logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Dossier

L'informatique décisionnelle décolle

Dossier | publié le : 01.10.2006 | Agnès Chardavoine

Justifier leurs actions, proposer des scénarios, conseiller les managers : soumis à une pression grandissante, les DRH s'intéressent de plus en plus aux outils de pilotage.

PSA Peugeot Citroën, la RATP, Monoprix, la Caisse des dépôts, le groupe Bel, Cointreau, les laboratoires BioMérieux, la Fnac… la liste des entreprises qui ont récemment investi dans des outils d'aide à la décision RH est impressionnante. « En quatre ans, observe Pascale Rouzic, consultante chez Oresys, une société de conseil spécialisée dans la conduite de projets, la part des projets décisionnels concernant les ressources humaines est passée d'à peine 1 % à plus de 10 %. » Responsable de l'offre applicative chez Cognos, un éditeur spécialisé, Olivier Métier constate lui aussi que, « avec quelques années de retard sur leurs homologues anglo-saxonnes, les entreprises françaises commencent à s'intéresser aux outils décisionnels appliqués aux ressources humaines. Depuis un an, nous recevons très régulièrement des cahiers des charges pour des projets dans ce domaine ».

Principale raison à cet engouement : au cours des dernières années, la multiplication des fusions et des restructurations en tout genre, l'évolution accélérée des métiers, l'accroissement de la concurrence mondiale ou encore les retournements fréquents et brutaux de la conjoncture ont rendu la fonction ressources humaines de plus en plus stratégique. Le DRH s'est ainsi peu à peu transformé en business partner associé à la stratégie d'entreprise et contraint de sacrifier au dogme de la création de valeur. « Cette tendance s'accélère avec l'arrivée d'une nouvelle génération de DRH formée à la gestion financière, confie Pascale Rouzic : alors que, il y a quatre ans, moins d'un tiers des DRH faisaient partie des comités de direction, ils sont aujourd'hui près de la moitié. » Parallèlement, un mouvement de décentralisation de certaines tâches du domaine des RH s'est opéré vers les managers, qui pilotent eux-mêmes leurs équipes. « Difficile pour le DRH de faire face à tous ces nouveaux enjeux sans disposer d'outils ad hoc, observe Pascale Rouzic. Ce dont les entreprises et les responsables RH sont de plus en plus conscients ! »

L'informatique décisionnelle, ou Business Intelligence (BI), s'est donc mise à la disposition des professionnels des ressources humaines. Sa fonction essentielle est de croiser et de consolider les informations disponibles au sein des différentes bases de données de l'entreprise pour en tirer des tableaux de bord et rapports de suivi à la fois analytiques et prospectifs qui vont faciliter la prise de décisions. « En croisant différentes données, l'un de nos clients a pu faire chuter son taux d'absence aux formations de 10 % à 2 %, indique Olivier Lacôte, consultant chez Oresys : les absences se concentraient les vendredis et samedis, jours où les vendeurs réalisent le plus gros de leur chiffre. Pour améliorer l'efficacité de la politique de formation, il suffisait donc de ne plus programmer de sessions ces jours-là. »

Autre exemple, « en suivant le taux d'absentéisme non pas par service et par mois, mais par individu et par jour, un autre client a mis en évidence un phénomène de microabsentéisme de salariés systématiquement absents les vendredis et/ou les lundis, raconte Pascale Rouzic. Il a aussitôt réagi et gagné plusieurs points de productivité ». Les champs d'application de l'informatique décisionnelle sont infinis : « Une entreprise qui employait des étudiants en CDD avec des durées de travail hebdomadaire et des plages horaires différentes voulait savoir quel type de contrat elle avait intérêt à privilégier, explique Olivier Lacôte. Il lui a suffi de suivre le chiffre d'affaires horaire des vendeurs en fonction du type de contrat en croisant des données issues du système des ventes (chiffre d'affaires par vendeur) avec des données provenant du système RH, comme le type de contrat. » Autrement dit, l'informatique décisionnelle contribue à renforcer l'efficacité des processus RH, du recrutement à la gestion des compétences en passant par la mobilité, la formation ou encore la politique salariale.

