciens élèves, comme en économie. Mais la majorité des étudiants ne peuvent compter que sur le service d'orientation et d'information – qui accueille 7 000 d'entre eux par an – pour les initier aux techniques de recherche d'emploi. « Nous restons dans des logiques d'aide individuelle, car la majorité des enseignants considèrent, comme en droit, que la matière est professionnalisante par elle-même », explique la responsable du service, Michèle Paulin.

À Dauphine, en revanche, l'insertion professionnelle des étudiants est un sujet prioritaire. Les forums de l'université sont courus par les plus grandes entreprises. Et ses réseaux d'anciens élèves, organisés par secteurs d'activité, sont performants. L'une des vraies richesses de Dauphine est, sans nul doute, la présence sur le campus de 830 vacataires appartenant pour une très large part à de grandes entreprises. Ces derniers jouent un grand rôle, à la fois pour le placement des étudiants et pour la collecte de la taxe d'apprentissage. Paris I compte pour sa part un millier de vacataires, mais pour cinq fois plus d'étudiants ! Et, à Dauphine, la majorité des étudiants découvre l'entreprise au cours d'un stage de deux mois en licence et de cinq mois en master.

Résultat, « en sortant de chez nous, il faut trois à six mois pour trouver un poste et 70 % des stages effectués en cinquième année débouchent sur une embauche », explique Bénédicte Granger, directrice du service d'orientation et d'information professionnelles de Dauphine. Une structure qui sert d'intermédiaire entre les étudiants et les entreprises, notamment via une banque de CV en ligne, et qui propose des accompagnements individualisés et des ateliers de simulation d'entretien.

Mais si Panthéon-Sorbonne peine à rivaliser avec Dauphine sur le placement de ses étudiants, elle possède une bonne longueur d'avance en matière de gestion des ressources humaines. Depuis dix-huit mois, un véritable service RH s'occupe à la fois du personnel administratif et des enseignants – hormis pour le recrutement et l'évolution de carrière de ces derniers, où la cooptation reste dominante. À Dauphine, la gestion administrative des deux catégories de personnel est assurée par des bureaux distincts. La création d'un poste de DRH se heurte aux réticences du corps enseignant. Et les services de la présidence conservent la haute main sur l'ensemble du fonctionnement de l'université, ressources humaines comprises.

À Paris I, Clarisse David, la DRH, a mis en place en 2005, pour les personnels administratifs, des entretiens individuels afin d'établir des fiches de poste et d'élaborer une cartographie des compétences. L'évaluation des performances, en revanche, a fait l'objet d'un boycott de la part des syndicats, attachés à l'égalité de traitement dans la fonction publique. Elle devrait être néanmoins mise en place cette année. « Dorénavant, nous pouvons gérer des métiers et non plus seulement des carrières. La mise en place de la GPEC, et la rationalisation qu'elle induit, s'inscrit complètement dans les objectifs de la Lolf », note Clarisse David.

Cette année, Paris I mettra également en place une base de données RH précisant les compétences de chaque agent et celles requises pour son poste. En faisant le relais entre les différents départements et le service RH, cet outil informatique devrait permettre de préparer des plans de succession, alors que 40 % des agents s'apprêtent à partir à la retraite d'ici à cinq ans. Autre chantier en cours, l'élaboration d'un premier bilan social afin de disposer, en 2007, des tableaux de bord nécessaires au déploiement de la GPEC.

À Dauphine, la publication d'un bilan social n'est pas encore à l'ordre du jour. Le fleuron des facs de gestion est paradoxalement avare de chiffres en la matière. Pour 2007, l'urgence est d'abord d'informatiser les inscriptions des étudiants. Mais, dès cette année, l'évaluation des performances sera intégrée aux entretiens annuels de mission menés par le supérieur hiérarchique. En trois ans, le service du personnel a établi une cartographie des compétences. « Nous avons réalisé 300 fiches de postes qui permettront d'organiser la mobilité des personnels. Les entretiens ont été menés par 14 cadres A issus des différents services et formés par mes soins. Pour faire vraiment de la GRH, il faudrait des moyens que nous n'avons pas. Nous avançons donc par étapes », explique Jean-Marc Campinchi, le directeur du personnel de Dauphine.

