Ce numéro spécial rend compte du colloque organisé par la revue sur le thème des restructurations, véritable « Himalaya du droit du travail français », comme le rappelle Jean-Emmanuel Ray en introduction. Alain Supiot souligne qu'on ne vend pas des salariés comme on vend une usine ; Christophe Radé, professeur à Bordeaux, constate l'impuissance relative du législateur face à la restructuration-délocalisation ; l'avocat Henri-José Legrand note le flou de la notion de « gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ». De ces contributions, il ressort que les modalités d'une restructuration restent fortement liées au climat social lui ayant préexisté dans l'entreprise, et plus généralement à l'importance que le management accorde à sa responsabilité sociale.
La réflexion sur la sécurisation des parcours professionnels et sur le moyen de concilier flexibilité et sécurité, relancée par la crise du CPE, gagnerait à s'intéresser aux groupements d'employeurs. Pour Bénédicte Zimmermann, ces associations de type loi de 1901 « produisent un effet grossissant sur le découplage entre la relation de travail et la relation d'emploi ». La sociologue souligne la diversité d'usages à laquelle se prête la formule dans la réalité : logiques d'externalisation de la gestion de l'emploi, d'aide à l'embauche et de travail à l'essai, forme d'accès à des compétences spécifiques pour des PME, ou de fidélisation d'une main-d'œuvre intermittente…
La vénérable revue se penche sur la « nouvelle question française ». Alain Minc accuse le chiraquisme « d'avoir empêché la diffusion du libéralisme », Patrick Fauconnier dénonce la « coupure sociétale » qui s'est creusée entre universités et grandes écoles et dans laquelle il voit l'explication du mal endémique qui ronge la société française. Pascal Gauchon résume la crise de notre modèle social au passage difficile « du modèle français au modèle franglais ». Le premier résiste, mais au prix d'une véritable dénaturation risquant « de devenir un outil au service d'intérêts particuliers ».
La gestion des ressources humaines, sujet d'étude des cahiers, a tout à gagner à se référer à la bonne vieille morale lorsqu'il s'agit de prendre des décisions difficiles. Chiraz Ghozzi- Nekhili distingue cinq principes moraux à retenir pour guider la GRH, portant sur les méthodes, les résultats, les rapports entre individus… Yves-André Perez, directeur de l'Institut pour le développement du conseil en entreprise d'Angers, estime que les relations entre le conseil et le management des entreprises, depuis un siècle, se sont traduites par l'opposition de deux tendances, l'une privilégiant la rationalité microéconomique de l'entreprise, l'autre l'humanisation des hommes qui y vivent.
