Ecrite par un universitaire canadien, voici la charge la plus dévastatrice publiée depuis longtemps contre l'État providence à la française. Loin d'être un ultralibéral, l'auteur, Timothy B. Smith, est plutôt de centre gauche, admirateur des systèmes nordiques à forte imposition et à niveau de protection sociale élevé. Que reproche-t-il au modèle français ? D'être un facteur de chômage et d'inégalités, parce que, sous couvert de protéger les plus démunis, il concentre ses aides sur la partie la plus privilégiée de la population. « Le modèle de l'État providence corporatiste, comme le modèle du laisser-faire libéral, se fonde sur une fiction : les privilèges d'une minorité sont présentés comme des bénéfices potentiels pour tous », critique ce professeur d'histoire contemporaine à la Queen's University d'Ontario. Ses cibles ne sont pas nouvelles : les syndicats ; les intellectuels qui « trahissent » ceux qu'ils prétendent soutenir en mettant sur le dos de la mondialisation ou de l'Europe des choix liés à des considérations très nationales, voire corporatistes ; les politiques, de Giscard à Chirac en passant par François Mitterrand, coupables, en ne maîtrisant ni la croissance des dépenses sociales ni les déficits publics, d'avoir aggravé les effets pervers du système.

Beaucoup de choses connues, mais aussi un œil neuf qui permet à cet essayiste de pointer un des péchés majeurs de notre État providence : son caractère très peu redistributeur et même fortement pénalisant pour la jeunesse. Le livre se termine par une liste d'une trentaine de mesures dont l'auteur assure qu'un dixième d'entre elles suffirait à faire de la France une société plus solidaire. Mais nombre d'entre elles mettraient en grande difficulté le gouvernement qui les imposerait.