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Politique Sociale

Faut-il relever les minima sociaux ?

Politique Sociale | publié le : 01.05.2006 |

Hélène Périvier économiste à l'OFCE.

La pauvreté monétaire augmente, le chômage de masse persiste, pourtant, les minima sociaux se dégradent. La peur que les personnes se contentent de leur statut d'allocataire l'emporterait-elle sur la nécessité de venir en aide à une population ravagée par la pauvreté et l'exclusion ? Les RMIstes refuseraient de travailler, jugeant qu'ils n'y gagneraient pas plus qu'en restant inactifs. Pourtant, l'écart entre les revenus du travail et les transferts sociaux n'a cessé de croître : les minima sociaux n'ont été revalorisés que de l'inflation alors que le smic a augmenté plus vite que le salaire moyen ; à cela s'est ajoutée la refonte des incitations au travail à la fin des années 90. Désormais, reprendre un emploi est toujours rémunérateur. De plus, pour que les RMIstes refusent un emploi, il faudrait qu'on leur en propose un ; or le marché du travail n'est pas actuellement en mesure d'intégrer les personnes qui en sont le plus éloignées. Des emplois publics adaptés permettent l'insertion des plus employables d'entre elles, mais laissent de côté les autres. Notre filet de sécurité doit être repensé pour offrir aux exclus du monde du travail une assistance sans contrepartie à un niveau suffisant. En attendant, l'urgence exige de relever le RMI.

Alain Trannoy Directeur d'études à l'Ehess, directeur de l'Idep.

Dès le vote de la loi, le montant de l'allocation du RMI a été pensé en référence à celui du smic. À cet égard, il n'est pas inutile de comparer leurs niveaux actuels. En tenant compte de la perception de l'allocation logement, un RMIste célibataire parisien perçoit une aide cumulée qui s'élève à 62,8 % du smic net augmenté de l'allocation logement auquel a droit le smicard. Prendre position sur la question du relèvement des minima sociaux à smic inchangé nécessite de s'informer sur l'ampleur avérée des effets désincitatifs d'un tel relèvement sur l'obtention d'un travail chez les allocataires. Les travaux empiriques sur cette question ne sont pas foison. Aussi est-il instructif de mentionner un rapport récent réalisé avec Nadia Alibay et Nathalie Picard sur les effets sur l'emploi de l'alignement en janvier 2001 des montants de l'API et du RMI à la Réunion sur leurs niveaux métropolitains. Cet alignement a conduit 19 % des APIstes qui étaient en emploi à y renoncer. Bien sûr, comparaison n'est pas raison, mais si le but de la politique économique et sociale est bien de réduire le nombre de personnes déconnectées du marché du travail, je conseillerai la plus élémentaire prudence dans des mesures de revalorisation.

Michel Dollé Rapporteur général du Cerc.

Le RMI répond à un droit de nature constitutionnelle : « Toute personne qui […] se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. » Peut-on croire qu'avec 433 euros par mois, même complétés par une allocation logement, une personne seule en dispose ? Certainement pas. Augmenter le RMI est donc légitime. Certains avancent qu'un relèvement du RMI réduirait les incitations à rechercher un emploi. C'est mal prendre le problème. Dans le RMI, l'allocataire s'engage à participer aux actions nécessaires à son insertion sociale ou professionnelle. C'est la réalité de cette démarche qui est en cause : elle doit être exigeante et de qualité aussi bien pour la collectivité que pour l'allocataire. Il est regrettable que la décentralisation du RMI n'ait pas eu comme contrepartie l'obligation faite aux départements d'opérer en liaison avec l'ANPE pour développer les actions nécessaires et que la gestion d'une responsabilité nationale qui leur a été confiée ne soit pas sérieusement évaluée. L'urgence est aussi d'aider les titulaires de l'allocation de parent isolé (API) à retrouver un emploi.

Pour en savoir plus

OFCE, la Lettre de l'OFCE n° 273, mars 2006 www.ofce.sciences-po.fr

CERC, Aider au retour à l'emploi, rapport n° 6, novembre 2005. www.cerc.gouv.fr

Alibay N., Picard N., Trannoy A., 2004. www.vcharite.univ-mrs.fr/pp/trannoy/VersionRevueEcoDef4.pdf

Sénat, rapport d'information n° 334 de Valérie Létard, 2005. www.senat.fr/rap/ro4-334/ro4-334.html

Liaisons sociales quotidien n° 14604, loi de retour à l'emploi, 10 avril 2006, www.liaisons-sociales.com