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Enquête

LA BORNE DE PAIEMENT SE GÉNÉRALISE

Enquête | publié le : 01.12.2005 |

Aux péages, dans les gares et les métros, l'automatisation de la vente des titres de transport oblige les agents à se reconvertir.

Les péagers d'autoroutes poussés à la polyvalence

Ni licenciements ni mutations forcées dans le cadre de l'évolution du péage : trois jours avant la clôture des candidatures à la privatisation d'ASF, d'AP2R et de Sanef, l'intersyndicale autoroutière a obtenu des garanties, intégrées au cahier des charges des repreneurs. Les syndicats redoutent que la privatisation s'accompagne d'une course à l'automatisation, rentabilité oblige. Dans ce domaine, le maître étalon est le nombre de véhicules par jour : en deçà de 500, une gare de péage est totalement automatisée. Un seuil ramené à 70 chez Cofiroute, seule société d'autoroutes privée. « Nous craignons des destructions massives d'emplois dans les sociétés les moins automatisées », explique Floréal Pinos, représentant CFDT du secteur, où un tiers des 18 000 salariés travaillent aux péages.

AP2R, ASF ou Cofiroute… Depuis six mois, la plupart des exploitants ont entamé ou conclu des accords sur le péage. « Jusqu'alors, le développement du réseau et les mesures d'âge avaient permis d'amortir l'automatisation. Cette époque est révolue », reconnaît Yann Charron, DRH des ASF, société automatisée à 59 %. Changement de politique aussi à Cofiroute, lanterne rouge de la transaction automatisée (33 %), qui veut doubler ce score d'ici à 2012. « Auparavant, de manière dogmatique, l'entreprise freinait l'évolution de l'automatisation. Aujourd'hui, de manière pragmatique, elle accompagne le mouvement des nouvelles technologies », souligne le DRH Érik Leleu. Destinés à réduire le nombre de postes en trois-huit, organisation coûteuse à laquelle l'automatisation offre un substitut avantageux, les accords introduisent polyvalence et mobilité pour les péagers. Surtout, ils créent un statut unique du receveur. « Jusqu'à présent, on débutait avec des contrats précaires, à temps partiel et horaires modulés, pour finir avec des CDI en trois-huit mais avec des tours fixes », rappelle un syndicaliste. À l'avenir, péagers à tours fixes et temps partiels seront regroupés dans une même catégorie.

Chez ASF, malgré une hausse des transactions de 5 %, les effectifs chutent. CDD, intérimaires et CDI à tours fixes diminuent au profit des CDI à horaires modulés. Même constat chez AP2R. « Avant, la direction gérait la baisse du volume d'heures travaillées en diminuant les CDD. Mais il va falloir partager les contraintes pour garder l'emploi », indique Yves Sicard, de la CFDT. « La suppression des trois-huit n'est pas bien perçue. Mais l'automatisation permet de réduire la pénibilité du métier », estime Érik Leleu, le DRH de Cofiroute. « Les salariés ont du mal à envisager la fin des trois-huit, même si c'est pénible. C'est remettre en cause leur organisation de vie et les compensations financières aux horaires décalés », commente un syndicaliste. Pour faire passer la pilule, les sociétés promettent le maintien du salaire et récompensent mobilité et polyvalence. Chez Cofiroute, les receveurs feront aussi la maintenance des automates, l'entretien des gares de péage… Aux ASF, la polyvalence et les reconversions se font, ou sont envisagées, sur des métiers nouveaux comme la préparation de commandes dans un centre de gestion des badges, la vente de titres de télépéage dans les boutiques ou la télévente d'abonnements. « Nous aurions pu sous-traiter cette prestation à un centre d'appels. Nous la gardons en interne pour les reconversions », précise Yann Charron.

« La polyvalence n'absorbera pas le volume de reconversions », s'inquiète Alain Manoury, délégué CFTC à Cofiroute. Ici, comme aux ASF, la DRH reste discrète sur le nombre de postes supprimés à terme par l'automatisation, et promet une baisse des effectifs au fil de l'eau. 50 % des péagers du secteur sont menacés pour les syndicats, qui réclament une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Car « les accords sur le péage ne sont pas à la hauteur de l'enjeu de la mutation du secteur ».

