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Une normalienne pour réenchanter le Plan

Acteurs | publié le : 01.12.2005 | Sophie Boissard

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Une normalienne pour réenchanter le Plan

Crédit photo Sophie Boissard

Le Plan se meurt, vive le futur Centre d'analyse stratégique ! Le remplacement brutal d'Alain Etchegoyen par Sophie Boissard à la tête du Commissariat général du Plan est bien davantage qu'un passage de témoin entre un philosophe et une historienne, diplômée de la Rue d'Ulm. Car cette énarque de 35 ans a reçu de Matignon la mission de refonder le Plan, qui n'a jamais retrouvé son lustre d'antan depuis la disparition des lois de planification, en 1993. « Le Premier ministre dit que le Plan ne sert plus à rien. Il a raison. Nous nous sommes coupés du monde. On n'a travaillé ni pour le Premier ministre, ni pour le dialogue social, ni pour la société en général, mais pour la gloire », remarque sévèrement un chef de service.

À charge pour Sophie Boissard de refaire de cet organisme de 160 personnes un véritable outil d'aide à la décision gouvernementale, qui n'existe qu'à Bercy, avec la Direction de la prévision. La tête d'un réseau où se sont multipliés depuis quelques années les lieux de réflexion ou de concertation, comme le Conseil d'orientation des retraites, le Conseil d'analyse de la société, le Conseil d'orientation pour l'emploi ou encore le Conseil d'analyse économique, le think tank du Premier ministre. Afin de mener à bien ce reengineering, Dominique de Villepin a fait appel à « un espoir du Conseil d'État », selon Olivier Dutheillet de Lamothe, membre du Conseil constitutionnel, qui, lorsqu'il était conseiller social à l'Élysée, a enrôlé Sophie Boissard comme speech writer sur les questions sociales et l'a vivement encouragée à persévérer dans ce domaine.

Nommée commissaire du gouvernement en 1999, trois ans après son arrivée au Conseil constitutionnel, elle a rapporté sur des sujets variés : l'autorisation de mise sur le marché de médicaments ou les conventions entre la Cnam et les professions médicales. Elle s'est aussi illustrée au sein de la mission juridique, sorte de pompier volant du gouvernement. Une expertise qui lui a valu d'être désignée rapporteur de la commission dirigée par Michel de Virville sur la simplification du droit du travail. Le secrétaire général de Renault ne tarit pas d'éloges sur cette « belle mécanique intellectuelle, comme notre pays sait en produire, mais qui fait preuve d'écoute et d'empathie à l'égard de ses interlocuteurs ». Cette parenthèse d'un an lui a ouvert, en 2004, les portes du cabinet de Gérard Larcher, alors ministre délégué aux Relations du travail, où elle a secondé, puis remplacé Éric Aubry, le patron de l'équipe. « C'est quelqu'un à qui l'on peut laisser, en totale confiance, les clés de la maison », estime ce dernier, aujourd'hui secrétaire général du Conseil d'orientation pour l'emploi.

Faire revenir les syndicats

C'est Rue de Grenelle qu'elle a connu son vrai baptême du feu. Plan de cohésion sociale, réforme du licenciement économique, rapprochement de l'ANPE et de l'Unedic, plan d'urgence pour l'emploi : les gros dossiers se sont succédé à grande vitesse, trop, au goût de cette mère de trois enfants. Propulsée aujourd'hui à un poste qui équivaut à une belle direction d'administration centrale, elle ne cache pas l'ampleur de la tâche qui l'attend rue de Martignac. D'abord, rassurer des personnels inquiets et lassés des attaques répétées contre l'institution. Elle a reçu l'intersyndicale avant même son entrée officielle en fonction. « Mais elle n'a pas fourni de réponses précises sur le statut du Plan et ses futures missions », souligne Annick Guillot, déléguée CFDT du Commissariat général du Plan.

Autre urgence, faire revenir au Plan les syndicats, qui se plaignent d'avoir été mis à l'écart par le précédent commissaire. « Il faut redonner sa place à la concertation, car un organisme exclusivement au service du pouvoir serait forcément limité », souligne Jean-Christophe Le Duigou, tête pensante économique de la CGT. Confiante dans la capacité de la maison à se ressourcer, Sophie Boissard assure qu'elle a « une place énorme à prendre, sur les angles d'attaque indiqués par le Premier ministre : combinaison entre croissance, emploi et justice sociale, refondation du pacte républicain, développement durable et construction européenne ». Mais « c'est maintenant où jamais », ajoute-t-elle, d'autant qu'elle doit faire approuver dès la mi-décembre un projet de service au Premier ministre, qui actera par décret la mue du Plan. Un décret qui n'avait pas été retouché depuis… 1962.

J.-P. C.

Auteur

  • Sophie Boissard