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Attention aux usines à gaz !

Dossier | publié le : 01.03.2006 | A. C.

Limites fonctionnelles, difficulté à prendre en compte les réglementations, complexité de mise en œuvre, bouleversements des habitudes de travail… Les PGI ont mis du temps à gagner une légitimité dans le domaine des RH. D'autant que les DRH ont dû acquérir des compétences dans leur maîtrise.

En juillet 2001, l'Unedic choisit PeopleSoft pour gérer ses ressources humaines. Son objectif, à l'heure où elle réduit de 52 à 31 le nombre d'Assedic et homogénéise leur taille ? Donner les moyens à ses managers d'aller plus loin dans certains domaines, comme la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Parce qu'on lui assure qu'il sera plus simple de gérer un seul système, elle commence par basculer sa paie, qui était jusqu'alors gérée avec Hypervision de GSI. Trois ans plus tard, les difficultés sont telles qu'elle l'abandonne au profit de Zadig Envergure d'ADP-GSI. « Cette année, nous allons enfin déployer les modules de gestion des ressources humaines de PeopleSoft, qui étaient la raison d'être de ce projet », raconte Philippe Bourassin, DRH de l'Unedic, en reconnaissant que les responsabilités de cet échec sont partagées : « À l'époque, l'éditeur était loin d'avoir stabilisé sa paie, l'intégrateur n'avait aucune expertise sur le produit et nous étions naïfs… au point de ne pas avoir conclu un contrat avec obligation de résultat ! »

Exceptionnelle, l'expérience de l'Unedic ? Pas vraiment. Fonctionnalités manquantes, modules qui s'avéraient être de vraies « boîtes vides », paie instable… Dans le domaine des ressources humaines, l'offre de progiciels de gestion intégrés (PGI) est mature depuis très peu de temps ! Au point que certaines entreprises ont jusqu'ici préféré continuer à jouer la carte des progiciels spécialisés (lire le témoignage de Bonduelle page 74). « Aujourd'hui, on peut dire qu'il n'y a pas de bonne ou de mauvaise solution en soi, estime Claire-Marie De Vulliod-Prévost, analyste RH au centre d'expertise CXP. Faut-il un PGI et lequel ? Pour toutes les fonctions de l'entreprise ou seulement certaines ? Pour toutes les RH y compris la paie ?… La réponse dépend de l'entreprise : de sa taille, de son existant, de ses besoins, de son budget et de sa stratégie à moyen ou à long terme. »

Une chose est sûre : la mise en place d'un PGI est complexe. Elle nécessite beaucoup de rigueur et d'investissement dans la phase d'analyse des besoins. Jusqu'où aller dans l'automatisation ? Quel niveau de détails attribuer aux reportings ? Qui va saisir les données ? Doit-on modifier ses pratiques ?… Autant de questions à poser en amont, au risque, sinon, de donner naissance à une solution inadaptée qui, par la suite, a toutes les chances de se transformer en usine à gaz. « L'engagement de la direction est indispensable, rappelle Yacine Boucherit, consultant RH chez Pierre Audoin Consultants, spécialiste des TIC. Elle doit afficher une vision claire de ses objectifs et trancher rapidement lorsque des choix stratégiques doivent être faits. »

Pour ne pas se tromper à ce stade, il est impératif d'intégrer des utilisateurs dans l'équipe de projet. Ces spécialistes des ressources humaines, qui connaissent l'entreprise, peuvent en effet mieux que quiconque recenser les pratiques et les besoins du (ou des) service(s) RH. Mais, attention, s'ils ne sont pas délégués à plein temps, il faut veiller à leur laisser le temps nécessaire à la réalisation de cette mission. « Dans notre filiale belge, le projet ne s'est pas très bien passé, raconte Olivier Knoderer, chef de projet RH chez Tenneco, qui a fait le choix de SAP en finance et en production pour l'ensemble du groupe, puis plus tard en RH pour l'Europe, bientôt suivie des États-Unis. L'utilisateur chargé du projet n'était jamais disponible et les informaticiens ont bien souvent avancé sans qu'il apporte son regard de spécialiste du métier. »

Autre nécessité : bien choisir le prestataire de services, le suivre scrupuleusement tout au long du projet et, bien sûr, blinder le contrat en incluant des pénalités de retard. « Le premier intégrateur sélectionné a fait des erreurs de paramétrage grossières, se souvient Béatrice Jean, chef de projet RH pour SAP chez Sodexho, qui a fait le choix de SAP en finance pour tout le groupe puis en paie pour la France. C'est une équipe montée in extremis en interne qui a repris le projet et résolu les difficultés. » « Notre premier prestataire de services n'a pas suivi les standards SAP, renchérit Olivier Knoderer, d'où, par la suite, des coûts de maintenance exorbitants. »

Un PGI est par définition structurant : les processus sont prédéfinis, même si des paramétrages sont possibles. Si l'entreprise a des processus différents, elle a le choix entre s'aligner sur les standards – ce qui suppose de se réorganiser – ou les adapter – ce qui signifie faire du spécifique. « Mais cette dernière solution est un piège, avertit François Morel, vice-président de la commission ressources humaines du Club des utilisateurs SAP chargé de l'organisation des systèmes de paie chez Renault. Impossible, dès lors, de procéder aux mises à jour sans reprendre tous ces développements… ce qui coûte très cher ! Pis, si vous renoncez aux mises à jour, il arrive un moment où votre version du PGI, jugée obsolète, n'est plus maintenue ! » « Il faut systématiquement réfléchir en amont sur l'opportunité ou non d'un business process reengineering, estime pour sa part Claire-Marie De Vulliod-Prévost, ou, pour parler plus simplement, d'une réorganisation assortie de la mise en place de nouvelles pratiques. »

Mais cela n'est pas toujours possible… On ne peut pas, par exemple, revenir sur des accords spécifiques de branche ou d'entreprise. Ou encore s'aligner sur des standards trop rudimentaires. « Dans le domaine de la paie, de nombreuses entreprises ont dû faire du spécifique le temps que SAP mûrisse son offre, rappelle François Morel. Pour la gestion des intérimaires, des établissements… » Reste que les éditeurs de PGI ont fait des progrès pour prendre en compte les besoins des utilisateurs… réunis au sein de clubs chargés de promouvoir et de défendre leurs intérêts. « Nous avons participé à la réflexion de SAP pour la mise en place du droit individuel à la formation ou de la déclaration annuelle des données sociales unifiées », explique François Morel. Il faut en effet le rappeler : un tel projet n'est jamais totalement achevé. Après le déploiement, il faut maintenir une cellule de projet pour optimiser le système et former les nouveaux venus.

Auteur

  • A. C.