L'harmonisation des salaires entre les ingénieurs et techniciens de recherche et de formation (ITRF) et les attachés d'administration scolaire et universitaire (AASU), les deux grandes familles de personnel non enseignant, est une autre réforme engagée dans les deux établissements. Pour des raisons statutaires, l'écart des revenus est actuellement de 20 % entre ces deux catégories – 1 620 euros brut mensuels à l'embauche pour un ITRF, contre 1 140 euros pour un AASU –, les deux universités lissant en quasi-totalité cette différence sur leurs fonds propres. Du coup, les syndicats réclament un statut unique « car le régime indemnitaire et des carrières est favorable aux ITRF », explique Marie-Madeleine Grimault, responsable du service pédagogique, élue à la commission paritaire de Panthéon-Sorbonne sur une liste CGT, CFDT et FSU.

Autre sujet de mécontentement pour les syndicats des deux universités, les CDD à répétition des enseignants contractuels, financés sur les budgets d'heures complémentaires. « À Paris I, ils représentent l'équivalent de 300 temps pleins. Mais les postes indispensables doivent être pérennisés par le ministère », souligne Marie Cottrell. Reste que le mode de gestion paritaire facilite le dialogue social dans les deux universités. En témoigne la signature sans heurt d'accords 35 heures. Directions et représentants du personnel sont d'accord sur plusieurs revendications : l'université doit bénéficier de plus d'autonomie, mais pas sur le plan financier, et de plus de moyens… financiers.

Paris I Panthéon-Sorbonne

Budget : 152 millions d'euros

Étudiants : 43 000

Enseignants : 1 900 (dont 900 fonctionnaires)

Paris IX Dauphine

Budget 38 millions d'euros

Étudiants 8 800

Enseignants : 1 180 (dont 350 fonctionnaires)

Des profs aux statuts variés

A la fac, l'égalité n'est pas de mise entre les enseignants-chercheurs, qui dépendent du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, et ceux détachés de l'Éducation nationale. « En pratique, seul un professeur d'université peut devenir président, un maître de conférences être nommé directeur d'UFR. Rien de tel pour les enseignants venus du second degré, dont l'horizon se limite à l'enseignement dans les travaux dirigés », explique un cadre de l'université. Sur le plan salarial, un enseignant de l'Éducation nationale débute à 1 911 euros brut mensuels. Un maître de conférences démarre à 2 027 euros, un professeur des universités à 2 940 euros, et ils peuvent obtenir l'équivalent d'un treizième mois grâce à une prime (de recherche ou d'aide pédagogique…), contre un maximum de 1 500 euros pour un agrégé détaché du secondaire. Ce dernier doit, pourtant, assurer deux fois plus d'heures de cours que ses collègues, soit trois cent quatre-vingt-quatre heures par an. L'agrégé est évalué par son directeur d'UFR, tandis que les autres enseignants sont évalués en fonction de leurs publications. Pour leurs travaux, ces derniers peuvent obtenir des congés de six mois à un an financés par l'université ; les agrégés pouvant décrocher un allégement de charge s'ils souhaitent passer une thèse. Néanmoins, les budgets n'étant pas extensibles, ces profs sont moins bien traités en termes d'évolution de carrière.

Dauphine veut s'agrandir

A côté de Dauphine, l'université de Panthéon-Sorbonne fait figure de monstre, avec ses presque 2 000 enseignants (près de la moitié titulaires), ses 43 000 étudiants répartis dans 23 établissements et 14 départements. Au total, près de 260 masters sont dispensés à Paris I, dans toutes les familles des sciences humaines, langues, droit, économie et gestion. Paris IX ne compte, pour sa part, que 8 800 étudiants, 350 enseignants fonctionnaires, plus de 800 vacataires, répartis dans trois départements multidisciplinaires, licence, master et celui d'informatique et mathématiques, qui ont succédé aux 6 UFR, avec la réforme LMD – et Dauphine a été tentée, à cette occasion, de se recentrer sur un unique diplôme en troisième cycle à la manière des grandes écoles de commerce. Presque toutes les classes comportent 40 étudiants, ce qui pose un problème de place. La faculté d'économie et de gestion de la périphérie ouest de Paris envisage d'ailleurs de louer des locaux au pôle Léonard-de-Vinci, à Nanterre, pour s'agrandir et être au plus près des sièges sociaux de la Défense. Elle fonctionne avec 350 administratifs, dont une centaine de contractuels financés sur ses fonds propres.

Auteur

  • Cédric Morin