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Idées

La valse des contrats de travail

Idées | Bloc-notes | publié le : 01.03.2006 | Bernard Brunhes

LE JEU DU CULBUTO

Puisqu'il faut faire parler de soi, je puis toujours culbuter d'un côté ce que M. Turgot a culbuté de l'autre », disait l'éphémère successeur du contrôleur général des finances de Louis XVI. Ce pourrait être la devise de nos gouvernements dans le domaine de la lutte contre le chômage. Le système fonctionne comme un Culbuto, ce jouet qui, lorsqu'on le bouscule, revient toujours au point de départ, position en l'occurrence stabilisée aux alentours des 10 % de chômage. « On a tout essayé », comme le disait François Mitterrand, mais tout et son contraire et dans le désordre. Pressés d'agir, les gouvernements n'ont pas le temps de découvrir l'efficacité de leurs actions et de celles de leurs prédécesseurs, puisque l'évaluation ne fait pas partie des traditions administratives françaises. Ils ne prennent pas le temps de la concertation, de la négociation, de l'expérimentation. Ils vont trop vite et donc mal, ce qui nourrit la conviction erronée que la France n'est pas réformable.

NOUVEAU CONTRAT : NOUVELLES EMBAUCHES ?

Voici donc le contrat nouvelles embauches puis le contrat première embauche lancés sur le marché du travail, sans concertation ni négociation. Bien entendu, les employeurs sont heureux et les salariés inquiets, puisqu'il s'agit d'un allégement des contraintes pour les premiers et d'une baisse des protections pour les seconds. La droite est contente, la gauche furieuse. On est en terrain connu… même s'il y a des DRH moins enthousiastes, inquiets de l'incertitude juridique, et des étudiants ou chômeurs plutôt favorables (« un CPE, c'est mieux que rien »). La question de fond, derrière ces CNE et CPE, est la refonte globale des contrats de travail. Le gouvernement, profitant de l'actuelle chambre bleu horizon, pourrait être tenté de continuer tout seul et sans débat ni négociation la marche engagée vers une transformation en profondeur du contrat de travail. On l'imagine pourtant mal remettant en cause tout l'équilibre du Code sans des discussions approfondies avec les représentants des employeurs et des salariés, sans la recherche collective et négociée des conditions d'un nouvel équilibre des droits et devoirs. Le Premier ministre l'a promis, mais les syndicats, échaudés par le passage en force du CPE, joueront-ils le jeu ?

PLAIDOYER POUR UN CONTRAT DE TRAVAIL UNIQUE

Le remarquable rapport de MM. Cahuc et Kramarz sur les politiques de l'emploi ouvre une piste prometteuse en proposant la mise en place d'un contrat unique de travail accompagné d'un ensemble de garanties pour les salariés. Les propositions de ces deux économistes sont riches et méritent un examen approfondi de la part de l'État et des partenaires sociaux. Mais elles forment un tout : accepter une flexibilité bien organisée en lieu et place de l'actuelle flexibilité sauvage appelle une profonde réforme du fonctionnement du marché du travail, du service public de l'emploi et de la gestion des restructurations. Malheureusement, l'État est plus porté à faire voter des lois qui s'imposent aux citoyens qu'à s'imposer à lui-même les réformes les plus vitales.

Auteur

  • Bernard Brunhes