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Directive Bolkestein : « Le principe du pays d'origine est inacceptable. »

Actu | Entretien | publié le : 01.01.2006 | Sandrine Foulon

La rapporteure d'une nouvelle version de directive sur les services retoquée en commission est plus confiante dans le prochain vote du Parlement.

Le 24 novembre, un vote de la commission du Marché intérieur du Parlement européen a maintenu le principe du pays d'origine dans la directive Bolkestein sur les services. Vous travaillez depuis deux ans sur une autre version du texte. Vous attendiez-vous à ce résultat ?

Je ne suis pas du tout satisfaite. Mais je n'en attendais pas moins des idéologues de la commission du Marché intérieur et de la protection des consommateurs. Ils sont profondément attachés à ce principe qui stipule que chaque prestataire peut offrir ses services en ne respectant que la loi du pays d'où il est originaire. C'est absolument inacceptable. On ouvre le marché en mettant les systèmes sociaux, environnementaux et les droits des consommateurs en concurrence les uns avec les autres. On espère ainsi que le marché se réglera tout seul. Or c'est la loi du plus fort qui s'impose. En d'autres termes, la proposition la moins-disante socialement. Ce n'est pas l'Europe que je veux. Lors du référendum, les Français, les Néerlandais se sont moins prononcés contre la Constitution que contre cette vision d'une Europe libérale.

Le vote a tout de même exclu du texte le droit du travail. Une BTP hongroise venant travailler en Suède devra respecter les normes sociales de ce pays. Cette avancée saluée par la gauche ne neutralise-t-elle pas le principe du pays d'origine ?

Malheureusement pas. En l'état, ce texte n'est pas forcément une mauvaise chose pour les pays qui possèdent un droit du travail fort. C'est vrai pour la France. Mais c'est une catastrophe pour d'autres États membres. En Suède, lorsqu'un appel d'offres est gagné par une entreprise, celle-ci doit signer avec les syndicats un accord sur les rémunérations, les droits sociaux… Ce n'est pas inscrit dans la loi. En Allemagne, il n'y a pas de salaire minimum légal. Dans ces pays, le droit du travail ne les protège pas contre le principe du pays d'origine.

Du coup, les Français pourraient-ils vous lâcher lors du vote qui doit avoir lieu en plénière en février au Parlement européen ?

C'est un risque. Quand j'entends M. Toubon se satisfaire du résultat, je lui réponds qu'il faut aussi penser aux autres. Et, après tout ce que j'ai fait pour répondre aux souhaits de la France et combattre le dumping social, ce n'est pas le moment d'abandonner.

Quelle alternative défendez-vous ?

Je propose de faire une distinction entre l'accès au service et l'exercice du service. Lorsqu'une entreprise réalise la prestation, je lui demande de respecter les normes sociales du pays de destination. Pour des services temporaires, on ne peut pas exiger d'un prestataire britannique venant travailler en France de changer de système social, de payer ses impôts en France… Mais s'il amène avec lui des travailleurs, il doit suivre les règles de détachement des travailleurs et les rémunérer en fonction des normes en vigueur dans le pays d'accueil. Enfin, sachant que les droits sociaux européens ne sont pas harmonisables, je souhaite que la Commission européenne adopte le plus vite possible des mesures d'harmonisation en termes de qualité, d'environnement et de droits des consommateurs.

Pensez-vous avoir vos chances en plénière ?

La mauvaise nouvelle du 24 novembre, c'est le maintien de la règle du pays d'origine. La bonne, c'est que tout le volet santé ait été exclu du texte. Mais je suis la dernière à crier hourra. Ce vote n'est qu'une étape. Je suis plus optimiste sur celui des 732 parlementaires qui sera, lui, décisif.

Le vent libéral qui souffle sur la Commission ne vous est-il pas défavorable ?

Indéniablement, les Britanniques, les Hongrois, les Finlandais, les Polonais… poussent dans ce sens. De plus, la première lecture du projet par le Conseil ne se fera pas sous la présidence autrichienne mais certainement en 2007 sous celle des Finlandais justement. Cela étant, cette directive concerne une majorité de salariés en Europe et il existe même au sein des libéraux de très vifs débats sur le sujet.

EVELYNE GEBHARDT

Eurodéputée (groupe socialiste) depuis 1994, membre du SPD allemand, rapporteure de la directive sur les services.

NAISSANCE

Le 19 janvier 1954 à Montreuil- sous-Bois.

CV

Evelyne Gebhardt a fait ses études de lettres en France. Traductrice (français-allemand), elle a enchaîné bénévolement des missions humanitaires à l'étranger et s'est investie dans la cause des femmes en Allemagne.

Auteur

  • Sandrine Foulon