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Idées

L'accord sur l'assurance chômage est-il satisfaisant ?

Idées | Débat | publié le : 01.02.2006 |

Trois confédérations sur cinq (CFDT, CFTC et CFE-CGC) ont signé l'accord sur l'assurance chômage du 21 décembre 2005 qui prévoit une légère hausse de cotisations en contrepartie de l'augmentation des durées d'affiliation requises. Cette nouvelle convention est-elle innovante ? Les avis, très réservés, de trois économistes.

Pierre Cahuc Professeur à l'université Paris 1 (Panthéon-Sorbonne), chercheur au Crest.

« Les sujets sensibles – plafond des allocations et intermittents – ont été évités»

La convention Unedic s'est inscrite dans un climat morose : faible croissance, taux de chômage élevé et déficit cumulé de 13,5 milliards d'euros. Dans ce contexte, il s'agissait de faire des économies. Deux leviers ont été privilégiés. Premièrement, la diminution de la durée d'indemnisation en fonction de l'activité passée. Pour bénéficier de 23 mois d'allocations il faut désormais 16 mois de cotisation dans les 26 derniers mois au lieu de 14 dans les 24 derniers. Une nouvelle filière qui donne droit à 12 mois d'allocations pour 12 mois de travail est créée. Deuxièmement, la hausse des cotisations employeurs et salariés, de 0,04 % chacune. L'ensemble des mesures devrait permettre d'économiser 2,4 milliards d'euros dans les trois ans à venir.

Un chiffre d'autant plus insuffisant que les projections sont particulièrement optimistes : l'Une dictable sur une diminution de 500 000 chômeurs indemnisés et un accroissement de 500 000 emplois d'ici à la fin 2008. On peut regretter que ces projections ne soient pas établies par des organismes indépendants. Mais il ne faut sans doute pas attendre du gouvernement, qui fonde la loi de finances sur ses propres projections, des avancées significatives sur ce front. On peut aussi regretter que les sujets sensibles aient été évités : le régime des intermittents du spectacle, fortement déficitaire, tout comme le plafond des allocations chômage, exceptionnellement élevé en France (5 127 euros par mois), n'ont pas été examinés. Pourtant, agir sur ces leviers permettrait de faire des économies en rognant sur les plus hauts revenus et sur les revenus de ceux qui tirent le plus d'avantages de l'assurance chômage. Les mesures adoptées ne se sont pas inscrites dans cette perspective, elles réduisent presque indifféremment les allocations de l'ensemble des salariés.

Enfin, la convention prévoit que les Assedic pourront profiler les demandeurs d'emploi et les orienter vers l'ANPE, l'Apec ou d'autres organismes. Cette clause signifie-t-elle que les Assedic ont vocation à constituer le guichet unique pour les chômeurs, attendu depuis des années ? Quel sera alors le rôle de l'ANPE ? Et des maisons de l'emploi introduites par le plan de cohésion sociale ? Espérons que ces problèmes de première importance pour améliorer le service public de l'emploi, mais aussi l'assurance chômage, trouveront des solutions concrètes dans la convention qui doit fixer les modalités de rapprochement de l'ANPE et de l'Unedic.

Carole Tuchszirer Èconomiste à l'Ires.

«Les partenaires sociaux ont fait preuve d'un manque d'audace»

L'accord issu de la renégociation Unedic ne marquera pas l'histoire sociale de ce pays tant cette dernière s'est inscrite dans un cadre on ne peut plus traditionnel. Les partenaires sociaux ont fait preuve d'un manque d'audace qui n'a d'égal que la volonté de préserver à tout prix un paritarisme qui laisse à désirer. Pour parvenir à ce fragile compromis social qui n'a reçu l'adhésion que de trois organisations syndicales, il aura fallu écarter les sujets difficiles, ceux qui sont au cœur des problèmes posés à cette institution. Parmi les questions de fond non abordées il y a, bien sûr, celle récurrente du mode de financement de l'Unedic, un financement qui aujourd'hui amplifie l'effet propre des cycles conjoncturels. Une véritable réforme s'impose également pour assurer une meilleure couverture des situations de chômage, car près d'un demandeur d'emploi sur deux est exclu du régime d'assurance. Les primo demandeurs d'emploi ne disposent d'aucune protection indemnitaire. Les salariés précaires, qui pourtant cotisent au régime dès leur premier mois de travail, en sont exclus s'ils n'ont pas travaillé suffisamment longtemps. Quant aux chômeurs de longue durée, la réduction de la durée d'indemnisation décidée arbitrairement tend à les réorienter, au hasard des décisions prises, vers les minima sociaux gérés par l'État et les collectivités territoriales. Finalement, le système paraît bien peu redistributif et semble privilégier les seuls chômeurs issus de l'emploi durable.

