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Idées

Anatomie de deux modèles sociaux

Idées | Livres | publié le : 01.03.2006 | H. G.

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Anatomie de deux modèles sociaux

Crédit photo H. G.

Combattre les inégalités et la pauvreté : les États-Unis face à l'Europe, Alberto Alesina et Edward L. Glaeser. Éditions Flammarion. 374 pages, 25 euros.

La bataille des modèles sociaux fait rage entre Américains et Européens. De ce côté-ci de l'Atlantique, on agite comme un épouvantail la montée des inégalités aux États-Unis et la précarisation générale du monde du travail. Vu d'Amérique, l'État providence à l'européenne apparaît comme un système à bout de souffle, dont le coût, de plus en plus insupportable, enfonce le Vieux Continent dans le chômage de masse et la pauvreté. Décidés à sortir de cette guerre des clichés, deux professeurs d'économie ont mesuré l'efficacité des deux modèles en regard de l'objectif poursuivi par toute politique sociale : combattre les inégalités et la pauvreté. Moins pour établir un palmarès que pour tenter de comprendre cette « fracture atlantique ».

Car un véritable gouffre oppose Européens et Américains sur la question sociale. Les dépenses publiques représentent 30 % du PIB aux États-Unis, contre 45 % en Europe continentale. Près des deux tiers de cet écart s'expliquent par les dépenses sociales. En outre, les dépenses publiques en Europe sont beaucoup plus orientées vers les pauvres et redistributives qu'aux États-Unis. Les prestations sociales publiques y sont aussi beaucoup plus avantageuses. Ceci ne veut pas dire que les Américains seraient moins généreux, à titre individuel : 11 % d'entre eux appartiennent à une association caritative, contre 4 % en Europe.

Comment expliquer alors que les deux systèmes soient aussi opposés ? La réponse souvent avancée par les économistes américains est qu'il y a davantage de redistribution en Europe. Autre explication : les perspectives d'ascension sociale seraient plus larges outre-Atlantique. Les facteurs politiques aussi ont joué un rôle important dans l'évolution divergente des deux « modèles ». Poids des partis sociaux-démocrates en Europe, où le système électoral pousse à l'accroissement des transferts publics. Fédéralisme côté américain, qui limite les marges de manœuvre du pouvoir central.

Une autre variable doit être prise en compte : la fragmentation de la société. Ce sont les pays les plus hétérogènes qui dépensent le moins pour le social. Les minorités tenant une grande place parmi les pauvres, les peuples n'aiment guère voir les transferts sociaux aller à des « gens qui ne sont pas comme eux ». À se demander si les changements dans la composition des sociétés d'Europe occidentale ne prennent pas une part dans la remise en cause du modèle social européen.

Auteur

  • H. G.