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Front commun contre le chômage

Dossier | publié le : 01.01.2006 | S. D., A.-C. G.

Depuis les premières lois de décentralisation de 1983, les collectivités territoriales n'ont cessé de voir leurs compétences renforcées en matière d'emploi. Et il faut bien reconnaître que les élus locaux ont su innover dans la lutte contre le chômage. Même si les moyens ne sont pas toujours à la hauteur.

Un fonds d'urgence pour les salariés victimes de plans sociaux en Picardie, une prime de reprise du travail pour les RMIstes dans les Hauts-de-Seine, une charte pour l'emploi conclue avec le groupe Leroy Merlin à Ivry-sur-Seine… Communes, départements ou régions font feu de tout bois pour tenter d'enrayer le chômage et de favoriser la création d'emplois. Depuis les premières lois de décentralisation de 1982, les collectivités territoriales ont hérité de compétences sans cesse renforcées dans ce domaine. Et la loi relative aux libertés et responsabilités locales de mai 2004 est venue mettre un peu d'ordre dans ce grand fourre-tout. Aux régions la formation professionnelle, l'apprentissage et le développement économique ; aux départements le pilotage du dispositif d'insertion sociale avec notamment la gestion du revenu minimum d'insertion et du revenu minimum d'activité. Aux communes l'accueil et l'accompagnement social des demandeurs d'emploi.

Une répartition des tâches qui oblige les trois niveaux de collectivités à travailler ensemble. En témoignent les maisons de l'emploi, souvent lancées à l'initiative des municipalités. Reconnus par la loi de cohésion sociale, ces « guichets uniques » abritent sous un même toit ANPE, mission locale, plan local pour l'insertion et l'emploi (Plie), Assedic et associations spécialisées. Une centaine ont été labellisés en 2005. « Lorsque les premières expérimentations ont été lancées dans les années 90, l'État ne voyait pas d'un très bon œil ces coopérations, se souvient Marie-Pierre Establie, directrice de l'Alliance villes-emploi et ancienne responsable de la maison de l'emploi de Rueil-Malmaison. Or il semble désormais évident que ces structures sont l'échelon le plus pertinent pour répondre aux besoins des usagers. »

En Ille-et-Vilaine, le département a délégué l'ensemble de ses compétences à la ville de Rennes. Selon une enquête réalisée par l'Observatoire décentralisé de l'action sociale (Odas) en avril dernier auprès de tous les départements, 7 sur 10 s'appuient sur les Plie pour construire les parcours d'insertion. En revanche, les relations entre les départements et l'ANPE se sont envenimées lorsque les conseils généraux ont dû financer seuls la réinsertion professionnelle des allocataires. « Trop cher », ont estimé les départements, qui ont déboursé en moyenne 58 000 euros pour un équivalent temps plein d'agent ANPE. La Manche a vu la facture passer de 130 000 euros en 2004 à 272 000 en 2005 le Rhône, de 750 000 euros supportés pour moitié par l'État à 1,1 million en 2005 entièrement à sa charge. Du coup, la Manche a confié l'accompagnement des bénéficiaires du RMA à des associations et l'Indre l'insertion professionnelle de RMIstes au cabinet Maatwerk.

De leur côté, les régions tentent de bâtir des politiques cohérentes de formation professionnelle avec l'ensemble des acteurs concernés. « En France, le dispositif d'orientation est complètement éclaté, déplore Jean-Paul Denanot, président du conseil régional du Limousin et de la commission formation professionnelle à l'Association des régions de France. Les centres d'information et d'orientation sous tutelle de l'Éducation nationale s'occupent de l'orientation initiale des jeunes encore scolarisés, les demandeurs d'emploi se tournent vers l'ANPE et les jeunes de moins de 26 ans, sans qualification, s'adressent aux missions locales, qui dépendent des communes et des départements. Depuis peu, nous avons réussi à réunir les acteurs de l'orientation avec l'objectif de sécuriser les parcours des salariés et de créer un dispositif d'orientation tout au long de la vie. »

Dans la foulée du plan de cohésion sociale, les collectivités territoriales cherchent aussi à doper les services à la personne et accentuent leur soutien aux entreprises d'insertion. « Un département sur deux considère que les groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification sont un sas efficace vers le secteur concurrentiel et pousse à leur création », note Claudine Padieu, directrice scientifique de l'Odas. C'est dans cet esprit qu'ont été créés en 2004 les « emplois tremplins ». « L'objectif est de dynamiser le tissu associatif en les aidant à créer des emplois pérennes, explique Jean-Paul Denanot. Avec la disparition des emplois jeunes qui avaient permis de développer et de professionnaliser ce secteur d'activité, nous devions proposer un dispositif qui prenne le relais. » La région Ile-de-France annonce ainsi la création de 10 000 emplois tremplins dans les cinq ans. Et la Bourgogne et la Picardie souhaitent en financer 2 000 chacune.

Reste que les relations entre l'État et les collectivités territoriales, majoritairement dirigées par l'opposition, ne sont pas toujours idylliques. « Alors que le développement de l'apprentissage est dévolu aux régions depuis plus de dix ans, l'État n'a jamais accepté de nous confier la collecte de la taxe d'apprentissage. Pis, il nous fait savoir par voie de presse que nous devons passer de 350 000 à 500 000 apprentis d'ici à 2009 », accuse le président de la région Limousin. Quant aux départements, qui voient leurs dépenses sociales exploser, ils pestent. Sur 2005, le transfert du RMI devrait se traduire par un manque à gagner de l'ordre de 1 milliard d'euros, selon Claudy Lebreton, président de l'Assemblée des départements de France. La faute, entre autres, à la réforme de l'assurance chômage qui a fait basculer de nombreux chômeurs vers le revenu minimum d'insertion. Et la création de nouveaux contrats aidés risque d'en rajouter une couche. Si l'État veut compter sur les élus locaux pour combattre le fléau du chômage, il va sans doute falloir qu'il mette la main au portefeuille.

Qui fait quoi ?

De l'insertion des jeunes à la formation professionnelle en passant par le pilotage du RMI, voici la répartition des tâches entre les trois échelons.

Régions : depuis les lois de décentralisation du 2 mars 1982, les 21 régions sont progressivement devenues compétentes dans les domaines de la formation professionnelle, de l'apprentissage, du développement économique et de l'emploi.

Départements : les 99 départements sont essentiellement compétents dans l'action sociale, avec le pilotage unique du RMI et du RMA depuis janvier 2004, en plus de la prise en charge de l'allocation personnalisée d'autonomie.

Villes : les 36 465 communes sont compétentes dans la création des maisons de l'emploi, l'insertion professionnelle des jeunes, la mise en œuvre des contrats d'accompagnement dans l'emploi et des contrats d'avenir.

Auteur

  • S. D., A.-C. G.