Le refus d'aborder au cours de cette négociation la question du plafonnement des allocations versées aux cadres (le montant peut atteindre 5 120 euros net par mois contre 1 000 euros en moyenne) illustre également la difficulté à réintroduire la question de la solidarité dans les décisions prises.

Or l'Unedic est un régime d'assurance sociale dont la légitimité repose sur un principe de solidarité nationale pourtant malmené depuis une vingtaine d'années. Pour redonner du crédit à sa gestion paritaire, il est urgent de réactiver la fonction sociale de l'Unedic. Les partenaires sociaux se sont donné rendez-vous en 2006 pour adapter le régime d'assurance chômage à l'évolution du marché du travail. La réforme prévue, si elle voit le jour, devrait s'accompagner de mesures de sécurisation financière et juridique. Souhaitons qu'elle soit aussi l'occasion de réfléchir à la façon dont l'Unedic pourrait s'impliquer dans la mise en place d'une sécurité sociale professionnelle.

Éric Heyer Directeur adjoint du département analyse et prévision de l'OFCE.

«La hausse des cotisations, même faible, tend à accroître le coût du travail»

En augmentant les cotisations salariés et employeurs et en diminuant les prestations chômage, les récentes négociations sur le régime de l'assurance chômage apportent une réponse structurelle à un problème qui n'est que conjoncturel. Au sein de la protection sociale, l'assurance chômage est le régime le plus sensible aux effets de la conjoncture. Depuis le début des années 90, des déficits apparaissent en période de basse conjoncture (1991-1997) tandis qu'une réduction forte du déficit et des excédents est constatée en haut de cycle (1998-2001). Depuis, le taux de chômage est malheureusement reparti à la hausse, et son maintien à un niveau élevé depuis deux ans à entraîné une forte dégradation du régime de l'assurance chômage.

Cette mauvaise lecture de la part des partenaires sociaux n'est pas nouvelle : en 2001, profitant de la période des « vaches grasses », ils ont décidé d'améliorer le niveau des prestations en mettant en place le plan d'aide au retour à l'emploi. Le coût de cette mesure, principalement celui de la non-dégressivité des allocations, a été évalué à près de 2,5 milliards d'euros chaque année. Les effets décalés de cette politique procyclique sont venus rogner les excédents et creusent actuellement davantage le déficit de l'Unedic déjà mis à mal par la dégradation du marché du travail. En sens inverse, alors que la conjoncture actuelle appelait plutôt le soutien du revenu des ménages, et celui des chômeurs en premier lieu, la réduction globale des prestations va à contre-courant d'une telle action, limitant son pouvoir de « stabilisateur automatique ».

De son côté, la hausse des cotisations, même faible, tend à accroître le coût du travail, ce qui ne va pas non plus dans le sens d'un soutien à l'emploi, donc d'une amélioration sur le front du chômage et de son régime d'assurance. Il n'en reste pas moins que certaines décisions doivent être prises afin d'améliorer l'efficacité du système d'assurance chômage.

Il est toutefois regrettable que les récentes réformes successives aient été prises à l'aune de critères essentiellement budgétaires et non d'efficacité microéconomique. La question ne doit pas être de savoir comment dépenser les excédents en cas de bonne conjoncture ou comment réduire le déficit en phase de ralentissement de l'activité, mais plutôt de s'interroger sur le niveau et la durée d'indemnisation des chômeurs qui leur assurent des conditions de vie satisfaisantes et stables sans les désinciter à rechercher un emploi.