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Enquête

Dégraissé par Butler, FLO retrouve la forme

Enquête | publié le : 01.02.2006 | Éric Béal

Chevalier blanc bienvenu ! Quand une entreprise croule sous les dettes, ou traverse un sérieux trou d'air, le manque de liquidités peut la paralyser définitivement. Pas d'autre solution, alors, que d'ouvrir son capital à des partenaires extérieurs. Avec leurs poches pleines, les fonds d'investissement ont le profil du sauveur idéal. Mais ils ne se contentent pas de sortir le chéquier. Jean-Yves Bacques, le fondateur du cartonnier Otor, l'a appris à ses dépens. Il s'est fait débarquer l'été dernier par Carlyle, qu'il avait lui-même fait entrer au capital comme actionnaire minoritaire cinq ans plus tôt. « Il y a un audit en cours. On attend. On se demande ce qu'il restera du groupe dans trois ans, quand Carlyle partira », explique Thierry Malledent, secrétaire CFDT du CE d'Otor Bretagne. Des chaussures de luxe Charles Jourdan, reprises par Avendis Capital, aux collants et soutiens-gorge Dim et Playtex, rachetés par Sun Capital Partners, les exemples d'entreprises en difficulté rachetées par des fonds ne manquent pas. Pour ces derniers, l'effet de levier se situe alors dans la renégociation drastique de la dette avec les créanciers. Les patrons en place, eux, ne sautent pas forcément. Mais ils sont marqués à la culotte. Stratégie de développement, positionnement marketing, politique RH… L'entreprise est passée au peigne fin pour comprendre les raisons du désastre, et y remédier. Exemple de « retournement » réussi avec le groupe Flo, repris au creux de la vague par le fonds de Walter Butler.

Le Groupe Flo a bien failli mourir d'indigestion. Il doit sa survie à l'arrivée du fonds d'investissement franco-américain Butler Capital Partners (BCP) qui, en octobre 2003, a pris 49,9 % de la holding Financière Flo, actionnaire majoritaire (55 %) du groupe détenu par la famille de Jean-Paul Bucher, le P-DG fondateur. Avec une option d'achat sur 10 millions d'obligations remboursables en actions, BCP devient le véritable propriétaire du groupe de restauration, qui croule sous les dettes. Son arrivée ne s'est pas faite en un jour. Laurent Parquet, le partner de BCP qui s'occupe de cette affaire, commence à discuter avec l'équipe de direction dès octobre 2002. « Dans un premier temps, le reporting laissait à désirer et nous manquions d'informations financières. Mais nous avons surtout passé beaucoup de temps à nous mettre d'accord sur un plan stratégique », explique-t-il.

Avec 39 brasseries dont La Coupole et Bofinger, les restaurants Hippopotamus, les boutiques Flo Prestige, Raynier Marchetti, un traiteur spécialisé dans les réceptions, et une introduction en Bourse réussie en 1998, le Groupe Flo était une entreprise florissante jusqu'en mai 2000, où il a racheté la chaîne Bistro Romain pour 71,6 millions d'euros. Cette acquisition augmente considérablement l'endettement et diminue sa capacité de résistance à la crise de la vache folle qui survient quelques mois plus tard. Dominique Giraudier, l'ancien directeur financier devenu président du directoire, se déleste de Raynier Marchetti, puis de Flo Prestige, pour réduire l'endettement. Début 2003, l'équipe de direction est changée aux deux tiers. En Bourse, le titre, qui avait atteint 26 euros, plonge à 10 euros. Un épiphénomène qui n'inquiète pas BCP, spécialiste du retournement. « L'entreprise avait des atouts, un vrai savoir faire dans les métiers de la restauration et des enseignes leaders sur leur marché », note Laurent Parquet.

En octobre 2003, Flo annonce une augmentation de capital et l'entrée de BCP. Entre-temps, le titre a continué de dégringoler, jusqu'à 2,50 euros. Depuis douze mois, toutes les décisions sont prises avec l'aval de BCP, à commencer par le choix du DRH et des nouveaux managers entrés au comité de direction. Car le groupe n'a pas attendu les modifications de son capital pour s'engager dans une réorganisation de son mode de gestion. Le suivi des résultats financiers se fait plus précis tandis que le service central des achats est renforcé. Un poste de directeur du marketing est créé « pour tenir compte du positionnement de marque ». Après externalisation de la gestion de la paie, les effectifs du siège diminuent. Sur le terrain, les directeurs régionaux deviennent responsables des aspects marketing et GRH. Les responsables de restaurant sont également mis à contribution. « Les frais personnels ont été limités. On a vu arriver des feuilles de productivité par personne et établissement, permettant de gérer les temps de présence du personnel en fonction du chiffre d'affaires prévu. Et le nombre d'intérimaires a considérablement augmenté », se souvient Jérôme, à la tête d'un restaurant dans les Hauts-de-Seine.

Tout n'est pas négatif. Au Terminus Nord, l'une des 39 brasseries du groupe, les salariés voient arriver une grille horaire précise qui se traduit par le paiement des heures supplémentaires éventuelles. « Mais la pression sur le personnel en salle pour faire du chiffre a largement augmenté », précise Dominique Voisin, délégué syndical CFDT et secrétaire du CE.

« Nous sommes passés d'une culture familiale caractérisée par un fort lien personnel entre Jean-Paul Bucher et les salariés à un mode de management moins artisanal », estime le DRH Étienne Rémond. Une transition facilitée par des investissements en formation. Un module consacré au management a été mis sur pied. Après les membres du codir et de la hiérarchie jusqu'aux responsables de restaurant, ce sont les chefs et adjoints de cuisine qui en profitent. Les cadres bénéficient aussi d'un plan de développement personnel. Autres innovations : la mise en place d'un outil d'évaluation et l'obligation pour les managers de proposer un entretien annuel à chaque collaborateur.

En deux ans, le groupe Flo est passé à une gestion moderne des RH. Reste que, comme partout ailleurs dans la restauration, le dialogue social demeure plutôt archaïque. « Le groupe a peur des syndicats, à l'instar de toute la branche professionnelle », constate un syndicaliste de la maison. Un problème qui ne concerne plus Butler Capital Partners. Fin 2005, il a cédé sa participation à Albert Frères et Tixehau, deux fonds spécialisés. Ses actions et obligations remboursables en actions ont été achetées près de 7 euros l'unité par les nouveaux propriétaires. Une belle affaire pour BCP qui les avait payées 2 euros pièce deux ans plus tôt.

Auteur

  • Éric Béal