Année pré-électorale oblige, on n'a pas fini de se disputer sur les chiffres du chômage : baisse réelle ou artificielle, impact des radiations, des contrats aidés, etc. David Revelin pose la question qui fâche : « Peut-on faire confiance aux statistiques sociales ? » Il note que les critiques adressées aux statistiques portent moins sur des questions d'ordre technique que sur leur caractère forcément « construit » et souligne que l'écart entre les inscrits à l'ANPE et le chiffre du BIT ne cesse de s'accroître : de 400 000 personnes en 1991 à 1,4 million dix ans plus tard. L'article pointe aussi la sous-estimation massive des conflits du travail, l'imprécision de la mesure des salaires ou de la pauvreté et la fabrication très administrative des comptes sociaux.
Le titre choisi par Jacques Mistral et Bernard Salzmann pour leur étude du modèle social américain – « La préférence américaine pour l'inégalité » – affiche la couleur. Les deux économistes montrent que la croissance des États-Unis depuis un quart de siècle n'a guère profité aux petits revenus, le surcroît de richesse ayant été intégralement distribué aux plus riches. Ils soulignent le caractère dual du marché du travail qui condamne une forte minorité, voisine de 15 %, de la population active à la précarité et à la pauvreté. Or, dans le même temps, la mobilité sociale ne cesse de décroître : jamais la sélection par l'argent n'a été aussi forte dans le système éducatif. Jacques Mistral et Bernard Salzmann s'étonnent de l'absence de réaction des politiques et du corps social face à ce phénomène.
Une certaine conception de l'État est en crise, quelles conséquences en tirer pour ceux qui ont choisi de le servir, s'interroge la revue. Statistiquement, rien ne confirme un déclin de l'attractivité de la haute fonction publique. Un autre article la diversité de la fonction publique territoriale (8 filières, 59 cadres d'emploi, 280 métiers…) et plus encore sa souplesse. Bernard Pêcheur s'attache à démontrer que, depuis quinze ans, l'administration n'a pas été la « belle endormie » que se complaisent à décrire certains, mais Jacky Richard juge toutefois nécessaire d'accélérer le changement.
Face aux restructurations et aux délocalisations, le syndicalisme se sent démuni. La CFDT juge qu'il s'agit pourtant d'un enjeu déterminant pour l'emploi dans le pays. La revue confédérale tente donc de fixer des cadres guidant la réflexion et l'action : défense de l'industrie européenne, promotion du développement durable, approche territorialisée des politiques industrielles. En résonance avec les thèmes de ce dossier, Thierry Dedieu évalue les chances de voir émerger une norme internationale de la responsabilité sociale des entreprises.
