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Idées

Au cœur de l'injustice sociale

Idées | Livres | publié le : 01.05.2006 | H. G.

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Au cœur de l'injustice sociale

Crédit photo H. G.

Injustices, l'expérience des inégalités au travail, François Dubet. Éditions Seuil. 490 pages, 23 euros.

Le sentiment d'injustice est un des plus répandus. Mais c'est aussi une des notions les plus difficiles à définir. Dans son essai, François Dubet se concentre sur les inégalités liées à l'expérience du travail, s'appuyant sur une recherche mêlant des entretiens individuels et collectifs et le sondage de 1 144 personnes. D'entrée, l'auteur nous met en garde : injustice n'est pas à tout coup synonyme d'inégalité. Autre difficulté, la sensibilité aux injustices n'évolue pas forcément en proportion de ces dernières. Alors que la situation des femmes s'est sensiblement améliorée depuis les années 50, la dénonciation des inégalités entre sexes atteint des niveaux jamais vus.

Face à ces pièges, François Dubet propose une grille d'analyse articulée autour de trois formes de perception et d'évaluation des injustices.

La première, c'est le principe d'égalité, étroitement lié à la conception que l'on se fait de l'ordre hiérarchique autour duquel doit s'organiser la société. Dubet introduit la distinction fondamentale entre l'« égalité de positions » et l'« égalité des opportunités », cette dernière affectant une catégorie de population, un sexe particulier ou une race. Deuxième critère dont tout le monde fait l'expérience dans son travail : celui du mérite. Il y a des inégalités méritées et d'autres qui ne le sont pas. La troisième dimension de l'injustice sociale, l'« autonomie », est la moins évidente. Il s'agit de mesurer à quel point le travail exercé par un individu lui laisse la liberté de se réaliser. Un artiste peut ainsi accepter d'être mal payé parce qu'il maximise cette dimension.

François Dubet montre ensuite comment les trois axes qu'il a définis entrent en concurrence chez chacun de nous. Il propose une brillante typologie des organisations du travail en fonction du principe de justice privilégié : le taylorisme met en avant le mérite, les nouveaux systèmes de management s'appuient sur l'autonomie, les bureaucraties baignent dans l'égalitarisme. Enfin, ses réflexions se portent sur le lien entre les sentiments d'injustice et l'action collective, notamment syndicale. Notant que le déclin de la représentation de la vie sociale fait émerger de nouveaux clivages à la conscience des travailleurs, le sociologue a son idée de l'injustice première à combattre. On pourrait l'appeler fracture sociale, lui préfère parler de cette « frontière intérieure à notre société » qui oppose chômage et précarité aux privilèges d'une « superélite ».

Auteur

  • H. G.