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Politique sociale

Faut-il favoriser une immigration choisie ?

Politique sociale | publié le : 01.04.2006 |

Anne Epaulard Chef du bureau politique de croissance à la DGTPE

L'immigration contribue au dynamisme de notre économie en augmentant à la fois notre potentiel d'offre et la demande adressée à nos producteurs. Ceci est d'autant plus vrai que les nouveaux venus sont qualifiés et s'insèrent bien sur le marché du travail. Malgré le chômage, il y a en France des métiers en croissance pour lesquels il y a toujours plus d'offres d'emplois que de demandes. Pour ces activités, l'immigration est une des solutions à envisager. Il s'agit de métiers de qualification intermédiaire dans les secteurs de l'hôtellerie-restauration et du bâtiment. On trouve aussi des professions plus qualifiées comme les infirmiers. À plus long terme, du fait des départs à la retraite et de leur dynamique propre, des emplois très qualifiés vont renouveler plus de 40 % de leurs effectifs dans les dix prochaines années : chercheurs, informaticiens, cadres administratifs, cadres commerciaux et technico-commerciaux, cadres du bâtiment. Ces cinq métiers recruteront à eux seuls environ 1 million de diplômés en dix ans. Ces besoins seront en grande partie satisfaits par l'embauche de résidents. Mais notre pays gagnerait aussi à faciliter l'arrivée de travailleurs qualifiés étrangers et d'étudiants étrangers à fort potentiel.

Sophie Boissard Directrice générale du Centre d'analyse stratégique

Nos récents travaux montrent que la France ne connaîtra pas de déficit important de main-d'œuvre dans les dix prochaines années, à la différence de ses principaux voisins européens. Cela en raison d'une démographie plus favorable et de l'existence de « réservoirs de main-d'œuvre » parmi la population résidente, réservoirs qui doivent être mobilisés en priorité pour augmenter le taux d'emploi. Mais notre marché du travail ne fonctionnant pas de manière optimale, plusieurs secteurs d'activité en forte croissance (BTP, restauration, informatique, services à la personne, professions de santé) peinent à recruter. L'appel à une main-d'œuvre immigrée, directement opérationnelle, peut constituer un élément de réponse utile, à combiner avec un effort de formation et d'attractivité de ces métiers. Au-delà de ce besoin ponctuel et immédiat et après de nombreuses années de quasi fermeture aux migrations de main-d'œuvre, nos politiques migratoires vont devoir s'assouplir, d'autant que l'internationalisation de notre économie donne lieu à de nouvelles formes de migration (circulation interne à des entreprises multinationales, formation) qui sont indispensables au dynamisme de notre pays.

Michèle Tribalat Chercheuse à l'Ined

La question revient à se demander si les responsables politiques peuvent retrouver quelque emprise sur l'immigration étrangère. Une maîtrise qui signifie que le politique sait à peu près ce qu'il fait, que l'immigration n'échappe pas à son contrôle comme la météo et oblige à s'interroger sur la quantité. En situation de suspension de l'immigration de travail, l'immigration étrangère résulte presque entièrement de l'exercice de droits au séjour. Choisir son immigration suppose donc de desserrer la législation sur la migration de travail. Il n'est en effet pas possible de choisir les membres de famille ni les demandeurs d'asile. Sur ces derniers flux, la seule action envisageable consiste à jouer sur les droits au séjour. Paradoxalement, les directives européennes adoptées en 2003, qui encadrent désormais la politique migratoire, ont donné l'opportunité à nombre de gouvernements européens, dont la France, de revoir, dans un sens plus restrictif, ces droits au séjour, notamment en matière de regroupement familial. On se dirige donc vers une politique alliant une certaine ouverture à l'immigration qualifiée et un durcissement des conditions d'entrée des étrangers faisant valoir des liens familiaux.

Pour en savoir plus

Minefi, rapport Immigration sélective et besoins de l'économie française, janvier 2006. www.minefi.gouv.fr

Centre d'analyse stratégique, rapport sur la « politique migratoire », mars 2006. www.strategie.gouv.fr

Insee, Les immigrés en France, édition 2005, collection « Insee-Références »

Osii, Rapport statistique 2002-2004 au Haut Conseil à l'intégration, novembre 2005.

Liaisons sociales Europe, no 146 et no 148, février-mars 2006.