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Éditorial

Villepin confond vitesse et précipitation

Éditorial | publié le : 01.02.2006 | Denis Boissard Directeur de la rédaction

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Villepin confond vitesse et précipitation

Crédit photo Denis Boissard Directeur de la rédaction

La première phase de son plan pour l'emploi tout juste sur les rails, voilà le virevoltant Villepin qui annonce une deuxième étape, tout en dévoilant les grandes lignes de la troisième. Sur le front de la lutte contre le chômage, le Premier ministre fait feu de tout bois.

Volonté de concurrencer l'activisme de Nicolas Sarkozy et/ou souci de tout mettre en œuvre pour afficher des résultats significatifs dans les seize mois qui lui restent d'ici à la présidentielle ? Toujours est-il que, multipliant les annonces, le locataire de Matignon donne le tournis à la fois à son administration qui peine à assurer le service après-vente, à la classe politique et aux partenaires sociaux. Derrière cette avalanche de projets et de mesures se dessine une politique plus libérale que son auteur ne veut l'avouer.

Par petites touches, sans présenter une vision d'ensemble de la réforme entreprise, en jetant même un flou prudent sur son point d'arrivée, le Premier ministre fait sauter des dispositions protectrices de notre Code du travail, analysées par des travaux économiques récents comme des freins à la fluidité du marché du travail et à la création d'emplois. À peine le contrat nouvelles embauches, avec sa « période de consolidation » de deux ans pendant laquelle il peut être rompu sans justification, ouvert à toutes les entreprises d'au plus 20 salariés, voilà son clone, le contrat première embauche, proposé à toutes les entreprises de plus de 20 salariés pour tout recrutement d'un jeune de moins de 26 ans. En l'espace de deux mesures, le champ laissé au CDI classique s'est singulièrement rétréci. À quand la prochaine étape ?

Dominique de Villepin a un mérite, celui de chercher à démentir la sentence mitterrandienne selon laquelle, face au chômage, on a tout essayé. CNE et CPE ne relèvent plus de la potion du traitement social du chômage administrée au pays depuis trente ans… avec l'efficacité que l'on sait. Et ils ont l'avantage indéniable, en ces temps de disette budgétaire, de ne rien coûter au contribuable. Mais ils reposent sur un pari : leur consolidation, sauf accident conjoncturel ou insuffisance professionnelle réelle du salarié, en CDI classique. Le risque serait que nombre d'employeurs les transforment en CDD à répétition, et en fassent un nouvel avatar de la précarité du travail.

L'erreur du Premier ministre c'est, au nom de l'urgence, de brûler les étapes, sans prendre le temps ni de l'évaluation promise du CNE, ni de la pédagogie de la réforme, ni d'une concertation poussée avec les partenaires sociaux. Encouragé par l'absence d'opposition significative au CNE, Dominique de Villepin a choisi de tenir les corps intermédiaires pour quantité négligeable. Le voilà, à l'heure où ces lignes sont écrites, sous la menace d'une coalition entre syndicats et mouvements d'étudiants, fort semblable à celle qui avait fait capoter le projet du CIP, ce « smic jeunes » qu'Édouard Balladur avait voulu mettre en place en 1994.

Auteur

  • Denis Boissard Directeur de la rédaction