logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Actu

“ Il ne faut pas remplacer les fonctionnaires qui vont partir à la retraite ”

Actu | Entretien | publié le : 01.04.2006 | Jean-Paul Coulange, Sandrine Foulon

Les 800 000 départs à la retraite de fonctionnaires dans les dix ans à venir sont une occasion unique de faire maigrir l'État, estime le député des Yvelines.

Pour réformer la France, vous êtes partisan du Grand Soir plutôt que de la méthode des petits pas…

Ce n'est pas par l'incantation, par la démagogie ou par des demi-mesures, que l'on va améliorer la situation. Car la France est en train de décrocher. Entre 1990 et 2000, nous avons enregistré 1,9 point de croissance alors que les budgets ont été établis sur des espérances de croissance de l'ordre de 2,5 points. Ce qui veut dire qu'à partir d'octobre nous empruntons pour finir l'année. Et, depuis cinq ans, la situation s'est aggravée puisque nous sommes sur une moyenne de 1,4 point de croissance.

Pour alléger la dette, l'État doit-il maigrir ?

Les traitements des fonctionnaires absorbent presque la moitié du budget de l'État, tandis que les dépenses d'investissements civils n'en représentent que 5 %. Les fonctionnaires sont trop nombreux. Il y a vingt ans, la France était le pays au monde qui, proportionnellement, avait le plus de fonctionnaires. Mais, en vingt ans, les effectifs se sont accrus de 1 million. Alors que l'État a transféré des compétences aux collectivités locales, les gouvernements de droite comme de gauche ont réussi ce tour de force d'augmenter les effectifs de la fonction publique d'État de 300 000 agents.

Comment réduire les effectifs ?

Une chance historique nous est offerte par le départ à la retraite de 800 000 agents dans les dix ans. Le problème n'est pas de remplacer un fonctionnaire qui part sur deux, mais de ne remplacer personne. Si on fait jouer la mobilité pour les 4 millions de fonctionnaires, il n'y aura aucun problème. C'est simplement une question de gestion des ressources humaines. Il suffit pour cela de supprimer les corps – il y en a 1 500 dans la fonction publique, qui sont autant de corsets dans l'administration et qui bloquent la mobilité des fonctionnaires.

La Lolf, l'introduction de la rémunération au mérite constituent des premiers pas…

C'est l'architecture même de l'État qu'il faut revoir. Il est devenu obèse. L'État central ne doit plus avoir de missions de gestion. Faire remonter au niveau parisien des décisions concernant des communes ou des départements est une hérésie. Il faut le remplacer par un État stratège qui définit le moyen et le long terme et conserve ses missions régaliennes : police, justice, affaires étrangères, armées et éducation pour partie. Si la formation des maîtres, l'organisation de leur mobilité doivent rester du ressort national, il faut en revanche laisser le reste au plus près des régions. Quant aux universités, elles doivent être plus autonomes et appuyer leur développement sur les régions.

Comment vaincre les résistances syndicales ?

Si j'avais écouté les syndicats quand je suis arrivé à Air France, alors en situation de dépôt de bilan, la compagnie serait morte dans les mois qui ont suivi. Ce qu'il faut, c'est savoir ce qui est nécessaire pour l'intérêt général, l'expliquer et le mettre en œuvre. Et si les résistances sont trop fortes, vous vous adressez directement aux Français, par référendum. Une arme à utiliser avec parcimonie sur des sujets fondamentaux. Y recourir pour la réforme de l'État, oui ; pour le quinquennat, non. Et, une fois que les Français ont validé les grandes orientations, vous pouvez négocier les modalités avec les syndicats.

La réforme des retraites de 2003 n'est-elle pas un exemple où on a expliqué, négocié et tenu bon contre la rue ?

Sur la base des engagements électoraux de Jacques Chirac, Jean-Pierre Raffarin a ouvert le dossier des retraites. Mais 30 % seulement du chemin a été fait. En outre, cette réforme est gagée sur une croissance qui n'est pas au rendez-vous. Par ailleurs, par prudence, la question des régimes spéciaux n'a pas été traitée. Ce n'est pas la référence en matière de réforme structurelle.

Par quelle réforme faut-il commencer ?

Par des réformes qui créent de la richesse. À Air France, nous avons drastiquement réduit les coûts, mais nous avons aussi entièrement revu nos modes de vente. À l'échelle d'un pays, la première préoccupation est la croissance. Une fois la croissance acquise, on peut s'attaquer aux différentes formes de redistribution. Sinon, comment voulez-vous que les Français voient dans la réforme proposée autre chose qu'une restriction de leurs acquis ?

CHRISTIAN BLANC

Député apparenté UDF des Yvelines.

NAISSANCE

Le 17 mai 1942.

PARCOURS

Artisan des accords de Matignon sur la Nouvelle-Calédonie, au côté de Michel Rocard, cet ancien préfet a fait preuve de sa capacité à réformer, à la tête de la RATP, puis d'Air France, qu'il a redressé. Dans son dernier ouvrage (la Croissance ou le chaos, éditions Odile Jacob), il propose une méthode pour redresser la France. Depuis fin 2002, il est député des Yvelines.

Auteur

  • Jean-Paul Coulange, Sandrine Foulon