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Idées

La société du court terme

Idées | Livres | publié le : 01.04.2006 |

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La société du court terme

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La Culture du nouveau capitalisme, Richard Sennett. Éditions Albin Michel. 160 pages, 16 euros.

Sur le plan économique, le triomphe du capitalisme est éclatant. Les cinquante dernières années se sont traduites par un enrichissement sans précédent sur tous les continents – sauf l'Afrique – étroitement lié, selon le sociologue Richard Sennett, au démantèlement des bureaucraties publiques et privées, accéléré par la révolution des techniques. Une fragmentation qui s'est soldée par « une inégalité économique et une instabilité sociale sans cesse accrues », avec de lourdes conséquences sur le comportement de la classe laborieuse. Difficile de se gérer soi-même quand son horizon devient chaque année un peu plus court-termiste. Casse-tête que de devoir acquérir de nouvelles compétences alors que celles-ci ont une vie de plus en plus brève. Qu'elle soit présentée sous les jours souriants des golden boys de la finance ou avec la face sombre des jeunes abonnés aux petits boulots, la nouvelle précarité a un coût que l'on préfère ignorer pour mieux souligner ses retombées économiques.

Premier enseignement de cet essai, la vraie nouveauté apportée par l'économie du XXe siècle consiste dans un processus global de « désinstitutionnalisation ». Politiques, syndicales, managériales, toutes les organisations sont touchées. « La militarisation du temps social se délite », observe Sennett. Selon lui, l'État providence a mis à la portée des plus humbles « le don du temps organisé ». Chacun pouvait prétendre à un parcours de vie relativement garanti. C'est ce que risque de rendre impossible le capitalisme d'aujourd'hui.

Ce raccourcissement temporel altère la façon de travailler ensemble. Le système engendre stress et angoisse. Il ressemble de plus en plus à un jeu du type « le gagnant rafle tout », dans lequel le sociologue voit « le talon d'Achille de l'économie moderne ». Tout cela s'accompagne d'un déficit de loyauté, de confiance et de « savoir institutionnel ». Ce qui aggrave la crise, ce n'est pas la fin du travail mais la menace de son inutilité, suscitée par la suroffre mondiale de main-d'œuvre et de compétences, l'automatisation et la gestion du vieillissement.

Pour le professeur de la London School of Economics, le risque de ce qu'il vient de décrire est la confusion entre liberté et indifférence. Ce qui favorise un consumérisme politique la plupart du temps stérile. C'est au niveau culturel, conclut Sennett, que doit s'organiser la contestation de cet ordre nouveau, autour d'une notion centrale : « accepter que l'utilité est un bien public ».