Les agents de la RATP seront tous conseillers

Imaginez une station de métro où, après avoir acheté votre billet à un automate, vous êtes accueilli par un agent qui vous conseille sur votre itinéraire ou vous donne l'adresse d'un bon restaurant. Ce scénario idéal, la RATP compte en faire une réalité d'ici à cinq ans. En 2010, les 297 stations parisiennes auront été transformées à l'image des stations pilotes de Bastille, Place-de-Clichy ou Hôtel-de-Ville. L'évolution n'est pas qu'esthétique. Le guichet vitré va laisser la place à une batterie de distributeurs automatiques. « La généralisation de la carte intégrale et la création d'une agence en ligne vont fortement réduire la vente manuelle, explique Philippe Martin, directeur adjoint de la RATP. Mais cette évolution n'a pas d'incidence sur les effectifs, qui resteront stables. La disparition des poinçonneurs et des agents de vente dans le bus avait, à l'époque, permis des gains de productivité. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Nous voulons humaniser le métro : le métier d'agent de station ne disparaît pas mais change de contenu. »

Pour 40 % des personnels, la vente de titres de transport constitue l'essentiel de l'activité. Ils sortent rarement de leur local : même pour ouvrir le portillon à une mère avec sa poussette, il suffit d'appuyer sur un bouton. Progressivement, la RATP veut amener ses collaborateurs à offrir un service personnalisé aux clients. « Accueil, information, conseil, assistance après-vente, nous souhaitons accroître l'offre de services avant, pendant et après le transport. Les agents doivent être visibles, aller au-devant des clients », précise Philippe Martin. Pour cela, cent mille heures de formation seront dispensées d'ici à 2008 sur chaque ligne de métro, dans une station spécifiquement réaménagée. « Ce rapport direct au client peut générer au début une certaine appréhension, reprend Philippe Martin. Le nouveau métier va se construire par une appropriation progressive. »

Ce n'est pas l'avis de certains syndicats. « C'est un métier sans contenu, estime Olivier Villeret, leader de la CGT Métro-RER. La seule nouveauté, c'est d'aider les usagers à se servir des automates. En supprimant la vente manuelle, la RATP les habitue à se passer des agents. » « Les agents tirent leur utilité de la vente de titres de transport, abonde Jean-Jacob Bicep, numéro un de la CFDT Métro-RER. Ce qu'on nous propose n'est pas un métier. Quant aux avantages obtenus par les agents de station, ils ne sont pas aussi généreux que ceux accordés aux conducteurs de métro pour l'automatisation de la ligne 1. » Il est vrai que les agents de station n'ont pas le pouvoir de bloquer le métro.

Les guichetiers SNCF déployés sur les quais

« La direction mise sur la vente par Internet et par automate. Nous, les guichetiers, nous nous battons pour les emplois et le confort des clients. » Ce vendeur de Côte-d'Or résumait ainsi la colère des commerciaux SNCF en grève, le 9 novembre, pour protester contre la suppression de 2 330 postes d'ici à 2008. Soit un tiers des agents présents derrière les guichets des gares, dans les boutiques SNCF ou dans les centres d'appels. Un mouvement très suivi en Lorraine, où est expérimenté le nouvel espace de vente appelé à se généraliser. Fini l'accès direct au guichet : les voyageurs sont accueillis par un conseiller clientèle qui les oriente dans l'espace relooké où des automates côtoient des bornes Internet et des guichets, réservés aux demandes particulières.

« La mutation profonde des comportements des clients, engagée voici trois ans, nous pousse à redimensionner la force de vente », explique Mireille Faugère, directrice de la branche voyageurs France Europe. Le site Internet a explosé, passant à 16 % de l'activité en 2005. Selon la direction, les commandes en ligne seront, en 2008, près de deux fois plus importantes que les achats aux guichets (40 % contre 25 %). Mais les gains de productivité se feront attendre. La décroissance des effectifs sera progressive sur quatre ans, car les syndicats sont vent debout contre cette « remise en cause du service public ». La filiale de réservation par Internet n'appartient pas à la maison mère et n'emploie pas de cheminots, rappelle la CGT.

« L'évolution doit se faire à un rythme recevable par tous », souligne Mireille Faugère. Elle sera réalisée, pour un tiers, par le non-remplacement des départs à la retraite et, pour le reste, par des reclassements. Une partie des anciens guichetiers deviendront conseillers clientèle. Un « pseudo nouveau métier », selon Didier Fontaine, de SUD Rail : « L'essentiel de l'activité sera d'orienter les voyageurs vers des canaux de distribution dont la raison d'être est la suppression des vendeurs. » Les autres seront reconvertis dans le contrôle ou l'exploitation. Pour Mireille Faugère, la SNCF vit, pour les emplois de vente au guichet, une évolution similaire à celle des banques : « Qui imagine aujourd'hui aller retirer de l'argent au guichet ? »