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Les coopérations se mettent en place

Dossier | publié le : 01.06.2006 | S. D.

Prise en charge, placement, suivi : pour améliorer ses performances, le service de l'emploi renforce ses coopérations, mais Unedic et ANPE restent indépendantes.

Il était temps. Après plus d'un an de tergiversations, les partenaires sociaux gestionnaires de l'Unedic ont adopté (à l'exception de la CGT), le 21 mars dernier, la convention tripartite État-ANPE-Unedic visant à coordonner les actions du service public de l'emploi. Le texte, signé par les trois parties le 5 mai, s'inscrit dans le cadre de la loi de cohésion sociale de janvier 2005 qui a invité tous les acteurs de l'emploi (État, ANPE, Unedic, Afpa, missions locales, collectivités locales, etc.) à travailler ensemble. Souvent évoquée, maintes fois écartée, la fusion de l'ANPE avec l'organisme paritaire qui gère l'assurance chômage se limitera à un rapprochement informatique et immobilier. Mais pour les uns, viscéralement attachés à leur mission de service public, et les autres, craignant d'être « nationalisés », c'est déjà beaucoup. En préambule de la convention, Force ouvrière insiste d'ailleurs sur la nécessité pour chaque institution de « préserver son indépendance et son statut propre ».

D'ici à la fin 2006, un groupement d'intérêt économique réunira 1 300 informaticiens de l'Unedic et 500 de l'ANPE chargés de mettre en place un service informatique commun qui devrait être opérationnel en juillet 2008. L'ouverture d'au moins un guichet unique par région d'ici à la fin de l'année marquera le rapprochement physique des deux institutions. Un pied de nez à la Cour des comptes qui, dans un rapport rendu public le 23 mars, dénonçait une absence criante de coordination. « 800 agences locales pour l'emploi et près de 700 antennes Assedic coexistent sans une seule implantation commune », pointaient les sages de la Rue Cambon. « Soit les deux institutions seront réunies sur un même site, soit des agents de l'ANPE seront détachés dans des antennes Assedic ou vice-versa », précise Jean-Marie Marx, délégué général adjoint chargé du développement, du marketing et de l'international à l'ANPE.

Quelques expérimentations réussies convaincront peut-être les esprits récalcitrants. À Morteaux, depuis le début de l'année, neuf antennes ANPE et Assedic ont été regroupées sur un même site pour faciliter les démarches des 2 700 demandeurs d'emploi disséminés sur un territoire montagneux. « Dorénavant, les demandeurs d'emploi, sitôt inscrits à l'Assedic, sont orientés dans la même journée vers l'ANPE », explique Laurence Ingargiola, responsable de la communication à l'Assedic de Franche-Comté-Bourgogne, qui devrait inaugurer huit guichets uniques d'ici à la fin de l'année. « 12 Assedic sur 22 accueillent actuellement des agents de l'ANPE et 5 réfléchissent à l'aménagement d'un site commun », ajoute Annie Thomas, secrétaire nationale de la CFDT, qui a succédé à Denis Gautier-Sauvagnac (Medef) à la présidence de l'Unedic en vertu du principe d'alternance entre patronat et syndicats. « Lorsque j'ai entamé mon mandat l'année dernière, j'ai été frappée de voir que la main gauche et la main droite s'ignoraient et que les deux institutions se concurrençaient parfois. Le rapprochement opérationnel, tout en respectant les missions de chacune, contribue à fluidifier le marché de l'emploi. » Les maisons de l'emploi, censées renforcer les liens entre les différents acteurs, participent de la même logique. « Mais, jusqu'à présent, elles constituent plus une couche supplémentaire au mille-feuille, je n'en ai pas encore compris l'intérêt », estime Jean-Claude Quentin, secrétaire confédéral FO chargé de l'assurance chômage. Les partenaires sociaux gestionnaires de l'assurance chômage font ainsi le pari de raccourcir les délais de prise en charge jugés excessivement longs par la Cour des comptes. Ainsi, il peut s'écouler jusqu'à deux mois entre l'inscription d'un cadre à l'Assedic, son premier entretien professionnel à l'ANPE et son arrivée à l'Apec, chargé du retour à l'emploi de 35 000 à 36 000 chômeurs. Un retard à l'allumage qui allonge d'autant la durée d'indemnisation. À compter du mois de juillet, la nouvelle convention fixe cette latence à huit jours et à cinq à partir de juillet 2007.

Pour rentrer dans les clous, les Assedic pourront orienter directement certains publics (cadres, handicapés, jeunes sans qualification) vers des cotraitants, sans passer par la case ANPE, pour l'instant incontournable. Une expérimentation déjà menée pendant dix-huit mois en Poitou-Charentes-Limousin avec 1 500 cadres envoyés directement à trois centres Apec par les antennes Assedic. « Nous avons pu réduire le temps de prise en charge entre l'inscription à l'Assedic et l'Apec de soixante-quinze à dix jours en Poitou-Charentes et de cent huit à huit jours en Limousin, commente Jacky Chatelain, directeur général de l'Apec. Le taux de retour à l'emploi a explosé : à trois mois, il est passé de 10 à 30 %, et à six mois de 40 à 45 %. » Mais l'ANPE, craignant une perte d'équité de traitement entre les chômeurs, reste réfractaire à la généralisation de ces pratiques.