Mais l'informatique décisionnelle permet également de plus en plus à la DRH de venir épauler les managers, notamment pour préparer les entretiens d'évaluation et les négociations annuelles. « Récemment, le groupe PSA Peugeot Citroën a fait sensation en ouvrant largement l'accès à ses données RH, souligne Claire-Marie de Vulliod-Prévost, analyste spécialisée en ressources humaines au CXP, un cabinet d'études spécialisé dans les progiciels : désormais, les 2 500 gestionnaires RH, mais aussi l'ensemble de ses managers accèdent en libre-service, sur l'intranet ou via le Web, à certains indicateurs de pilotage RH et aux données opérationnelles concernant les 200 000 collaborateurs du groupe. »

L'imprimerie Jouve a, elle aussi, fait le choix de la transparence : cette PME de 1 200 personnes spécialisée dans le traitement de l'information a accordé des droits d'accès à ses tableaux de bord RH à l'ensemble de ses salariés ayant une responsabilité managériale et budgétaire, soit quelque 70 personnes au total. « Notre système a été mis en place en même temps que les entretiens d'évaluation, explique Maryse Simon, responsable du développement RH de la société Jouve. Il fournit à nos managers des informations précieuses pour évaluer notre position par rapport au marché (par région, par métier, par rapport au ratio fixe/variable…) et pour estimer nos marges de manœuvre salariales en fonction de la performance de l'entreprise, d'un service et même d'un individu concerné à partir des écarts observés par rapport au marché. Ce qui a permis d'optimiser notre politique des rémunérations, notamment à travers la généralisation de la part variable. »

Qu'il s'agisse d'un dispositif de pilotage global ou circonscrit à un seul domaine de la GRH, comme les salaires, d'un système se limitant à la fonction reporting ou permettant des simulations, réservé à une poignée de décideurs ou largement ouvert aux managers de terrain, initié par le DRH ou le responsable financier… les entreprises investissent dans des outils d'aide à la décision. « Reste qu'aujourd'hui 80 % des projets d'informatique décisionnelle concernant les ressources humaines se contentent de fonctions de reporting amélioré, reconnaît Olivier Lacôte. Pour des raisons de maturité des acteurs et de complexité des indicateurs à mettre en place plus que de coût, puisque l'infrastructure informatique existe déjà. » En outre, il est difficile de calculer le retour sur investissement d'un projet de business intelligence dans le domaine des RH. Du coup, c'est la volonté de la direction générale ou du DRH de disposer d'informations plus fines pour piloter l'activité qui va décider du déclenchement d'un projet dans les ressources humaines.

Les quatre outils de base

1 L'indicateur : c'est par définition l'élément de base sur lequel s'appuient les outils décisionnels. Il peut être propre à un métier ou croisé (construit à partir de données issues de bases métiers différentes). L'une des difficultés d'un projet décisionnel réside dans l'identification des bons indicateurs et dans la limitation de leur nombre pour ne pas se disperser.

2 Le tableau de bord : il permet de mieux piloter son activité à moyen et à long terme en effectuant un suivi dans le temps. De type Balanced Scorecard, il est articulé autour de quatre axes d'approche complémentaires (approches financière, clients, RH et amélioration des process internes) qui fournissent une vue à 360 degrés de l'activité et s'appuie sur une série d'indicateurs pertinents pour le métier et selon chaque axe. Il est rafraîchi périodiquement (en général une fois par mois). Exemple : suivi du chiffre d'affaires vendeur en fonction des formations effectuées.

3 Le cockpit : il permet de mieux piloter son activité au quotidien grâce à un système d'alerte. Il se présente sous la forme d'un écran ressemblant au tableau de bord d'un avion, avec des représentations très graphiques (compteurs, jauges, etc.). Les indicateurs qui le composent sont actualisés très fréquemment (en général chaque jour). Y figure par exemple une mesure du turnover.

4 Le rapport ou état d'analyse : c'est un support qui permet d'affiner la compréhension d'un phénomène en fournissant des informations exhaustives allant du général au détaillé (par des fonctions dites de drill down). Il existe trois types de rapports (qui nécessitent l'utilisation d'outils informatiques différents) : le rapport classique, qui est prédéfini ; le rapport d'analyse dynamique, dit Olap, qui permet de combiner plusieurs axes d'analyse (exemple : taux d'absentéisme par région, métier, sexe et âge), également prédéfini ; enfin, le rapport spécifique réalisé à la carte.

Auteur

  • Agnès Chardavoine