Afin de renforcer le contrôle et le suivi des chômeurs, les partenaires sociaux ont aussi prévu de mettre en place un entretien mensuel (un tous les six mois actuellement) au bout du quatrième mois d'indemnisation. Pour accompagner la montée en puissance d'un dispositif qui concerne actuellement 340 000 demandeurs d'emploi, l'ANPE recrute 4 200 agents. En année pleine, plus de 2 millions d'entretiens d'actualisation approfondis seront réalisés, d'après les projections de l'Unedic, qui prévoit d'y allouer une enveloppe forfaitaire annuelle de 530,5 millions d'euros. Une charge de travail supplémentaire pour les agents de l'ANPE qui se plaignent déjà de faire du chiffre, en suivant, si l'on en croit Force ouvrière, « entre 120 et 140 demandeurs d'emploi chacun ». « Autant nous sommes favorables à un suivi personnalisé, autant la généralisation de l'entretien mensuel est complètement absurde, commente Régis Dauxois, secrétaire général adjoint de FO ANPE. Elle va seulement contribuer à mettre la pression sur le demandeur d'emploi et à exacerber les tensions des deux côtés du guichet. » Philippe Sabater, membre du bureau national du SNU ANPE, fait le même constat et promet une réaction des agents. « Au plus fort du dispositif, ils devront suivre 150 à 200 chômeurs. À force, certains chômeurs non indemnisés vont en avoir ras-le-bol de se déplacer pour des entretiens de dix à vingt minutes. Ils finiront par ne plus venir et seront radiés, ce qui contribuera à faire baisser artificiellement le taux de chômage. »

Outre un suivi plus individualisé, les demandeurs d'emploi les plus exposés au risque de chômage de longue durée, mais aussi les créateurs ou repreneurs d'entreprise potentiels et les saisonniers pourront bénéficier d'un accompagnement renforcé pour accélérer leur retour à l'emploi. Environ 291 690 demandeurs d'emploi pourraient être visés dans le cadre de ce parcours. L'Assedic pourra notamment leur proposer les services d'un prestataire privé sélectionné en fonction d'un cahier des charges précisant la qualité de l'offre d'accompagnement et de suivi dans l'emploi, l'expérience de l'opérateur et ses conditions tarifaires. Les Assedic envisagent d'étendre à 60 000 demandeurs d'emploi par an les expérimentations déjà conduites avec quatre prestataires privés (Ingeus, Altedia, BPI et Adecco) et l'Apec (voir page 76). Si la nature de l'accompagnement reste presque inchangée, l'Unedic envisage également de revoir la facturation pour récompenser la qualité de l'emploi retrouvé (CDD d'au moins six mois et de cent dix heures mensuelles) et surtout accélérer la reprise de travail, avec un paiement plus avantageux en cas de reclassement dans les trois premiers mois. « L'objectif est de faire pression sur le prestataire pour un retour rapide vers l'emploi », dénonce Jacqueline Doneddu, mandataire CGT au bureau de l'Unedic.

Surtout, l'Unedic, qui accuse un déficit de 13 milliards d'euros, n'a toujours pas apporté la preuve de l'efficacité économique de ces expérimentations. Les premiers résultats démontrent un taux d'adhésion aux dispositifs relativement faible. Seuls 32 % des demandeurs d'emploi, soit 7 013 sur un total de 21 803 éligibles, ont accepté les services des opérateurs. Fin janvier 2006, le taux d'accès à l'emploi atteignait 30,6 % trois mois après l'entrée dans le dispositif et 53,7 % six mois après. Plus précisément, dans le cadre d'Étap'Carrière, mené en partenariat avec l'ANPE, l'Apec a enregistré un taux de refus de 61,1 % sur plus d'un millier d'allocataires éligibles. Lancée en mai dernier en Alsace et dans l'Ouest francilien, l'opération a finalement concerné 425 cadres de plus de 45 ans. « Nos agents ont pu se concentrer sur l'accompagnement renforcé de 40 chômeurs, au lieu de 250 en temps normal », commente Jacky Chatelain. La prestation, évaluée à 3 200 euros par demandeur d'emploi et financée en grande partie par l'Unedic, porte ses fruits, surtout à moyen terme. Le taux d'accès à l'emploi dépasse 76 % dix mois après, mais reste dans la moyenne les trois et six premiers mois, respectivement à 24,3 % et 47,9 %.

« L'objectif de la prochaine convention signée avec l'ANPE est de généraliser l'opération en ramenant le coût à 1 300 euros par bénéficiaire et d'atteindre un taux de retour à l'emploi de 60 % dans les six mois », précise Jacky Chatelain. Dix mille cadres sont potentiellement concernés. Et, pour coordonner l'intervention des différents prestataires, Assedic, ANPE, missions locales ou agences d'intérim, etc., la nouvelle convention tripartite prévoit la mise en place du dossier unique du demandeur d'emploi (Dude), inscrit dans la loi de cohésion sociale et déjà expérimenté à Nancy. « Même les demandeurs d'emploi pourront y avoir accès via Internet », ajoute Annie Thomas. Mais, pour Jacqueline Doneddu, « ce dossier unique risque de contribuer à renforcer le contrôle des chômeurs et les sanctions à seule fin de faire baisser artificiellement le taux de chômage ».

Plus globalement, l'Unedic, qui a déjà financé l'embauche de 3 600 agents ANPE et consacre environ 1 milliard d'euros à des dépenses dites actives (financement d'actions de formation, accompagnement renforcé, etc.), consolide son rôle dans l'organisation du service public de l'emploi, en particulier dans l'orientation des chômeurs.

L'Unedic envisage une facturation plus avantageuse des placeurs en cas de reclassement dans les trois premiers mois

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  • S. D.